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Alerte, le dopage fait son entrée dans le football camerounais

Dopage Football Camerounais Le comportement de certains joueurs nous poussent à nous interroger

Fri, 20 Apr 2018 Source: Jacques MAHI MATIKE

De grands dirigeants et même de grands footballeurs pensent que le football serait trop technique, trop collectif, et impliquerait trop de paramètres (les positions en constant mouvement du ballon, de l’adversaire, des partenaires) pour qu’un surcroît de force et de souffle y soit d’un quelconque intérêt.

Cet argumentaire est une insulte à l’intelligence du supporter le plus bas de l’échelle. Courir plus vite, rester lucide plus longtemps, s’entraîner davantage, récupérer plus rapidement sont des atouts évidemment décisifs de la performance. Avec un peu de bon sens, on comprend que malgré tout son talent, un joueur (et à fortiori une équipe) sera meilleur s’il peut courir toute la durée du match comme un lapin plutôt que s’il tire la langue dès la 65 e minute… Dans une passe millimétrée de 40 mètres de MBIDA “Arantès”, une reprise de volée de Roger MILLA ou un enchaînement de dribbles de Samuel ETO’O, dur de dire où peut se situer le dopage. Certes. Mais il y a aussi les mystères du dernier quart d’heure. Le « money time ». C’est certain que, pour pouvoir courir 90 minutes presque sans arrêts, l’EPO et l’hormone de croissance pourraient se révéler déterminants. C’est d’ailleurs le reproche que l’on a fait aux footballeurs des années 90 en particulier les Italiens. Et il ne faut pas oublier le procès de la Juventus qui a débouché en 2004 sur de la prison ferme. La seule chose inefficace dans le football, c’est la lutte antidopage.

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Le sport-roi, celui où il y a le plus d’enjeux, le plus de concurrence et le plus d’argent, serait miraculeusement épargné par le dopage?

En Allemagne, Franz Beckenbauer a raconté en 1976 à Stern qu’il se faisait injecter son propre sang, comme les coureurs de fond finnois. Harald Schumacher admet dans son livre Coup de sifflet (1987) que la Mannschaft des années 1980 usait de l’éphédrine. En 2012, une étude du Comité olympique allemand a confirmé ce que beaucoup savaient: l’équipe de RFA championne du monde en 1954 était dopée. Les héros du «miracle de Berne» recevaient des injections de pervitine et de méthamphétamine. Une autre étude plus récente de la Commission d’évaluation sur la médecine du sport basée à Fribourg a montré «les pratiques dopantes» des clubs de Stuttgart et de Freiburg à la fin des années 1970 et au début des années 1980, à une époque où y jouaient notamment Joachim Löw et Ottmar Hitzfeld.

En France, Eric Cantona, Chris Waddle et Tony Cascarino, ont parlé des mystérieuses piqûres dans les fesses des joueurs de l’OM. Mêmes «piqûres de vitamines» à Nantes à l’époque de José Touré, qui le raconte dans son autobiographie. Passé par les deux clubs, mais aussi par Benfica, Sion et le FC Zurich, l’ancien footballeur français Jean-Jacques Eydelie déclare en 2006 au magazine L’Equipe avoir rencontré le dopage «dans tous les clubs où j’ai joué, sauf à Bastia. Beaucoup de choses traînaient. On nous donnait des cachetons. C’était de la folie, en particulier autour du Captagon.»

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Au début des années 2000, une «épidémie» de contrôles positifs à la nandrolone frappe quelques grands noms: les Néerlandais Jaap Stam, Edgar Davids et Frank De Boer, le Portugais Fernando Couto, l’Espagnol Pep Guardiola. Tous seront blanchis, ou largement dédouanés. C’est souvent le médecin qui paye la facture. Peut-être à raison. En Angleterre, Arsène Wenger s’est offusqué en 2004 que «plusieurs joueurs venus à Arsenal d’autres clubs étrangers présentaient des taux anormalement élevés de globules rouges dans le sang. Le club peut dire au joueur qu’on lui injecte des vitamines et le joueur ne sait pas forcément qu’il s’agit d’autre chose.»

En Italie, l’entraîneur Zdenek Zeman implorait en 1998 que «le football sorte des pharmacies». Il visait sans la nommer la Juventus de Turin, au cœur d’un retentissant procès entre 2002 et 2004, dont il ne restera rien hormis l’expertise de l’hématologue Giuseppe D’Onofrio concluant à «l’utilisation systématique et intensive d’EPO», et l’inventaire de la pharmacie de l’équipe, équivalente à celle d’un hôpital de la taille d’un CHU pour traiter 25 jeunes hommes en pleine santé. Les variations des analyses sanguines d’Antonio Conte, l’actuel entraîneur de Chelsea, trahissent «l’usage quasi certain d’EPO»; celles de Didier Deschamps et Zinedine Zidane sont très douteuses.

A la même époque, un rapport commandé par le juge Raffaele Guariniello étudie un corpus de 24?000 anciens footballeurs professionnels italiens et révèle qu’ils sont deux à dix fois plus fréquemment touchés que le reste de la population par le cancer du côlon, du foie, de la thyroïde, la leucémie ou la sclérose. Des maladies mortelles que tentent de dénoncer leurs épouses, les «veuves du calcio». Et là, cela donne nettement moins envie de rire.

Les 10 principaux dopants capables d’intéresser les footballeurs tricheurs : glucocorticoïdes, stimulants, cannabis, bêtabloquants, diurétiques et agents masquants, auto transfusion, erythropoïétine (EPO), anabolisants et stéroïdes, bétail – 2 – antagonistes, hormone de croissance.

Au Cameroun, la soif de performance à tout pris et à tous les prix cette saison amène certains dirigeants des équipes de la ligue de football professionnel à encourager les joueurs à se doper. Le comportement de certains joueurs avant, pendant et après les rencontres nous poussent à nous interroger.

L’image du football camerounais aurait tout à gagner en oeuvrant dès maintenant pour un sport propre. Si une star se voyait demain sanctionner pendant deux ans, pensez-vous qu’il n’y aurait plus de vedette du ballon rond ? Bien sûr que non, mais nous aurions des stars qui ne se dopent pas. Ne pas se faire prendre est la règle d’une civilisation qui met le politiquement correct au premier rang de ses principes. Il vaut mieux acquitter un coupable que condamner un innocent.

Et on peut aussi se dire qu’au nom de ceux qui ne se dopent pas, et qui méritent notre plus absolue admiration, et de nos joies d’enfants adultes, qu’on peut tolérer les autres, les tricheurs.

Eux savent et ce n’est pas la meilleure place. Très rapidement, le football y gagnerait tant sur le plan sportif, que sur le plan éthique ou sanitaire, car en jouant avec leur santé, les joueurs sont les grands perdants de cette politique. Posons nous les bonnes questions maintenant car demain, il sera trop tard.

Source: Jacques MAHI MATIKE