‘Énigmatique Biya’ : la mort suspecte de Jeanne ¬Irène pose toujours problème, révélations de palais

Jeanne Irene BIYA Et Son Mari Et SON FILS Image illustrative

Wed, 12 Jul 2023 Source: www.camerounweb.com

Le livre "Au Cameroun de Paul Biya" de Fanny Pigeaud révèle des anecdotes sur Paul Biya, président du Cameroun. À son arrivée au pouvoir, il semblait fragile et peu assuré, mais il a réussi à survivre malgré les prédictions de sa chute imminente. Cependant, au fil des années, il est devenu de plus en plus énigmatique et distant, se retirant dans sa forteresse et devenant invisible pour ses concitoyens. Ses apparitions publiques sont rares et ses discours donnent l'impression qu'il est détaché des affaires de son pays. Il ne se déplace pratiquement pas à l'intérieur du pays, à l'exception de visites occasionnelles à son village natal et lors des campagnes présidentielles. Il est souvent en Suisse, ce qui lui a valu le surnom de "vacancier". Biya accorde une grande importance à sa sécurité et a pris des mesures pour éviter une nouvelle tentative de coup d'État. Il a favorisé l'armée en lui accordant des avantages, mais l'a rendue inoffensive en limitant ses ressources. Sa femme, Chantal Biya, joue également un rôle actif dans les coulisses du pouvoir. Certaines circonstances entourant la mort de sa première épouse, Jeanne-Irène, ont suscité des interrogations et des suspicions. Le mystère et le secret entourent la personnalité de Biya, et il est difficile de savoir qui il est vraiment. Il est décrit comme un stratège et un manipulateur du pouvoir, mais les motivations derrière ses actions restent floues.



‘Énigmatique Biya’

À son arrivée au pouvoir, peu d’observateurs imaginaient que Biya tiendrait longtemps: il semblait timide, mal à l’aise, sa voix éraillée le faisait passer pour un faible. « On ne me donnait, au départ, que six mois de survie et, dans le fond, on n’avait pas tort. Toute la sécurité avait été mise en place par mon prédécesseur et lui était dévouée. “Comment osez-vous dormir ici !”, s’inquiétaient mes amis. Vous voyez, j’ai survécu », confiait-¬il en 199938. La manière dont il a géré ses dix premières années au pouvoir afinalement laissé à voir aux Camerounais un Biya bien différent de l’idée qu’ils s’en faisaient au début de sa présidence. Au fur et à mesure que les années sont passées, il est devenu de plus en plus lointain, de plus en plus énigmatique : le temps est loin où on le voyait faire du vélo dans Yaoundé. Depuis 1984, Biya s’est retranché dans sa forteresse, devenant peu à peu quasiment invisible pour ses concitoyens et même pour la plupart de ses collaborateurs. Les conférences de presse qu’il a tenues et les interviews qu’il a accordés, en près de trente années de présidence, se comptent sur les doigts d’une main. Il se montre rarement en public : en général, les Camerounais le voient au défilé militaire qui marque la journée du 20 mai, fête nationale, et de temps en temps en Une du quotidien d’État Cameroon Tribune à l’occasion d’une audience accordée à un ambassadeur ou à un industriel étranger de passage. Ils peuvent l’entendre chaque année à trois reprises: lors de ses discours traditionnels, prononcés à la fin de l’année, au moment de la « fête de la jeunesse » du 11 février, et lors de l’anniversaire de son arrivée au pouvoir, le6novembre. Mais, remarque un analyste, dans toutes ces adresses à ses concitoyens, « Biya parle des affaires de son pays comme s’il était un observateur extérieur. Il a des tournures étonnantes comme “je constate que”, “il me semble que”. Ces formulations sont très révélatrices: elles montrent qu’il ne se sent pas concerné. On dirait qu’il est Zimbabwéen et qu’il parle de la Chine ».

