"Des chics bureaux climatisés au soleil accablant des champs", Thérèse Diouf Bâ

"Des chics bureaux climatisés au soleil accablant des champs", Thérèse Diouf Bâ

Fri, 16 Dec 2022 Source: www.bbc.com

Thérèse Diouf Ba a laissé une prestigieuse carrière de haut fonctionnaire international et plusieurs opportunités et privilèges pour rentrer dans son pays et se lancer dans l'agriculture bio.

Interrompre une riche carrière internationale pour se lancer dans l’agriculture, c’est le choix qu’a opéré Thérèse Mayé Diouf Bâ.

Un choix qui a laissé perplexe son entourage. Mais, pour Thérèse Bâ, tout était clair, c’était le moment de revenir au pays et de se lancer à corps perdu dans une autre aventure.

Le déclic, elle l’a eu lorsqu’on lui a annoncé le décès de son père.

« J’ai dû écourter ma mission, il y a eu tellement d’opportunités ratées avec ma fille et mes enfants. J’en deviens émotive et on se dit finalement pourquoi tout ça ? », affirme Thérèse Bâ, les yeux embués.

Elle a du mal à retenir ses larmes qui perlent sur ses joues quand elle pense à tout ce temps passé loin de son foyer.

Sa carrière internationale a été riche, belle mais l’a souvent maintenue loin de son Sénégal natal.

La plupart du temps entre deux avions, elle passe peu de moments avec les siens. Et le décès de son père l'a poussée à se centrer sur elle et à se remettre en question.

« J’étais directrice d’un programme régional qui couvrait 9 pays, et c’est de là que franchement, j’ai senti la lassitude. On court pour quoi, pour qui ? », cogite-t-elle.

« Pour moi ça a été assez simple assez clair, assez limpide, le retour à une vie plus sereine plus calme auprès de mes enfants que j’ai délaissés pendant des années, de mon époux [aussi] », se remémore-t-elle.

Si Thérèse Diouf Bâ n’a aucun doute sur son choix, ses proches sont pantois. Pour eux, il est incompréhensible de laisser le confort salarial et matériel dont elle bénéficie pour se mettre à cultiver la terre.

Amoureuse de la terre

Son choix parait incompréhensible d’autant plus que c’est dans un espace où il n’y avait pratiquement aucun arbre qu’elle a décidé de créer sa ferme.

Mais pour Thérèse Bâ, il s’agit de faire ce dont elle a envie et a toujours aimé : l’agriculture.

« J’avais déjà cette passion-là pour l’agriculture, donc ce qui a démarré par être projet de vie personnel s’est transformé en un projet d’entreprise sociale et solidaire autour d’autonomisation de la jeune fille et de la femme ».  

Cet amour de la terre a d’ailleurs germé en elle lors de ses nombreux séjours à l’étranger. Le mal du pays la poussait à vouloir déguster les mets de son Sénégal natal. Cependant, les condiments nécessaires à une bonne cuisson lui faisaient défaut.

« C’est au Laos où j’avais envie de manger du gombo que je ne voyais pas, du bissap vert que je ne voyais pas que j’ai demandé à mon époux qui rentrait du Bénin de me ramener des semences. Et je pense c’est la première vue du premier fruit de mes plants qui a complétement bouleversé ma vie », confesse-t-elle.  

C’est ainsi qu’elle plante pour la première fois ses premières semences, « c’était du bissap et du gombo », se souvient-elle.

Elle implante sa ferme à environ 110 km de Dakar, dans le village de Thiadiaye. Elle y transforme ses produits agricoles et transmet également son savoir aux femmes du village.

Une forme d'autonomisation

Aujourd’hui, Thérèse Diouf Bâ se sent épanouie dans sa ferme. Epanouie et fière de pouvoir passer plus de temps avec ses enfants.

Thérèse s’est finalement lancée dans l’entrepreneuriat avec la création de son entreprise d’agroécologie : Growing Life.

Elle se souvient encore de la première fois qu’elle vendait ses tomates au marché. L’ancienne fonctionnaire internationale suscitait la curiosité. Tous voulait prendre des selfies avec celle qui a tout abandonné pour devenir agricultrice.

Avec du recul, Thérèse Diouf estime toujours avoir fait le bon choix, « je n’ai pas de regret », martèle-t-elle.  

« Cette ferme-là pour moi, c’est de l’autonomisation de moi-même », confie Mme Diouf Bâ. Créer Growing Life est aussi une forme de liberté pour elle.

« Aujourd’hui je ne dépends pas de quelqu’un. Je ne dépends pas du dictat d’un bailleur de fonds. Je dépends de ce que la terre veut bien me donner et mes bailleurs de fonds sont mes clients », affirme fièrement Thérèse Diouf Bâ.

Thérèse Diouf estime que sa ferme enverra un signal fort aux femmes afin qu’elle soit plus autonome et entreprenante.

Son combat d’aujourd’hui est de lutter contre la déscolarisation des jeunes filles qui quittent souvent l'école très tôt pour aller à Dakar, au Sénégal, pour travailler en tant que ménagères.

« J’aimerais que chaque femme aujourd’hui dans ma zone et au-delà puissent un jour bénéficier de ça et ne dépendre de personne d’autre que soi-même ».  

Source: www.bbc.com