Il est un monstre: Le réquisitoire d'Atanga Nji contre un mort

Le Prisonnier Atanga Nji.jpeg Image illustrative

Wed, 10 Dec 2025 Source: www.camerounweb.com

Jeune Afrique rapporte les propos particulièrement durs de Paul Atanga Nji, ministre de l'Administration territoriale, qui "déroule un réquisitoire contre l'opposant disparu".

Le média panafricain liste les accusations portées contre Ekane : "proclamation anticipée d'un vainqueur à la présidentielle, appel aux forces de sécurité pour 'revendiquer une supposée victoire', implication supposée dans la distribution de tramadol à des jeunes militants, participation à une dynamique qualifiée d'insurrectionnelle…"

Ce qui frappe dans cette liste, c'est l'emploi systématique de termes imprécis : "supposée victoire", "implication supposée", "dynamique qualifiée"... Autant de formulations qui révèlent l'absence de preuves tangibles.

Jeune Afrique rapporte aussi une déclaration étonnante d'Atanga Nji : il "affirme aussi avoir rendu deux visites à Georges Anicet Ekane à l'hôpital l'année précédente, signe selon lui que l'État qu'il représente serait 'humain mais ferme'".

Si le ministre avait rendu visite à Ekane hospitalisé l'année précédente, il connaissait donc parfaitement son état de santé précaire. Comment alors justifier son arrestation et sa détention dans des conditions qui ont précipité sa mort ?

Jeune Afrique révèle que des voix au sein même du régime reconnaissent que cette mort aurait pu être évitée. Le média cite Michel Ange Angouing, ex-ministre de la Fonction publique, qui "a été l'un des premiers à s'émouvoir de cette mort 'évitable'".

Plus significatif encore, Jeune Afrique rapporte les propos de Christophe Mien Zok, "patron de la propagande du RDPC" : "Son décès n'aurait pas dû intervenir dans les circonstances que l'on connaît. Les alertes n'ont pas manqué."

Cette reconnaissance publique que "les alertes n'ont pas manqué" est un aveu implicite : les autorités savaient qu'Ekane était en danger de mort en détention, mais n'ont rien fait pour l'éviter. Cela transforme une éventuelle négligence en non-assistance à personne en danger, voire en homicide volontaire.

La conviction d'une mort préméditée

Jeune Afrique rapporte la conviction de nombreux observateurs : "Comme beaucoup, celui-ci est convaincu que le décès de l'activiste – qui avait pris fait et cause pour l'opposant Issa Tchiroma Bakary – procède d'une décision préméditée des autorités camerounaises, laquelle aurait privé Ekane de soins."

Cette conviction repose sur un faisceau d'indices troublants que l'enquête de

La tentative d'achat du silence

Jeune Afrique termine son enquête par une révélation qui en dit long sur la conscience qu'a le pouvoir de la gravité de l'affaire. Le média rapporte que "plus discrètement, le pouvoir envisagerait d'apporter un soutien financier à la famille Ekane pour organiser les obsèques du défunt".

Cette tentative d'achat du silence familial par une contribution financière aux obsèques est une pratique courante dans les affaires sensibles. Elle permet au pouvoir de se présenter comme "généreux" tout en tentant d'apaiser la colère de la famille.

Mais Jeune Afrique précise immédiatement : "Mais les proches de ce dernier ont déjà refusé." Ce refus prive le régime d'une porte de sortie honorable et maintient la pression.

L'affaire Ekane, telle que documentée par Jeune Afrique, établit un précédent inquiétant : un opposant politique peut être attiré dans un piège, arrêté, privé de son matériel médical vital, laissé mourir en détention, et les autorités peuvent ensuite nier toute responsabilité en invoquant ses "pathologies chroniques".

Si ce schéma reste impuni, il pourrait se reproduire contre d'autres figures de l'opposition, particulièrement dans le contexte de répression de la contestation post-électorale menée par Issa Tchiroma Bakary.

Les révélations de Jeune Afrique constituent donc bien plus qu'une enquête journalistique : elles documentent un mode opératoire qui pourrait devenir la norme dans le traitement des opposants "stratégiques" au Cameroun.

Pour la famille d'Ekane, pour ses avocats et pour tous ceux qui réclament la vérité, l'enjeu est désormais d'obtenir une enquête indépendante qui établira les responsabilités à tous les niveaux de la chaîne de commandement. Du gendarme en civil qui aurait conduit le taxi-piège au secrétaire général de la présidence qui aurait ordonné l'opération, en passant par tous les intermédiaires qui ont exécuté, couvert ou ignoré les alertes.

Source: www.camerounweb.com