La crise actuelle qui menace de paralyser le parti d'opposition a des racines profondes, en particulier le « manque de transparence », selon les termes d'un militant. Le site internet du MRC ne publie pas les noms des membres du directoire et aucun secrétaire national à la communication n'a jamais été nommé administrateur. Cette « attitude étrange » fragilise les relations de confiance au sein de l'organisation, estime un membre. Sosthène Médard Lipot, ancien porte-parole, révèle que « Maurice Kamto confie l'administration à qui il veut, membre ou non du directoire », relate Jeune Afrique dans le dossier consacré à Maurice Kamto.
Les dissidents du mouvement dénoncent également le pouvoir absolu du secrétaire général adjoint du MRC, Roger Justin Noah, qu'ils critiquent pour son « autoritarisme ». Ils affirment qu'il communique avec qui il veut, quand il veut, notamment en ce qui concerne les réunions du parti. Malgré les plaintes internes, Roger Justin Noah serait resté insensible aux doléances. Est-ce le symbole d'une « pensée unique » imposée par le sommet, comme le suggère Sosthène Médard Lipot ?
« Les opinions de la base sont ignorées, voire réprimées », s'indigne celui qui a contribué à la création du MRC, justifiant ainsi sa démission en mai dernier. « Ce n'est pas vrai », conteste Roger Justin Noah. « Il y a un véritable débat lors des réunions du directoire. Il n'y a ni pensée unique, ni autocrate qui dicte seul la voie à suivre », ajoute-t-il. Il précise également qu'il existe une charte éthique au sein du parti, permettant à tout militant qui se sent lésé de « déposer une plainte ».
Le mal est-il plus profond ? Le terme de « corruption » revient régulièrement dans les critiques des déçus du MRC, qui soulignent des bilans financiers peu convaincants. Lors des dernières élections internes du parti en 2022, des militants affirment également avoir constaté de nombreuses « irrégularités ». Sosthène Médard Lipot, ancien conseiller spécial de Maurice Kamto, parle quant à lui de « détournements de fonds » potentiels réalisés par certains cadres du mouvement.
Ces accusations sont rejetées par Roger Justin Noah, qui affirme que le trésorier du MRC présente régulièrement un rapport financier au directoire, notamment après les collectes de fonds, comme celle organisée en soutien aux « camarades otages du régime à Douala et Yaoundé ». Les relations internes sont en tout cas « devenues exécrables », affirme Sam Sévérin Ango, selon lequel certains considèrent désormais le président Kamto comme un « dieu », une sorte de gourou.
L'ancien militant dénonce également une « dérive tribalo-ethnique qui altère complètement l'identité nationale de ce parti ». Selon lui, Maurice Kamto aurait pris l'habitude de nommer ses fidèles dans des fédérations régionales, départementales et communales, que ce soit à l'intérieur du pays ou dans la diaspora, peu importe leur lieu d'origine. Dès 2013, ces nominations avaient déjà créé des tensions et suscité une contestation infructueuse dans la fédération régionale du Centre.
Les critiques précédemment mentionnées n'ont fait qu'accroître les dissensions concernant la stratégie du parti d'opposition, notamment lors des dernières élections législatives et municipales auxquelles le MRC a choisi de ne pas participer. « C'est cette gestion fermée qui a conduit à une décision unilatérale de boycott, prise par quelques membres du directoire autour de Maurice Kamto », estime Sam Sévérin Ango.
« Ces décisions de boycott sont justifiées sur le plan politique », admet Sosthène Médard Lipot, tout en regrettant que le parti n'ait pas su « anticiper » et prendre en compte les ambitions de ses militants, nombreux à être déçus de ne pas pouvoir s'engager sur le terrain politique. Cependant, l'avenir du MRC n'est pas menacé, selon Roger Justin Noah. Des contestataires avaient lancé un appel au boycott du meeting du MRC le 6 mai dans le quatrième arrondissement de Yaoundé, rappelle le secrétaire général adjoint. « Ils ont essuyé un échec cuisant. Maintenant, ils alimentent des groupes WhatsApp clandestins où ils critiquent continuellement le président national et d'autres membres du directoire, dont moi-même », raille-t-il. Ces tensions ne devraient pas s'apaiser, et pourraient même s'intensifier à l'approche du prochain congrès du parti, conclut Jeune Afrique