Dans un entretien exclusif accordé au journal Le Monde à Paris, le président de la Fédération camerounaise de football, fraîchement réélu en novembre, a levé le voile sur les rumeurs d'ambitions présidentielles qui l'entourent, l'exercice du pouvoir et ses objectifs pour la CAN 2025. Une confession rare qui éclaire les défis d'un homme à la croisée du sport et de la politique.
À 44 ans, Samuel Eto'o demeure « un personnage à part, de ceux qui parlent régulièrement d'eux à la troisième personne », observe Le Monde dans son édition du 24 décembre. Mais le quadruple Ballon d'or africain a accepté de se confier au prestigieux quotidien français lors d'un court passage à Paris le 15 décembre, entre deux escales de son agenda international surchargé.
C'est lors de cet entretien que le président de la Fecafoot a lâché une phrase qui résume à elle seule les tensions qui traversent son mandat : « 99 % de mes problèmes viennent du fait que les gens pensent que je veux devenir chef d'État. »
Cette déclaration frontale met enfin des mots sur les spéculations persistantes qui entourent l'ancien capitaine des Lions Indomptables depuis son élection à la tête de la Fédération camerounaise de football en 2021, et sa réélection triomphale le 29 novembre dernier.
Le Monde note que « l'exercice du pouvoir l'a remodelé et, sans doute, contraint à modérer ses ambitions, dans un pays où politique et football sont fortement imbriqués ». Une observation qui en dit long sur les pressions et les compromis auxquels Samuel Eto'o a dû faire face durant son premier mandat.
L'homme qui a conquis l'Europe avec le FC Barcelone et l'Inter Milan découvre les réalités d'une gouvernance bien plus complexe que la gestion d'un vestiaire. Au Cameroun, chaque décision footballistique est scrutée à l'aune de possibles calculs politiques, et le moindre faux pas peut être interprété comme une manœuvre préélectorale.
L'emploi du temps évoqué par Le Monde illustre parfaitement l'envergure du personnage : Yaoundé pour assister à la finale de la Coupe du Cameroun, Paris pour cet entretien, Doha au Qatar pour la cérémonie The Best de la FIFA, puis le Maroc pour accompagner les Lions Indomptables à la CAN 2025.
Un agenda digne d'un chef d'État, précisément ce qui alimente les rumeurs qu'il dénonce. Cette omniprésence sur les scènes nationale et internationale, loin d'éteindre les spéculations, les nourrit quotidiennement.
L'entretien intervient dans un contexte sportif délicat. Les Lions Indomptables ont échoué à se qualifier pour la Coupe du monde 2026, un échec cuisant pour le président de la Fecafoot qui en porte nécessairement la responsabilité. Cette contre-performance a renforcé la pression sur Samuel Eto'o, qui doit impérativement réussir cette CAN 2025 pour justifier ses choix.
Le limogeage controversé de Marc Brys et la promotion de son adjoint David Pagou au poste de sélectionneur, quelques semaines avant le début de la compétition, ont relancé les polémiques sur la gestion de la sélection nationale et l'influence directe du président de la Fédération.
Au Cameroun, comme le souligne Le Monde, « politique et football sont fortement imbriqués ». Cette réalité place Samuel Eto'o dans une position inconfortable : chaque décision peut être perçue comme un acte politique, chaque succès comme un tremplin électoral, chaque échec comme une disqualification pour de plus hautes ambitions.
Le meilleur buteur de l'histoire du Cameroun le sait : sa popularité immense, forgée sur les terrains européens et lors des épopées continentales, fait de lui un potentiel candidat crédible à la magistrature suprême. Mais est-ce vraiment ce qu'il souhaite ?
En affirmant que 99 % de ses problèmes proviennent de cette perception, Samuel Eto'o pose implicitement une question : et si ce n'était qu'une rumeur infondée ? Mais dans le même temps, ce chiffre de 99 % révèle l'ampleur de l'obstacle que représente cette suspicion permanente dans l'exercice de ses fonctions à la Fecafoot.
Doit-on y voir un déni ou une stratégie de communication ? L'exemple de George Weah, ancien Ballon d'or devenu président du Liberia, prouve que la trajectoire d'une star du football vers la présidence d'un pays africain n'a rien d'improbable.
Quoi qu'il en soit, Samuel Eto'o doit maintenant se concentrer sur l'objectif immédiat : permettre aux Lions Indomptables de reconquérir le trophé continental, huit ans après leur dernier sacre en 2017. Le match d'ouverture victorieux contre le Gabon (1-0) a lancé idéalement la compétition, mais c'est le choc de dimanche contre la Côte d'Ivoire qui constituera le véritable test.
Une élimination précoce de la CAN 2025 serait désastreuse pour la crédibilité de Samuel Eto'o, aussi bien dans le football que dans l'hypothétique arène politique où certains l'imaginent déjà. À l'inverse, un sacre continental renforcerait considérablement son aura et sa légitimité, alimentant paradoxalement les spéculations qu'il dit vouloir dissiper.
En choisissant Le Monde, journal de référence internationale, pour s'exprimer sur ces sujets sensibles, Samuel Eto'o envoie un message. Il ne subit plus les rumeurs en silence, mais les affronte de face, avec la même détermination qu'il mettait à défier les défenses adverses.
Cette stratégie de communication frontale marque peut-être un tournant dans la gestion de son image publique. L'homme qui parlait de lui à la troisième personne semble avoir compris qu'il devait désormais maîtriser son récit personnel, sous peine de le voir écrit par d'autres.
Pour Samuel Eto'o, 2025 sera une année décisive. Réélu à la tête de la Fecafoot pour un second mandat, il dispose désormais d'une légitimité renforcée pour mener à bien ses projets. Mais les résultats sportifs devront suivre pour faire taire définitivement les critiques.
Reste cette interrogation lancinante, que son interview au Monde n'a fait qu'amplifier : si 99 % de ses problèmes viennent de cette perception, que représente le 1 % restant ? Et surtout, ce déni catégorique est-il vraiment définitif, ou s'agit-il simplement d'un « pas maintenant » qui laisse toutes les portes ouvertes pour l'avenir ?