Révélations choquantes de Jeune Afrique : Près de 2000 détenus croupissent encore dans les prisons depuis la présidentielle d'octobre

Prisonniers Nbell Image illustrative

Fri, 5 Dec 2025 Source: www.camerounweb.com

Des rafles massives continuent dans les quartiers frondeurs de Yaoundé et Douala, deux mois après le scrutin

Deux mois après l'élection présidentielle du 12 octobre 2025, environ 1 900 personnes restent incarcérées dans différentes prisons du Cameroun, selon des révélations exclusives de Jeune Afrique publiées cette semaine. Un chiffre qui témoigne de l'ampleur d'une répression qui ne faiblit pas.

Les chiffres révélés par Jeune Afrique auprès du collectif d'avocats "Défense citoyenne" dessinent une carte édifiante de la répression postélectorale. Sur les quelque 2 500 personnes initialement arrêtées, près de 1 900 croupissent toujours derrière les barreaux.

La répartition géographique est révélatrice : 400 détenus dans les prisons du Littoral, 300 dans celles de l'Est, près de 300 dans l'Ouest et autant dans le Centre, et environ 200 dans l'Extrême-Nord. Des régions qui correspondent aux bastions de l'opposant Issa Tchiroma Bakary et aux zones où les contestations ont été les plus virulentes.

Le quartier Tsinga, dans le 2ᵉ arrondissement de Yaoundé, est devenu l'épicentre d'une répression ciblée. Bastion de Tchiroma Bakary dans la capitale, ce secteur majoritairement habité par des Camerounais du septentrion subit des rafles régulières depuis la présidentielle.

Jeune Afrique rapporte le témoignage bouleversant d'Awah, jeune trentenaire dont l'époux Souleymane a été interpellé en pleine rue, au retour de la prière. "Mon mari n'était pas parmi les manifestants, il n'a même pas voté", assure-t-elle d'une voix tremblante lors d'une conférence de presse du collectif Défense citoyenne.

Père de cinq enfants et marié à deux femmes, Souleymane menait une vie paisible avant son arrestation. Depuis, il est détenu à la prison centrale de Kondengui, sans chef d'accusation précis. Son seul tort : habiter dans un quartier frondeur.

Le cas de Souleymane n'est pas isolé. Selon les informations recueillies par Jeune Afrique, nombreux sont les détenus qui n'ont jamais participé aux manifestations. Des hommes, des femmes, des mineurs, arrêtés uniquement parce qu'ils résidaient dans des zones considérées comme hostiles au pouvoir.

Les villes de Mandjou dans l'Est, Bafang et Dschang dans l'Ouest, Makary dans l'Extrême-Nord ont été le théâtre de ces arrestations massives. À Douala, où l'appel à manifester de Tchiroma Bakary avait été largement suivi, les interpellations se sont multipliées bien après les manifestations.

Jeune Afrique révèle que certains détenus sont incarcérés depuis le 12 octobre, soit près de deux mois, sans avoir été présentés à un juge. Placés en garde à vue administrative, un régime normalement limité à quinze jours renouvelable une fois, plusieurs se retrouvent emprisonnés bien au-delà des délais légaux.

"Notre justice n'est pas des plus rapides", confie à Jeune Afrique un membre de Défense citoyenne. "Quand un flot de dossiers arrive ainsi, tout se bloque."

À Douala, la situation confine au chaos. Les responsables des prisons transportent des contingents entiers de détenus vers le tribunal militaire, alors même que beaucoup n'ont rien à y faire, comme les mineurs ou ceux dont les charges ne relèvent pas de cette juridiction.

Dans ce contexte désespérant, Jeune Afrique lève le voile sur une pratique aussi répandue qu'illégale : des familles défilent chaque jour devant les juridictions et les lieux d'incarcération, espérant obtenir la libération de leurs proches.

L'opération serait tarifée selon les profils et pourrait atteindre 500 000 francs CFA (environ 760 euros), selon les informations recueillies par le magazine panafricain. Ceux qui n'ont pas les moyens doivent patienter, suspendus au rythme lent d'une justice débordée.

Entre détentions arbitraires, lenteurs judiciaires et corruption, les détenus de la crise postélectorale camerounaise affrontent un système carcéral qui les broie dans l'indifférence générale.

Source: www.camerounweb.com