Les Camerounais vont souffrir : 500 milliards de francs CFA de dettes fournisseurs et une fraude à 60 milliards par an

PaulBiya Applaudissements Paul Biya

Fri, 5 Dec 2025 Source: www.camerounweb.com

L'énergéticien renationalisé fait face à un gouffre financier qui menace tout le secteur électrique

Au-delà de la renationalisation, Eneo croule sous les dettes et les pertes financières. Des révélations exclusives de Jeune Afrique lèvent le voile sur l'ampleur de la crise et les défis colossaux qui attendent l'État camerounais.

Jeune Afrique révèle les chiffres vertigineux de l'endettement d'Eneo : sur une ardoise globale de 800 milliards de francs CFA à fin 2024, la dette fournisseur s'élève à elle seule à 500 milliards de francs CFA. Cette somme colossale est due notamment aux producteurs indépendants d'électricité.

Le magazine panafricain indique que cette situation a d'ailleurs conduit Globeleq, l'un des principaux producteurs indépendants, à prendre la décision de "plier bagage" face à l'accumulation des impayés.

Selon Jeune Afrique, les difficultés financières obligent Eneo à "solliciter énormément les banques pour soutenir son programme d'investissement". Résultat : une dette bancaire estimée à plus de 300 milliards de francs CFA.

Le magazine panafricain révèle que l'une des pistes immédiates consisterait à restructurer cette dette bancaire dans le cadre d'un plan plus ample de restructuration du secteur énergétique. Mais cette opération s'annonce délicate et coûteuse pour l'État désormais actionnaire à 95%.

Jeune Afrique recueille le témoignage d'un analyste du secteur qui a préféré conserver l'anonymat : "Les banques sont les premières à se servir dès qu'il y a des rentrées d'argent. Ce qui ne laisse pratiquement rien pour les autres."

Selon le magazine panafricain, étant l'unique collecteur des ressources du secteur, Eneo pénalise ainsi les autres acteurs au regard de ses charges trop élevées. Un cercle vicieux qui asphyxie progressivement tout l'écosystème électrique camerounais.

Jeune Afrique révèle un chiffre édifiant : la fraude fait perdre à Eneo 60 milliards de francs CFA chaque année. Un manque à gagner colossal qui explique en partie les difficultés de trésorerie de l'énergéticien.

Le ministre de l'Eau et de l'Énergie, Gaston Eloundou Essomba, détaille à Jeune Afrique les pertes de l'entreprise : des pertes techniques évaluées à 15% (fraude) et des pertes non techniques (difficultés commerciales et faible taux de recouvrement des factures) du même ordre.

Jeune Afrique révèle les données précises du déséquilibre financier d'Eneo. Le ministre Gaston Eloundou Essomba résume : "Eneo a collecté en moyenne au cours de ces deux dernières années une trentaine de milliards de francs CFA par mois pour des charges qui tournent autour d'une quarantaine de milliards."

Un déficit mensuel de 10 milliards de francs CFA qui explique pourquoi Amine Homman Ludiye, le directeur général marocain d'Eneo, répète sans cesse que l'entreprise "n'a pas de problème de rentabilité, mais de trésorerie", selon Jeune Afrique.

Le magazine panafricain indique que lors de l'arrêté des comptes, le jour même de la signature de la convention de rachat, l'opérateur enregistrait un chiffre d'affaires de 389 milliards de francs CFA en 2024, pour un bénéfice de seulement 10,1 milliards de francs CFA.

Selon Jeune Afrique, les arriérés de l'administration centrale et des entités publiques s'élèvent à 82 milliards de francs CFA pour la seule année 2024. L'État camerounais, principal débiteur de son propre énergéticien, contribue ainsi directement aux difficultés de trésorerie d'Eneo.

Jeune Afrique révèle l'existence d'un contentieux majeur entre Eneo et l'Agence de régulation du secteur de l'électricité (Arsel) qui pourrait ne jamais être résolu. L'énergéticien avait déposé une demande d'expertise devant la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris, clamant être victime de discrimination sur certains montants lors de la validation de ses factures.

Le magazine panafricain indique que selon les estimations d'Eneo, le préjudice subi rien qu'au titre de 2025 s'élèverait à quelque 67 milliards de francs CFA. Au total, l'écart entre les sommes réclamées par l'opérateur et celles validées par le régulateur irait au-delà de 100 milliards de francs CFA, selon certaines sources.

Mais Jeune Afrique révèle que dans la configuration actuelle, où Eneo redevient un opérateur public à 95%, "il y a de fortes chances que ce différend ne soit jamais élucidé". Un analyste confie au magazine : "L'État est désormais libre de traiter ou pas cette question."

Malgré cet état des lieux catastrophique, Jeune Afrique rapporte que Yaoundé envisage plusieurs mesures radicales. L'État compte contraindre le secteur public à régler ses factures, intensifier la lutte contre la fraude, et élargir la base clientèle par le raccordement des nouvelles industries au réseau, notamment à Douala.

Le magazine panafricain révèle qu'Eneo est par ailleurs tenu de faire passer le taux de recouvrement des factures d'électricité de 72 à 100% dès l'année prochaine. Un objectif jugé "très ambitieux" par les observateurs.

Selon Jeune Afrique, le raccordement des nouvelles industries permettrait d'engranger près de 50 milliards de francs CFA de recettes supplémentaires. Mais cela suppose la finalisation des investissements en cours dans le transport et la distribution.

Jeune Afrique lève le voile sur un sujet sensible : "Même si le sujet paraît tabou pour l'instant, la révision des tarifs basse et moyenne tensions ne peut être ajournée trop longtemps, surtout si le retour à l'équilibre financier est espéré pour 2028."

Les tarifs de l'électricité sont gelés depuis 2012, créant un déséquilibre structurel qui s'aggrave d'année en année. Le magazine panafricain suggère qu'une hausse des tarifs sera inévitable pour espérer redresser le secteur, même si les autorités n'osent pas encore l'annoncer publiquement.

Les révélations de Jeune Afrique dessinent le portrait d'un secteur énergétique camerounais au bord de l'asphyxie, où la renationalisation d'Eneo apparaît moins comme une solution que comme le début d'un long et coûteux chemin de croix pour l'État.

Source: www.camerounweb.com