Jeune Afrique révèle les nombreuses failles du mandat d'arrêt émis par le Cameroun contre Issa Tchiroma Bakary. Dates incohérentes, absence de signatures et non-respect des standards internationaux : Interpol Nigeria a rejeté la demande camerounaise.
Dans une affaire qui tourne à l'embarras diplomatique pour Yaoundé, Jeune Afrique a eu accès à des documents confidentiels révélant les graves irrégularités du mandat d'arrêt international censé permettre l'extradition d'Issa Tchiroma Bakary. Selon les informations exclusives obtenues par le magazine panafricain, Interpol Nigeria a identifié de multiples anomalies qui invalident la procédure lancée par le Cameroun.
La première notification envoyée par les autorités camerounaises à la National Intelligence Agency nigériane ne comportait tout simplement aucune pièce probante, révèle Jeune Afrique dans une note qu'elle a pu consulter. Une carence procédurale majeure qui a immédiatement alerté les services nigérians sur le sérieux de la démarche camerounaise.
Face à ce premier échec, Yaoundé a transmis un second document présenté comme un mandat d'arrêt en bonne et due forme. Mais selon les révélations de Jeune Afrique, l'examen approfondi de ce document par Interpol Nigeria a mis au jour plusieurs irrégularités rédhibitoires. Le magazine liste précisément ces anomalies : incohérence de dates, absence de signatures et de tampons officiels, non-respect des standards internationaux en matière de mandats d'arrêt.
Ces défauts de forme, loin d'être anodins, soulèvent des questions sur la préparation et la rigueur juridique des services camerounais dans cette affaire sensible. Interpol Nigeria a donc conclu qu'aucune notice valide n'avait été reçue, privant ainsi le Cameroun de toute base légale pour réclamer l'arrestation de son opposant le plus médiatique.
Plus étonnant encore, Jeune Afrique révèle une contradiction dans le discours officiel camerounais. Alors que Yaoundé assure avoir rédigé une demande d'extradition en bonne et due forme, les autorités admettent ne l'avoir jamais transmise aux instances nigérianes compétentes. Cette situation ubuesque soulève de nombreuses interrogations : s'agit-il d'une négligence administrative, d'un calcul politique ou d'une incapacité à produire un dossier juridiquement solide ?
Cette série de cafouillages procéduraux affaiblit considérablement la position du Cameroun dans ce bras de fer diplomatique. Elle donne également des arguments juridiques solides au Nigeria pour justifier son refus de coopérer à l'arrestation de Tchiroma Bakary, tout en permettant à Abuja de se retrancher derrière des considérations purement techniques plutôt que d'assumer ouvertement un choix politique.
Au-delà du cas Tchiroma Bakary, ces révélations de Jeune Afrique mettent en lumière les faiblesses de l'appareil judiciaire et sécuritaire camerounais dans le traitement des affaires politiques sensibles. Elles pourraient également encourager d'autres opposants en exil à considérer que les menaces de poursuites internationales brandies par Yaoundé ne sont pas aussi redoutables qu'elles le paraissent, dès lors que les procédures sont entachées d'irrégularités aussi flagrantes.