Jamais le président ne se déplace à l’intérieur du pays, sauf pour se rendre dans son village natal de Mvomeka’a ou de manière furtive pendant les campagnes présidentielles. En 2010, il a fait par exemple une seule visite officielle : il s’est rendu à Bamenda pour la célébration du Cinquantenaire de l’armée mais aussi pour préparer le terrain de l’élection présidentielle de 2011. Il n’était pas allé dans cette importante cité du Nord-Ouest depuis 1991. Bamenda est cependant la ville qui l’a vu le plus souvent: en près de 30 ans, Biya s’y est rendu cinq fois (1983, 1984, 1985, 1991 et 2010). Il n’est pas allé à Douala, capitale économique et plus grosse métropole du pays, depuis 1991. Il est cependant passé en octobre 2010 par son aéroport, situé à la sortie de la ville, sur la route qui conduit à Yaoundé : son avion, n’ayant pas pu se poser à Yaoundé,adû y faire un atterrissage forcé. Biya et son épouse ont dû rallier dans la nuit la capitale à bord du véhicule du gouverneur de la région du Littoral, dont dépend Douala. Ils ont à cette occasion emprunté « l’axe lourd » reliant la cité portuaire à Yaoundé, la route la plus empruntée et accessoirement la plus meurtrière du pays en raison de l’incivisme des automobilistes mais aussi parce qu’aucun investissement n’a été réalisé pour l’adapter au niveau du trafic39 . « Inédit: Paul Biya découvre l’axe lourd »,atitré à l’occasion le quotidien Mutations, expliquant que ce retour effectué de nuit était probablement dû au mauvais état de la résidence présidentielle de Douala. En temps ordinaire, les seules sorties de Biya sont à destination de l’aéroport international de Nsimalen, à une vingtaine de kilomètres du palais présidentiel d’Étoudi, ou de Mvomeka’a où il a développé une exploitation d’ananas et fait construire un terrain de golf et où il séjourne souvent40. Il arrive régulièrement que ses concitoyens ne sachent pas où il se trouve pendant plus jours, voire plusieurs semaines. « Où est passé Biya ? », demandait en octobre 2009 le quotidien Mutations, six jours après le départ du chef de l’État de l’Assemblée générale de l’ONU à New-York « pour une destination inconnue ». Fin juillet 2010, le journal privé Le Messager titrait à son tour: « Mais où est donc passé Paul Biya ? », aucune nouvelle n’ayant été donnée du président depuis sa participation aux cérémonies officielles du 14 juillet à Paris. En novembre 2010, même scénario : « Où est donc passé Paul Biya ? », s’est interrogé de nouveau Mutations. La plupart du temps, le président se trouve en réalité en Suisse, à l’hôtel Intercontinental de Genève. Un quotidien privé a calculé qu’il y avait résidé avec sa femme pendant trois des six derniers mois de l’année 2008. Il reste souvent parfois jusqu’à 44 jours d’affilée à l’extérieur du Cameroun, la limite légale prévue par la Constitution avant une constatation de vacance du pouvoir. Ses longs séjours suisses ont amené ses compatriotes à le surnommer « le vacancier », « le roi fainéant » ou à railler la formule officielle utilisée pour annoncer ses départs « pour un bref séjour privé en Europe » : à son retour, ses détracteurs le disent ainsi « en court séjour privé au Cameroun ». Il est difficile pour les Camerounais de voir ses réalisations et de connaître la nature de ses activités. Il préside en moyenne un seul conseil des ministres par an et souvent moins. Certains de ses ministres ne le rencontrent jamais.

