Moins de 24 heures après l'ultimatum de 48 heures lancé par Issa Tchiroma Bakary, qui s'est autoproclamé président de la République et a exigé la libération immédiate des prisonniers politiques, le régime de Paul Biya a esquissé une réponse qui ressemble à un début de panique. Le ministre de l'Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a été dépêché en urgence dans la région de l'Adamaoua pour annoncer la libération prochaine d'une soixantaine de détenus.
Cette réaction rapide du pouvoir central contraste avec le silence habituel qui accompagne généralement les revendications de l'opposition. Le timing de cette annonce, intervenant immédiatement après les déclarations fracassantes de l'ancien ministre de la Communication devenu figure de la contestation, n'a échappé à personne et alimente les spéculations sur un possible rapport de cause à effet.
Le déplacement d'Atanga Nji dans le septentrion s'est effectué dans un dispositif sécuritaire impressionnant, avec une forte escouade de militaires du Bataillon d'Intervention Rapide. Une démonstration de force qui contraste paradoxalement avec le message d'apaisement que le ministre était censé véhiculer auprès des populations locales.
Lors de sa rencontre avec les imams et les autorités civiles, traditionnelles et religieuses de la région, le ministre de l'Administration territoriale a surpris son auditoire en multipliant les références religieuses. Selon plusieurs témoins présents, Paul Atanga Nji aurait cité Dieu au moins une vingtaine de fois dans son intervention, enchaînant les formules du type "Dieu a dit que...", "Dieu veut que...", au point que certains observateurs ont ironisé sur sa transformation subite en "pasteur".
Cette approche spirituelle inhabituelle de la part d'un membre éminent du gouvernement semble traduire une volonté de toucher la fibre religieuse des populations du septentrion, région stratégique où Issa Tchiroma Bakary jouit d'une influence considérable en tant que fils du terroir.
La libération annoncée de soixante détenus politiques dans l'Adamaoua, bien qu'elle ne représente qu'une fraction des prisonniers réclamés par l'opposition, marque néanmoins un geste inhabituel de la part d'un régime généralement réputé pour son inflexibilité face aux revendications politiques.
Cette séquence soulève plusieurs interrogations. Le pouvoir central craint-il réellement que l'ultimatum de Tchiroma ne déclenche une mobilisation populaire dans le septentrion ? Cette libération partielle de détenus est-elle un premier pas vers un dialogue ou simplement une manœuvre tactique pour calmer les tensions ? Et surtout, que se passera-t-il à l'expiration du délai de 48 heures si les exigences de Tchiroma ne sont pas totalement satisfaites ?
Dans les milieux proches de l'opposition, on observe avec attention ces développements en se préparant à toutes les éventualités. Le bras de fer entre l'ancien fidèle du régime devenu dissident et le pouvoir établi ne fait manifestement que commencer, et la rapidité de la réaction gouvernementale suggère que Yaoundé prend très au sérieux la menace que représente Issa Tchiroma Bakary, particulièrement dans sa région d'origine.