Plan B à Paul Biya/ Joseph Dion Ngute, l'homme qui a dit non à Tchiroma : anatomie d'un refus qui a changé la donne

RENCONTRE PARIS (4) Ccc Image illustrative

Thu, 27 Nov 2025 Source: www.camerounweb.com

Les révélations de Jeune Afrique sur les coulisses de la fin 2024 montrent comment le Premier ministre a failli basculer dans l'opposition

Et si Joseph Dion Ngute avait dit oui ? Cette question hante désormais les cercles politiques camerounais depuis que Jeune Afrique a révélé, dans une enquête explosive publiée le 27 novembre, qu'Issa Tchiroma Bakary avait "approché formellement" le Premier ministre fin 2024 pour lui proposer de se présenter ensemble à la présidentielle.

Selon les informations de Jeune Afrique, Tchiroma Bakary avait identifié en Dion Ngute le candidat idéal pour incarner une alternative au sein même du camp présidentiel. Anglophone, originaire du Sud-Ouest, le Premier ministre cochait toutes les cases d'un présidentiable crédible dans un contexte de crise anglophone persistante.

Mais surtout, révèle Jeune Afrique, Tchiroma savait que Dion Ngute traversait une période difficile. Ses prérogatives étaient progressivement "rognées" par Ferdinand Ngoh Ngoh, le tout-puissant secrétaire général à la présidence. Plus révélateur encore : le Premier ministre "n'avait alors plus vu Paul Biya en personne depuis longtemps", précise l'enquête de Jeune Afrique.

L'une des révélations les plus significatives de Jeune Afrique concerne l'état d'esprit de Joseph Dion Ngute à cette époque. Le magazine rapporte qu'il "s'agace en privé" de voir son rival Ferdinand Ngoh Ngoh lui transmettre les "hautes instructions" présidentielles, court-circuitant ainsi son autorité de chef du gouvernement.

Cette marginalisation progressive du Premier ministre par le secrétaire général de la présidence n'était pas un secret à Yaoundé, mais Jeune Afrique est le premier média à confirmer que Dion Ngute en souffrait au point d'avoir été approchable par l'opposition.

Tchiroma Bakary avait donc perçu une faille : un Premier ministre frustré, écarté des cercles de décision, privé d'accès direct au président, et originaire d'une région en rébellion. Les ingrédients d'un basculement politique majeur étaient réunis.

Jeune Afrique détaille la vision stratégique de Tchiroma : "bâtir une alliance entre les régions du Cameroun anglophone et le Septentrion". Dans ce schéma, Dion Ngute aurait apporté la légitimité anglophone tandis que Tchiroma mobilisait le Nord, créant ainsi une coalition Nord-Sud-Ouest capable de rivaliser avec le pouvoir central.

Un projet ambitieux qui aurait complètement rebattu les cartes de la présidentielle du 12 octobre. Avec Dion Ngute à ses côtés, Tchiroma aurait eu accès à l'appareil d'État, aux réseaux administratifs, et surtout à une crédibilité auprès des élites anglophones que son alliance ultérieure avec les séparatistes ne pouvait lui offrir.

"Loyal au président et habile diplomate" : le refus de Dion Ngute

Mais selon Jeune Afrique, "Joseph Dion Ngute ne donnera pas suite à la sollicitation". Une décision qui en dit long sur le personnage : malgré ses frustrations, malgré sa marginalisation, le Premier ministre choisit la loyauté au président Biya plutôt que l'aventure politique avec l'opposition.

Cette fidélité, souligne Jeune Afrique, tient autant à la personnalité du Premier ministre — "loyal" et "habile diplomate" — qu'à un calcul politique rationnel. Basculer dans l'opposition aurait signifié la fin de sa carrière politique au sein du RDPC et l'exposition à des risques juridiques et sécuritaires considérables.

Jeune Afrique révèle que c'est après ce refus que "Tchiroma Bakary commence à se convaincre qu'il doit lui-même entrer dans l'arène présidentielle". Le non de Dion Ngute a donc été le déclencheur de la candidature de Tchiroma et, indirectement, de son alliance avec les séparatistes anglophones.

Sans ce refus, l'histoire politique camerounaise aurait pu prendre un tout autre tournant. Tchiroma aurait disposé d'un allié institutionnel plutôt que d'alliés armés. Et Dion Ngute, pour sa part, serait peut-être devenu le principal opposant à Paul Biya, avec toutes les conséquences que cela aurait impliqué.

Ces révélations de Jeune Afrique posent inévitablement la question de l'avenir de Joseph Dion Ngute. Le simple fait qu'il ait été "approché formellement" par Tchiroma, même s'il a refusé, suffit à semer le doute au sein du palais présidentiel.

Ferdinand Ngoh Ngoh, dont Jeune Afrique confirme qu'il a effectivement rogné les prérogatives du Premier ministre, dispose désormais d'un argument supplémentaire pour marginaliser davantage Dion Ngute : "Il a été tenté par l'opposition."

Quant au président Paul Biya, que Jeune Afrique décrit comme ayant cessé de recevoir son Premier ministre, verra-t-il dans ce refus une preuve de loyauté ou le signe qu'il est temps de remplacer un chef de gouvernement devenu une cible de l'opposition ?

Joseph Dion Ngute restera peut-être dans l'histoire comme l'homme qui aurait pu changer le cours de la présidentielle camerounaise de 2025. Grâce à l'enquête de Jeune Afrique, nous savons désormais qu'à un moment donné, fin 2024, le destin politique du Cameroun s'est joué dans un échange discret entre un opposant déterminé et un Premier ministre tenté mais finalement loyal.

Un refus qui, paradoxalement, a peut-être sauvé la carrière de Dion Ngute tout en condamnant Tchiroma à chercher des alliances bien plus controversées.

Source: www.camerounweb.com