Les rares rendez-vous marqués sur son calendrier sont très souvent reportés ou supprimés, sans explication. En 2005, Biya a ainsi annulé, à la dernière minute, la visite d’État qu’il devait effectuer au Japon. Il en est de même pour les événements qui nécessitent son approbation : des « états généraux de la communication » annoncés pour le 10 octobre 2010 ont été reportés, Étoudi n’ayant pas réagi pour marquer son accord à leur tenue. Plus surprenant, les élections législatives de 2002 ont été, après un premier report de six mois, différées d’une semaine alors que les bureaux de vote... étaient déjà ouverts. De nombreuses décisions sont aussi prises au bout de plusieurs mois, ce qui aboutit à des situations incongrues. Début 2011, un décret présidentiel a ainsi nommé un mort comme sous-préfet dans le département du Nkam: l’homme était décédé en mai 2010, c’est-à-dire entre le moment – février 2010 – où les textes de nomination ont été portés à la présidence – et celui où Biya les a finalement signés, en janvier 2011 41 . Biya ne participe que très rarement aux rencontres internationales et encore moins à celles qui réunissent ses homologues africains. C’est de manière très exceptionnelle qu’il a été présent au sommet annuel des chefs d’État de l’Union africaine (UA, ex-Organisation de l’unité africaine) organisé en juin 2011 en Guinée équatoriale. Il n’avait pas assisté à une telle réunion depuis 1996, date à laquelle ce rendez-vous s’était tenu au Cameroun. Il n’avait même pas daigné participer à celui de 1997 à Harare, où il aurait pourtant dû passer le relais de la présidence de l’organisation, qu’il venait d’assurer pendant un an. Début 2011, il a été fortement question qu’il aille au sommet prévu à Addis Abeba. L’annonce a même été faite officiellement. L’ordre du jour de cette réunion était alors chargé et important, en raison des graves crises graves secouant la Côte d’Ivoire, l’Égypte et la Tunisie. « Pour la première fois depuis 1996, le chef de l’État devrait prendre part aux travaux de l’organisation panafricaine qui s’ouvre ce week-end dans la capitale éthiopienne », se réjouissait la presse42. Quelques jours plus tard, le 1 er février, un journaliste constatait: « Les habitués des rencontres internationales où le président camerounais est attendu savent qu’il est rarement aux côtés de ses pairs africains, lorsque d’importantes décisions touchant la marche du continent sont prises. Attendu, sans grand espoir, au 14 e sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine qui se déroule depuis hier, Paul Biya n’est pas venu » 43. Le même jour, le président et sa femme partaient plutôt « pour un court séjour privé » en Europe, selon le quotidien d’État Cameroon Tribune. Ce dernier décrivait pour l’occasion le rituel et le folklore marquant habituellement les départs et retours du président: vingt minutes de « brefs entretiens » entre Biya et « des proches collaborateurs » au « pavillon d’honneur » de l’aéroport, avec « tam-tams et chants exécutés en face du pavillon d’honneur », puis le président est salué alors qu’il marche sur le « tapis rouge qui le mène vers la passerelle » par un « parterre de personnalités », dont le Premier ministre, le ministre d’État et secrétaire général de la présidence de la République, le premier vice-président de l’Assemblée nationale, etc. « C’est sous les yeux de tous ces responsables que l’avion décolle peu avant midi »,aconclu le journal. Les journalistes n’ont pu faire que des supputations pour expliquer l’absence de Biya à Addis Abeba : « Le mystère plane, même si dans l’entourage du chef de l’État on est habitué à ses volte-face de dernière minute. Un responsable du cabinet civil évoque, sans trop y croire, les développements de la situation en Égypte : “Il demandait à être régulièrement informé de la situation et il a semblé s’agacer de ce que, comme Ben Ali quelques deux semaines auparavant, Hosni Moubarak ait rapidement cédé aux revendications populaires en nommant un vice-président de la République, poste prévu depuis de longues années par la Constitution mais jamais pourvu, et en changeant de Premier ministre.” Cela peut-il expliquer qu’il ait refusé en dernière minute de faire un déplacement pour lequel il avait déjà fait prendre des rendez-vous ? Une autre hypothèse est avancée par une source généralement bien informée à la présidence de la République et ayant l’habitude de préparer des dossiers diplomatiques: “Le conflit ivoirien semble embarrasser le président, surtout dans sa phase actuelle où la situation peut basculer à tout moment. Étant informé de ce qu’il y avait deux ministres ivoiriens des Affaires étrangères à Addis-Abeba, il se demandait quelle attitude avoir dans ces conditions là” » 44 . Biya sait par contre parfaitement quelle posture adopter lorsqu’il est question de sa sécurité, devenue sa principale préoccupation. Après la tentative de coup d’État de 1984, il a fait des changements importants: soupçonnant la France, qui assurait jusque-là sa protection, d’avoir joué un rôle dans ce coup de force, il s’est tourné vers les États-Unis.

