CONFIDENTIEL: ces évêques rebelles qui défient Paul Biya au péril de leur carrière

Paul Biya Eveque 46 Image illustrative

Thu, 25 Dec 2025 Source: www.camerounweb.com

Jeune Afrique dévoile les coulisses d'une fronde sans précédent au sein de l'épiscopat camerounais, où plusieurs prélats ont pris des positions radicales contre le président sortant malgré les risques personnels.

Ils sont archevêques, évêques, curés de paroisse. Et ils ont décidé de rompre avec des décennies de compromis diplomatique. Jeune Afrique a mené l'enquête sur ces hommes d'Église qui, au Cameroun, ont choisi de défier ouvertement Paul Biya, quitte à mettre en péril leur carrière ecclésiastique et leur sécurité personnelle.

L'archevêque de Douala, Monseigneur Samuel Kléda, incarne cette nouvelle génération de prélats combattifs. Jeune Afrique révèle que sa sortie médiatique qualifiant une candidature de Paul Biya de "peu réaliste" avant la présidentielle a provoqué un séisme au sein de l'establishment camerounais. Mais ce n'était qu'un début.

Selon nos informations exclusives, Kléda a ensuite appelé à sauver le Cameroun de sa "mort lente", une expression qui a fait l'effet d'une bombe dans les cercles du pouvoir. "Il a franchi toutes les lignes rouges", confie à Jeune Afrique un proche du régime. "Mais il sait que sa position d'archevêque le protège... pour l'instant."

La fuite de sa lettre invitant les autorités administratives à préparer une éventuelle visite du pape, révélée en octobre et confirmée par Jeune Afrique, n'était pas anodine. Certains y voient une manœuvre pour forcer la main au gouvernement et créer une pression publique.

Mais c'est peut-être l'évêque de Yagoua, Monseigneur Barthélemy Yaouda Hourgo, qui a tenu les propos les plus virulents. Jeune Afrique a pu vérifier que ce prélat a effectivement déclaré que même "le diable" ferait mieux que Paul Biya à la tête du Cameroun. Une déclaration choc qui aurait pu lui coûter sa position, mais qui reflète un ras-le-bol général au sein d'une partie du clergé.

"Ces évêques savent qu'ils jouent leur carrière", explique à Jeune Afrique un jésuite qui a requis l'anonymat. "Mais ils considèrent que leur mission de vérité dépasse leurs intérêts personnels. C'est une forme de courage rare dans le contexte africain."

Face à ces "faucons", Jeune Afrique a identifié un camp plus modéré incarné notamment par l'archevêque de Yaoundé, Monseigneur Jean Mbarga. Selon nos sources au sein de l'archidiocèse, Mbarga privilégie le dialogue discret et les canaux diplomatiques traditionnels plutôt que les déclarations fracassantes.

"Il y a une vraie division stratégique au sein de l'épiscopat", révèle à Jeune Afrique un curé de paroisse archidiocésaine de Yaoundé. "Certains pensent qu'on obtient plus en restant dans les salons du pouvoir, d'autres estiment qu'il faut dénoncer publiquement. Mais sur le fond, personne ne cautionne les résultats de l'élection."

Depuis la proclamation des résultats contestés de la présidentielle d'octobre, qui ont donné 53,66% à Paul Biya dans un scrutin non reconnu par la communauté internationale, l'épiscopat a choisi le silence. Mais Jeune Afrique révèle que cette stratégie est délibérée et temporaire.

"Les évêques ont décidé de garder le silence pour laisser les colères s'apaiser et les tensions baisser", confie à Jeune Afrique un prêtre bien informé. "Il aurait été malvenu d'envenimer la situation post-électorale par une communication jetant de l'huile sur le feu."

Cependant, nos sources indiquent que ce silence cache une détermination intacte : "Nous continuerons d'œuvrer pour que le pouvoir politique agisse dans le sens de la vérité", promet le même prêtre à Jeune Afrique.

Jeune Afrique a découvert que plusieurs prélats entretiennent des relations personnelles anciennes avec des membres du régime Biya. Ces liens, tissés au fil des décennies, compliquent la stratégie de confrontation. "Certains princes de l'Église entretiennent des affinités personnelles avec des hommes politiques, c'est notoire", admet à Jeune Afrique le curé d'une paroisse de la capitale.

Mais ces mêmes sources insistent : "Il faut dissocier ces relations personnelles de la mission de l'homme de Dieu. Ces derniers ne renieront jamais leur serment." Une affirmation qui suggère que les liens personnels ne suffiront pas à acheter le silence de l'Église.

L'ironie de la situation n'échappe à personne. Paul Biya, ancien séminariste et catholique pratiquant qui a toujours réservé le meilleur accueil aux représentants du Saint-Siège, se retrouve aujourd'hui en porte-à-faux avec l'institution qui l'a formé. Jeune Afrique a appris que cette situation embarrasse profondément certains proches du président, qui ne comprennent pas comment on en est arrivé là.

"Le problème n'est pas la foi personnelle de Paul Biya", analyse pour Jeune Afrique un théologien camerounais. "C'est sa gouvernance. L'Église n'est pas une idéologie, elle est au service de la vérité. Quand cette mission entre en contradiction avec les agissements du pouvoir politique, celui-ci ne peut bénéficier du soutien de l'Église."

La possible visite du pape Léon XIV cristallise désormais tous les enjeux. Jeune Afrique révèle que la décision finale du Vatican, attendue mi-janvier selon Monseigneur Nkea, sera interprétée comme un signal fort : soit une forme de réhabilitation du régime Biya, soit au contraire une marque de défiance historique.

Pour les évêques rebelles, c'est un moment de vérité. Leur combat pour l'intégrité électorale et la justice sociale trouvera-t-il un écho au sommet de la hiérarchie catholique, ou seront-ils désavoués par une diplomatie vaticane soucieuse de préserver ses relations avec les États ? La réponse dans quelques semaines déterminera l'avenir des relations entre l'Église et le pouvoir camerounais pour les années à venir.

Source: www.camerounweb.com