Le 8 décembre 2025, le Président Paul Biya a signé trois décrets stratégiques visant à restructurer en profondeur les cadres de la Sûreté Nationale camerounaise. Ces textes officiels concernent l'avancement de 600 Commissaires de Police au grade de Commissaire Principal, la promotion de 109 Officiers de Police Principaux, ainsi que leur inscription sur la liste d'aptitude pour accéder au grade de Commissaire. Cette triple mesure intervient dans un contexte de modernisation des forces de sécurité et répond aux attentes d'une police camerounaise en quête de reconnaissance professionnelle et de moyens renforcés. Entre valorisation des ressources humaines et exigences de réformes structurelles, ces décrets marquent-ils un véritable tournant pour la Police camerounaise ?
C'est une journée historique pour la Sûreté Nationale camerounaise. En une seule journée, le Président Paul Biya a signé trois décrets visant à restructurer et à dynamiser les cadres de la Police. Ces textes, publiés le 8 décembre 2025, concernent l'avancement de 600 Commissaires de Police, la promotion de 109 Officiers de Police Principaux, et l'inscription de ces derniers sur la liste d'aptitude pour l'accès au grade de Commissaire.
Les trois décrets présidentiels s'articulent autour d'une logique cohérente de progression de carrière et de valorisation des compétences au sein de la Sûreté Nationale.
Le Décret n°2025/557 porte sur l'inscription de 600 Commissaires de Police au tableau d'avancement pour le grade de Commissaire Principal. Cette inscription constitue une étape préalable indispensable, reconnaissant officiellement l'éligibilité de ces officiers à une promotion basée sur leurs années de service, leurs performances et leur engagement professionnel.
Le Décret n°2025/558 va plus loin en actant l'avancement effectif de ces 600 Commissaires. Il ne s'agit plus d'une simple inscription, mais d'une promotion concrète avec une reclassification par échelons. Cette reclassification permet non seulement une reconnaissance symbolique, mais aussi une revalorisation salariale et une amélioration des conditions de travail pour les officiers concernés.
Enfin, le Décret n°2025/556 cible les Officiers de Police Principaux en inscrivant 109 d'entre eux sur la liste d'aptitude pour devenir Commissaires. Cette mesure ouvre la voie à une nouvelle génération de cadres dirigeants au sein de la Sûreté Nationale, assurant ainsi un renouvellement progressif des effectifs de commandement.
Ces trois décrets ne sont pas des actes isolés. Ils s'inscrivent dans une politique globale de modernisation des forces de l'ordre initiée par le gouvernement camerounais. Cette réforme poursuit plusieurs objectifs stratégiques clairement identifiés.
Premièrement, il s'agit d'améliorer la gouvernance au sein de la Sûreté Nationale. En renforçant les cadres dirigeants et en leur accordant une reconnaissance officielle, le pouvoir entend professionnaliser davantage la chaîne de commandement. Une meilleure gouvernance se traduit par des prises de décision plus efficaces, une coordination optimisée entre les différentes unités et une responsabilisation accrue des officiers supérieurs.
Deuxièmement, ces promotions visent à motiver les officiers par des perspectives de carrière claires. L'un des principaux défis auxquels font face les forces de sécurité camerounaises est la démotivation des effectifs, souvent liée à des perspectives d'évolution professionnelle limitées. En offrant des opportunités concrètes d'avancement, l'État cherche à restaurer l'attractivité de la carrière policière et à fidéliser ses meilleurs éléments.
Troisièmement, le gouvernement entend renforcer la professionnalisation des cadres, avec des formations adaptées. Les promotions accordées s'accompagnent normalement de programmes de formation continue destinés à préparer les nouveaux promus aux responsabilités accrues qui leur incombent. Cette dimension formative est essentielle pour garantir que les avancements se traduisent effectivement par une amélioration de la qualité du service public de sécurité.
La signature simultanée de ces trois décrets constitue un signal politique fort adressé à l'ensemble de la Sûreté Nationale. Le message est clair : l'État reconnaît l'engagement de ses policiers et s'engage à valoriser leur travail.
Cette reconnaissance intervient dans un contexte sécuritaire toujours tendu au Cameroun. Les forces de police sont sollicitées sur de nombreux fronts : lutte contre le terrorisme de Boko Haram dans l'Extrême-Nord, maintien de l'ordre dans les régions anglophones en proie à la crise séparatiste, lutte contre la criminalité urbaine dans les grandes villes, et gestion des mouvements sociaux comme la récente grève des camionneurs.
Dans ce contexte, motiver et professionnaliser les cadres de la Police devient une nécessité impérieuse. Des officiers bien formés, bien encadrés et reconnus dans leur valeur sont plus à même de faire face aux défis sécuritaires complexes auxquels le pays est confronté.
Les chiffres contenus dans ces décrets sont révélateurs de l'ampleur de la réforme. 600 Commissaires promus au grade de Commissaire Principal représentent une masse critique importante au sein de la hiérarchie policière. Ces officiers occuperont des postes de responsabilité dans l'ensemble du territoire national, de la coordination régionale au commandement d'unités spécialisées.
Les 109 Officiers de Police Principaux inscrits sur la liste d'aptitude constituent également un vivier significatif pour le renouvellement futur des cadres dirigeants. Cette approche par étapes – inscription puis promotion effective – permet d'assurer une transition en douceur et d'éviter les ruptures brutales dans la chaîne de commandement.
Au total, ce sont donc plus de 700 officiers qui bénéficient directement ou indirectement de ces mesures, sans compter l'effet d'entraînement sur le moral de l'ensemble des effectifs de la Sûreté Nationale.