Ces derniers ont soustraité le marché de sa sécurité à Israël. Pendant de nombreuses années, le colonel Avi Sivan45, retraité de l’armée israélienne et ancien attaché de défense à l’ambassade d’Israël à Yaoundé, a assuré la formation et le commandement de la Garde présidentielle (GP), qui bénéficie d’un traitement privilégié par rapport aux forces de sécurité ordinaires. Le déploiement de la GP autour du président est toujours impressionnant: quand Biya « sort », ce qui signifie en général qu’il se rend à l’aéroport, ses hommes en armes sont postés tous les cinquante mètres, sur les immeubles et le bord des routes, tout le long de l’itinéraire qu’emprunte à toute allure le long cortège présidentiel constitué de voitures noires aux vitres fumées et de motos. Pendant ce temps, les commerces ont l’ordre de fermer leurs portes, les particuliers leurs fenêtres, et les routes d’une partie du centreville sont bloquées pour laisser la voie libre au président, créant d’immenses embouteillages et handicapant tout le fonctionnement de la capitale pendant plusieurs heures. Pour éviter que les forces de sécurité ordinaires ne se retournent contre lui comme en 1984, Biya a pris un certain nombre de mesures. Il leur a accordé de nombreuses faveurs: ilanotamment veillé à ce qu’elles ne soient pas concernées par les impor tantes baisses de salaire des fonctionnaires de 1993. À qualification égale, un militaire est aujourd’hui beaucoup mieux payé qu’un civil. Biya a aussi multiplié les avancements et donné un important budget au secteur de la Défense, qui occupait en 2010 la troisième ligne du budget national, sans compter les dépenses hors budget réalisées par la présidence à son profit. La haute hiérarchie est particulièrement privilégiée: pour l’éloigner du politique, Biya lui a donné des prébendes et la possibilité d’investir le champ économique, à tel point que la plupart des généraux et colonels sont devenus de véritables businessmen. Certains possèdent de vastes plantations, de gros hôtels, des immeubles, des concessions forestières tandis que d’autres ont fait des investissements dans le secteur minier ou celui de la sécurité privée. Le colonel Sivan possédait lui-même une discothèque à Yaoundé, une entreprise de services internet et était le fournisseur en armes et en équipements de la GP et du Bataillon d’intervention rapide (BIR), une unité d’élite créée en 2001 et dépendant directement de la présidence. Pendant longtemps, Biya a conservé les généraux en poste au-delà de l’âge légal de la retraite à la fois pour les tenir en mains et pour qu’ils puissent continuer à profiter de leur position de rente. Ce n’est que début 2011 que, pour la première fois, quatre généraux, le général d’armée Pierre Semengué, les généraux de corps d’armée Oumaroudjam Yaya et Jean Nganso Sunji, et le général de division James Tataw Tabe, tous âgés de plus de 70 ans (78 ans pour Tataw Tabe), ont été mis à la retraite, avec cependant des avantages très importants. Mais s’il a favorisé les individus, Biya a fait en sorte que l’armée ne soit pas opérationnelle : les militaires ont peu d’armes et de munitions et ne s’entraînent pas. Beaucoup de brigades de gendarmerie ne comptent que trois ou quatre éléments et aucun moyen de transport. Biya a ainsi rendu l’armée totalement inoffensive : elle ne peut a priori rien tenter contre lui46 . Jamais très loin du président se trouve son épouse, Chantal Biya. Née en 1971 d’un père français et d’une mère camerounaise, elle est devenue Première dame du Cameroun en 1994. Elle ne passe pas inaperçue depuis qu’elle a adopté une imposante chevelure rousse et des tenues vestimentaires très voyantes. En 1999, elle a créé la Fondation Chantal Biya qui lutte contre le Sida, puis en 2002 l’ONG Synergies africaines qui travaille dans le même domaine. Chantal Biya semble jouer un rôle plus ou moins important dans les coulisses du pouvoir, où elle a ses propres réseaux. Elle intervient notamment dans les affaires du football, important pour le régime : il semble qu’elle ait participé en 2010 au choix de l’entraîneur de l’équipe nationale. « Mon job au Cameroun est malheureusement perdu parce que la femme du Président (camerounais), qui voulait absolument m’avoir, a appris mon histoire »,aainsi déclaré en août 2010 Lothar Matthäus: Chantal Biya n’aurait pas apprécié de voir dans la presse des photos de l’épouse de l’Allemand, jusque-là en bonne position pour devenir le nouvel entraîneur des « Lions indomptables », en compagnie d’un autre homme que son mari. Les Camerounais n’en savent cependant pas plus: comme son époux, Chantal Biya est la plupart du temps invisible, passant beaucoup de temps en Suisse, où sont scolarisés les deux enfants du couple. Un halo de mystère, voire d’obscurité, a entouré aussi Jeanne-Irène, la première épouse du président, en particulier au moment de sa mort, le 28 juillet 1992. Les circonstances troubles de son décès ont laissé beaucoup de Camerounais perplexes: Jeanne ¬Irène a officiellement succombé à une leucémie, dont on la disait souffrante depuis plusieurs mois. Mais le comportement de son mari a paru suspect aux yeux de beaucoup : alors qu’il ne participe jamais à des réunions avec ses homologues, Biya est brusquement parti, quelques heures seulement avant la mort de sa femme, vers Dakar pour assister à un sommet des chefs d’État de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), dont le Cameroun ne fait pourtant pas partie. « Mais qu’est ce qui a pu emmener Paul Biya en terre sénégalaise ? (...) Aucune indication ne permet de fonder la moindre hypothèse plausible », s’est même étonné le journal d’État Cameroon Tribune47. C’est en tout cas loin de son pays, à Dakar, que Biya a reçu le coup de fil lui annonçant le décès de sa femme. Il s’est alors murmuré au sein de la population qu’il l’avait fait « supprimer ».

