Jeune Afrique dévoile les conditions dramatiques de la détention de l'opposant, figure clé de la campagne de Tchiroma Bakary
Deux mois après son arrestation spectaculaire, les conditions de détention de l'opposant camerounais Djeukam Tchameni soulèvent de graves inquiétudes. Dans une enquête exclusive publiée ce mardi, le magazine panafricain Jeune Afrique révèle les détails glaçants de l'interpellation et de l'incarcération de cet activiste politique, figure centrale de la campagne d'Issa Tchiroma Bakary lors de la présidentielle d'octobre 2025.
Selon les révélations exclusives de Jeune Afrique recueillies auprès de l'épouse de l'opposant, l'arrestation de Djeukam Tchameni dans la soirée du 24 octobre à Bonabéri, quartier de Douala, s'est déroulée dans des conditions particulièrement brutales. Une douzaine d'hommes armés auraient investi l'enceinte d'une école internationale où réside la famille de l'activiste, sans présenter de mandat ni décliner leur identité.
Le magazine révèle que les agents ont maîtrisé l'agent de sécurité, fracturé une porte avant d'embarquer de force l'opposant. "Djeukam Tchameni a été cagoulé, jeté dans une voiture, puis transporté pendant six heures jusqu'au secrétariat d'État à la Défense, à Yaoundé", confie son épouse à Jeune Afrique. Un traitement que l'on réserve habituellement aux criminels de haute dangerosité, et non à un opposant politique.
Dans son enquête exclusive, Jeune Afrique dévoile également les circonstances troublantes des perquisitions effectuées au domicile de l'opposant. Pendant que leur collègue emmenait Djeukam Tchameni, d'autres membres du commando auraient fouillé l'appartement familial et même les dortoirs des élèves de l'école, traumatisant au passage deux adolescents.
d'ordinateurs, passeports, un coffre-fort contenant des documents sensibles et toutes les sommes en espèces ont été emportés. Mais c'est la suite qui interpelle davantage. Jeune Afrique rapporte que quatre jours après l'arrestation, lorsqu'une liste partielle des biens saisis a été présentée à Djeukam Tchameni, les espèces – environ deux millions de francs CFA – s'étaient "tout simplement volatilisées", selon les termes de son épouse.
Face à ces révélations embarrassantes, les autorités auraient riposté en évoquant la découverte d'armes au domicile de l'opposant. Mais Jeune Afrique révèle que la famille conteste fermement cette version. "Aucune arme n'a été trouvée chez nous. Les photos diffusées sur les réseaux sociaux sont un grossier montage", assure l'épouse de Djeukam Tchameni dans les colonnes du magazine panafricain.
Cette accusation d'armes ne serait d'ailleurs qu'un élément parmi d'autres d'une stratégie judiciaire fluctuante. Jeune Afrique rapporte que les chefs d'accusation contre l'opposant ont évolué au fil des jours : "On a parlé d'hostilité à la patrie, d'incitation à l'insurrection, puis d'atteinte à la sécurité de l'État et de propagation de fausses nouvelles", énumère son épouse.
L'enquête de Jeune Afrique lève également le voile sur les conditions de détention de Djeukam Tchameni au secrétariat d'État à la Défense (SED) de Yaoundé, un lieu tristement célèbre dans l'histoire politique camerounaise. Le magazine révèle que l'opposant a été maintenu en garde à vue pendant plus de quarante jours, "en violation totale des lois camerounaises", selon son épouse.
Les conditions au SED sont décrites par Jeune Afrique comme particulièrement éprouvantes : seulement 25 minutes de soleil par jour, 45 minutes de visite, des règles changeantes créant une "torture psychologique subtile, mais bien réelle". "Dans ces geôles, un détenu est en danger permanent. Anicet Ekane en est mort", rappelle l'épouse de l'opposant dans les colonnes du magazine, faisant référence au décès controversé de cette figure de l'opposition camerounaise survenu en détention.
Jeune Afrique replace cette arrestation dans le parcours politique de Djeukam Tchameni, révélant qu'il ne s'agit pas de son premier séjour en prison. Le magazine rappelle que l'activiste avait déjà été "embastillé" en 1988 pour sa lutte en faveur de l'avènement de la démocratie au Cameroun.
Après dix-sept mois de détention extrajudiciaire, révèle Jeune Afrique, il avait été traduit devant un tribunal militaire en mars 1990 aux côtés de figures comme Me Yondo Black et Anicet Ekane. Condamnés à trois ans de prison ferme pour subversion, ils avaient été libérés six mois plus tard sous la pression nationale et internationale. Trente-sept ans plus tard, l'histoire semble se répéter.
Le véritable "crime" : avoir orchestré la campagne de Tchiroma Bakary
Au-delà des accusations officielles, Jeune Afrique révèle ce que la famille considère comme le véritable motif de cette arrestation. "Le seul crime de mon mari est d'avoir été l'architecte de la victoire écrasante d'Issa Tchiroma Bakary et de la défaite cuisante de Paul Biya", déclare l'épouse de l'opposant dans l'enquête du magazine panafricain.
Cette déclaration fait référence à la présidentielle du 12 octobre 2025, après laquelle Issa Tchiroma Bakary s'est proclamé vainqueur, défiant ouvertement Paul Biya et son gouvernement. Une audace qui n'a pas tardé à provoquer une réaction du pouvoir en place, Djeukam Tchameni en payant apparemment le prix fort.
Dans cette enquête exclusive, Jeune Afrique rapporte également l'appel lancé par l'épouse de Djeukam Tchameni aux autorités camerounaises. "Je demande la libération immédiate de mon mari et de tous les prisonniers arrêtés pour leurs opinions. Paul Biya devrait libérer immédiatement les prisonniers politiques et entrer en dialogue avec Issa Tchiroma Bakary", plaide-t-elle dans les colonnes du magazine.
Elle suggère même que "le programme de transition et de refondation de l'UPC peut constituer une base de négociation pour l'avenir du Cameroun". Un appel au dialogue qui, pour l'heure, semble tomber dans l'oreille d'un sourd, alors que la situation politique du pays reste tendue deux mois après une élection présidentielle contestée.
Contactées par Jeune Afrique, les autorités camerounaises n'ont pas souhaité réagir à ces révélations au moment de la publication de cette enquête.