Les premières réactions à l'annonce de ces décrets sont globalement positives au sein de la Sûreté Nationale. Des observateurs avertis saluent ces mesures, qui "donnent un nouveau souffle à la Police camerounaise". La satisfaction est particulièrement perceptible chez les officiers directement concernés, qui y voient la reconnaissance de longues années de service souvent dans des conditions difficiles.
Des syndicats de policiers, bien que généralement discrets au Cameroun, ont exprimé leur satisfaction tout en rappelant que ces promotions doivent s'accompagner d'améliorations concrètes des conditions de travail. "Nous saluons ces avancements, mais nous attendons maintenant que les moyens suivent", confie un représentant syndical sous couvert d'anonymat.
Du côté des analystes en sécurité, les avis sont plus nuancés. Si ces promotions sont jugées nécessaires et bienvenues, certains appellent à une accélération des réformes structurelles, notamment en matière de moyens logistiques et technologiques, pour accompagner ces promotions.
Car au-delà des promotions, c'est toute l'architecture de la Sûreté Nationale qui nécessite une modernisation en profondeur. Les défis sont nombreux et bien identifiés par les professionnels du secteur.
Le premier concerne les moyens matériels. À quoi servent des officiers supérieurs compétents et motivés s'ils ne disposent pas des véhicules, des équipements de communication, des armes et des munitions nécessaires à l'exercice de leurs fonctions ? La question des moyens logistiques demeure un point de friction récurrent entre la hiérarchie policière et les autorités budgétaires.
Le deuxième défi touche à la formation. Si les décrets mentionnent l'objectif de professionnalisation avec des formations adaptées, la réalité du terrain montre que les centres de formation de la Police camerounaise souffrent souvent d'un manque d'infrastructures modernes et de formateurs qualifiés. Investir dans la formation continue des cadres promus est indispensable pour que ces promotions se traduisent par une amélioration effective du service.
Le troisième enjeu concerne la modernisation technologique. À l'ère du numérique, la Police camerounaise doit se doter d'outils modernes : systèmes de vidéosurveillance, bases de données informatisées, moyens de communication sécurisés, équipements de criminalistique performants. Ces investissements technologiques sont essentiels pour permettre aux nouveaux cadres promus de travailler dans des conditions optimales.
Les décrets signés le 8 décembre 2025 ne constituent qu'une première étape d'un processus de réforme qui devra s'inscrire dans la durée. La prochaine étape prévue est la publication officielle de ces décrets au Journal Officiel de la République du Cameroun, suivie de leur mise en œuvre progressive dès 2026.
Cette mise en œuvre impliquera plusieurs phases : notification officielle des intéressés, organisation de cérémonies de prise de grade, ajustement des grilles salariales, réaffectation éventuelle des nouveaux promus à des postes correspondant à leur grade, et mise en place des formations d'accompagnement.
Les observateurs attentifs suivront avec intérêt l'effectivité de cette réforme. L'histoire récente du Cameroun a montré que la signature de décrets, aussi ambitieux soient-ils, ne garantit pas toujours leur application intégrale sur le terrain. Les contraintes budgétaires, les résistances administratives ou les priorités concurrentes peuvent retarder ou diluer la portée des réformes annoncées.
Au-delà de la Sûreté Nationale, ces décrets constituent également un test de crédibilité pour l'État camerounais dans sa capacité à réformer ses institutions de sécurité. Dans un contexte marqué par la contestation post-électorale menée par Issa Tchiroma Bakary, les mouvements sociaux comme la grève des camionneurs, et les défis sécuritaires persistants, la modernisation de la Police apparaît comme un impératif.
Des forces de sécurité bien encadrées, motivées et professionnelles constituent un pilier essentiel de la stabilité d'un État. Le Président Paul Biya semble avoir compris cette nécessité en signant ces trois décrets. Reste maintenant à transformer ces textes en réalité concrète sur le terrain.
L'ambition affichée par ces décrets est claire : transformer la Sûreté Nationale camerounaise en une institution moderne, efficace et respectée. Cette transformation passe nécessairement par la valorisation de ses cadres, premier maillon d'une chaîne de commandement qui doit être exemplaire.
Mais une Police du XXIe siècle ne se limite pas aux grades et aux galons. Elle suppose également une culture institutionnelle renouvelée, fondée sur le respect des droits humains, la proximité avec les populations, la transparence dans l'action, et l'efficacité dans la réponse aux sollicitations des citoyens.
Ces dimensions qualitatives de la réforme policière n'apparaissent pas explicitement dans les décrets signés le 8 décembre. Pourtant, elles sont tout aussi importantes que les promotions et les reclassifications. Les nouveaux Commissaires Principaux et les futurs Commissaires auront la lourde responsabilité d'incarner ce renouveau et de le transmettre à leurs équipes.
L'année 2026, qui verra la mise en œuvre effective de ces décrets, sera donc une année décisive pour la Sûreté Nationale camerounaise. Elle dira si la volonté politique affichée par le Président Paul Biya se traduit par des changements concrets et durables.
Les attentes sont fortes, tant du côté des policiers eux-mêmes que des citoyens camerounais qui espèrent bénéficier d'un service de sécurité amélioré. La signature de ces trois décrets constitue une opportunité à saisir. À condition que les moyens suivent les intentions, et que la réforme ne se limite pas à des mesures cosmétiques.
Le pari de la modernisation de la Police camerounaise est lancé. Son succès dépendra de la capacité des autorités à maintenir le cap, à mobiliser les ressources nécessaires, et à accompagner ces promotions d'une transformation en profondeur de l'institution policière.
En attendant, les 600 Commissaires fraîchement promus et les 109 Officiers inscrits sur la liste d'aptitude peuvent se réjouir d'une reconnaissance méritée. À eux maintenant de montrer, par leur action quotidienne, qu'ils sont à la hauteur de la confiance placée en eux par le Chef de l'État et par les citoyens camerounais.