Qui est vraiment Biya, surnommé parfois le « sphinx » ? Quels sont les sentiments et les valeurs qui l’animent ? Personne ne semble avoir les réponses à ces questions. Seuls quelques bribes s’échappent du palais d’Étoudi, via ses collaborateurs: le président aime, dit-on, la musique classique et les chants grégoriens, le golf et le songo, un jeu de stratégie. On raconte aussi qu’il est féru d’ésotérisme et souvent entouré de magiciens48 . « Qui vivra verra », a-t-il l’habitude de dire, rapporte un de ses anciens ministres. « On peut très bien vivre avec un serpent dans sa poche », glisse-t-il aussi parfois devant un de ses conseillers, en allusion aux nombreux ennemis qui l’entourent. Biya est-il victime de ses collaborateurs, qui, comme certains l’affirment, lui donnent de fausses informations pour mieux mener leurs affaires et trafics divers ou pour ne pas fâcher le Prince ? 49 A moins que, comme l’affirme un diplomate occidental, le président sache « tout. Et s’il ne sait pas, c’est qu’il ne veut pas savoir, ce qui revient au même. Car sa gestion distanciée et lointaine ne l’empêche pas d’être renseigné sur tout ». Avait-il vraiment à ses débuts le projet de démocratiser le Cameroun ou son discours d’ouverture n’était-il conçu que pour plaire à ses concitoyens et ainsi mieux évincer son prédécesseur ? Biya s’est-il retrouvé piégé par des lobbies entourant le pouvoir et empêché de réaliser ce qu’il avait imaginé ? Est-ce l’épisode du putsch raté de 1984 qui l’a tétanisé ? Ou bien a-t-il pris peu à peu goût au pouvoir ? La réponse est sans doute dans la définition qu’il donne de lui-même : Biya est un « brouilleur de cartes ». Mais fin stratège, maître dans « l’art de gérer l’immobile »50, il paraît surtout jaloux de son pouvoir, quasi absolu, qu’il ne semble jamais avoir eu l’intention d’abandonner.



Extrait du livre 'Au Cameroun de Paul Biya'

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