‘Ntangan belabo’ : l’insulte qui a toujours traumatisé Chantal Biya

Chantal Biya a imposé le respect à ses camarades

Mon, 21 Mar 2022 Source: www.camerounweb.com

Issue d’une famille d’ouvrier, Chantal Biya a connu une enfance doublement difficile. En dehors de la misère ambiante qui régnait dans un environnement, la petite métisse qui n’a jamais connu son père devrait supporter les moqueries de ses camarades pour son teint. Malgré toutes ces adversités, elle a réussi à s’imposer très jeune et à prendre en main son destin. CamerounWeb vous propose quelques extraits de l’œuvre « La belle et la République bananière» (Éditions Nation Libre, Douala), de Bertrand Teyou, qui raconte l’enfance de Chantal Biya.

Bien que Métisse, Chantal ne sera point une privilégiée, son quotidien est le même que celui des autres enfants noirs, ajouté à cela la nostalgie permanente, à cause des absences fréquentes de sa mère, une tristesse qui ne s’apaise que lorsqu’elle retrouve ses camarades, sur le chemin d’école ou dans la cour de récréation.

Comme sa mère ou son grand-père, Chantal est spontanée, énergique et travailleuse. Chaque fois qu’elle va puiser de l’eau à la fontaine du quartier pour les travaux domestiques de la maison, c’est avec frénésie, c’est aussi une joyeuse occasion de retrouvaille entre les enfants du quartier Dakar.

Débordant d’énergie, Chantal tient fréquemment le rôle de leadership parmi ses camarades, admirée pour son sens d’organisation des équipes pendant les moments de distraction. Elle se passionne pour des jeux tels que le pousse pion*, le tapis vole* dans le cours d’eau appelé foulé-foulé où les enfants du camp jouent à qui veut pain chargé. Dans ce bassin tapissé par la végétation, on joue au lancer d’eau et on plonge la tête en montrant son petit derrière vers le ciel.

Le foulé-foulé est aussi un lieu de règlement de compte des disputes inachevées à l’école ou dans la cour de récréation, rivalités fréquentes d’enfants dont certaines laisseront d’inoubliables séquelles.

Comme ces fois où Chantal reçoit des petites insultes, moqueries blessantes, à cause de sa couleur de peau métissée, on la traite souvent de ntangan belabo*. Et pour autant, elle ne se laisse pas faire. Elle sait se défendre, aussi bien face aux filles qu’aux garçons. C’est ainsi qu’elle va finir par inspirer respect, et même crainte auprès de ses camarades.

Nous sommes en 1985, Chantal a 15 ans. Son corps développé est par chance épargné de la tragédie environnante. À l’est Cameroun, le spectre de la modernité qui s’est mêlé aux us locaux a engendré le chaos : sexualité ou grossesse précoces sont le passage obligé de la plupart des adolescentes. À 16 ans, certaines jeunes filles ont la chair martyrisée ou suturée, à cause de ces blessures sentimentales qui finissent en blessures réelles.

L’ouverture sur le monde a créé dans la région de l’est un véritable séisme social. La ruée vers l’or vert, de ses promesses dorées, a transformé la vie de paisibles paysans en cauchemar. Tous les soirs, les ouvriers de la SFID se saoulent dans des gargotes, et ne rentrent à la maison qu’une fois le cervelet frelaté, ce n’est qu’ainsi qu’ils réussissent à trouver le sommeil, après le dur labeur de la journée.

De saoulerie en saoulerie, tous les hommes du coin sont métamorphosés en carcasses, virilité rugueuse, carrosseries ambulantes, le prince charmant a déserté le village. C’est pourquoi toutes les jeunes filles de la communauté rêvent de partir, de fuir les blessures, car la légende raconte qu’on aurait plus de chance dans les grandes villes. Elles rêvent toutes de s’accrocher un jour sur l’une des rares voitures qui traversent la route poussiéreuse de Dimako pour la capitale.

C’est ainsi que Chantal s’enfuira, et se résoudra par la suite à rester avec sa mère à Yaoundé. C’est le début d’une nouvelle vie. La petite fille de la forêt est désormais dans la ville lumière, la capitale politique du Cameroun qui, elle ne le sait pas encore, est une arène encore plus féroce que les bourgades de recherche d’or vert.

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