Jeune Afrique s’est introduit dans les coulisses du SED. A l’issue d’un travail minutieux, le Magazine panafricain a livré des secrets inédits de ce lieu de détention. L'article traite du SED, un centre de détention secret au Cameroun, qui est utilisé pour détenir des prisonniers politiques de haut niveau. Les conditions au centre seraient très strictes, les prisonniers vivant en isolement et ayant un accès limité aux visiteurs. Le centre est contrôlé par les services de sécurité et les prisonniers sont surveillés en permanence, chaque conversation étant enregistrée et signalée aux hauts responsables. Le SED est utilisé pour détenir ceux qui sont perçus comme une menace pour le président Paul Biya ou qui détiennent des informations susceptibles de nuire au gouvernement. L'article décrit comment le SED a été créé à la fin des années 1990 pour détenir Titus Edzoa, un ancien fonctionnaire du gouvernement qui était considéré comme un challenger potentiel du président Biya.
« On vous fait comprendre que vous ne faites plus partie de la vie normale », précise notre source. Emmanuel Gérard Ondo Ndong a ainsi appris un jour, brutalement, que la totalité de ses biens immobiliers avaient été vendus. Une information dévoilée par ses geôliers. « Le SED, c’est une torture psychologique. Vous y vivez au secret, au sein d’un groupe très restreint, coupé du monde », explique un connaisseur des lieux. « À Kondengui, même si vous êtes VIP, vous côtoyez des prisonniers de droit commun et il y a plus de visiteurs de l’extérieur, qui entrent avec quelques milliers de francs CFA. Au SED, les visites sont très réglementées et plus strictes. Les conditions matérielles sont meilleures, mais l’isolement est plus dur », ajoute un ancien détenu.
La communauté, dont la plupart des membres se côtoient depuis une décennie, a ses règles que les gardes – des militaires, une entorse au droit international – sont chargés de faire respecter, qu’ils appartiennent à la gendarmerie ou au SCRJ. Une chose est sûre : le secret n’y a pas sa place. Les chambres des détenus sont sonorisées et écoutées. Chaque propos est consigné, répertorié, transmis aux grandes oreilles de Galax Yves Landry Etoga, de la Direction générale de la sûreté nationale, pilotée par Martin Mbarga Nguélé, de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE) ou de la Sécurité militaire d’Émile Bamkoui, relate Jeune Afrique.
« Le SED est la prison de ceux qui détiennent des informations sur l’État ou sur Paul Biya », résume un visiteur régulier. Rien n’est censé sortir de ses murs ou presque. En une décennie, Marafa Hamidou Yaya est parvenu à plusieurs reprises à faire publier, y compris dans Jeune Afrique, des lettres au chef de l’État, ou à alerter sur son état de santé. Mais, chaque fois, ces failles de sécurité ont agacé au plus haut point Paul Biya, qui a donné l’ordre de serrer la vis. « Le SED est le lieu où l’on met au secret les prisonniers les plus dangereux, à savoir ceux que le chef de l’État considère comme des menaces pour sa propre survie », explique un ex-collaborateur du président.Retour en octobre 1997. À l’époque, Marafa Hamidou Yaya n’a pas encore l’envergure qu’on lui connaîtra. Il n’est alors « que » conseiller spécial de Paul Biya. En revanche, depuis le palais d’Etoudi, il est aux premières loges pour assister à la chute d’un ambitieux de Yaoundé, Titus Edzoa. Ce dernier, ancien secrétaire général de la présidence, a démissionné quelques mois plus tôt de son poste de ministre de la Santé pour officialiser sa candidature à la succession du chef de l’État. Impardonnable péché d’orgueil : il est arrêté en avril puis condamné six mois plus tard, au cours d’un procès nocturne sans avocat, à quinze ans de prison pour détournement de fonds publics », précise Jeune Afrique.
« Edzoa est aussitôt devenu un problème. Paul Biya s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas emprisonner un ancien secrétaire général dans une prison normale », confie un ancien d’Etoudi. Un homme propose au chef de l’État une porte de sortie : Amadou Ali. Le notable de Kolofata est alors l’un des plus proches collaborateurs de Paul Biya en matière de sécurité et a la main sur la gendarmerie comme délégué, puis secrétaire d’État depuis 1983. En 1996, il cumule même cette fonction avec celle de secrétaire général de la présidence puis de ministre délégué à la Défense, un an plus tard. « Biya avait un problème. Amadou Ali lui a apporté une solution », poursuit notre source.Ali fait donc aménager le SED qui n’est alors qu’un simple camp militaire. Deux espaces de 7 mètres carrés sont convertis en cellules, au sous-sol du secrétariat d’État, non loin des stocks d’armes des gendarmes. Une pour Titus Edzoa, l’autre pour Michel Thierry Atangana, un de ses proches pressenti pour être son directeur de campagne. Ce dernier s’en souvient. « On appelait cet endroit le fourgon. Il n’y avait pas d’air, pas de lumière et tout était fait pour nous couper du monde. C’était un enfer. Je crois que l’intention était de faire mourir. » Titus Edzoa – condamné une nouvelle fois à vingt ans de prison en 2012 – et Michel Thierry Atangana ne seront libérés qu’en 2014, relate le Magazine.