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CAN à 24: des raisons d'être pessimiste

Ahmad Ahmad Hayatou Ethiopia Il s'agit d'une impertinence, d'une erreur qu'on essaie de présenter comme une mutation nexessaire

Fri, 21 Jul 2017 Source: Dr Kodjo Avuletey

Je fais des efforts pour comprendre les arguments avancés par le bon monsieur Ahmad et ses compagnons du Comité exécutif de la CAF pour expliquer le passage de 16 à 24 équipes à la phase finale de la'CAN. Mais tous mes efforts restent vains. En vérité, il s'agit d'une impertinence, d'une erreur qu'on essaie de présenter comme une mutation nexessaire et louable. Mon avis est que, dans le contexte actuel, une CAN à 24 est absolument impertinente et improductive. Pour plusieurs raisons.

Prime à la paresse

Je pense que la perspective d'une CAN à 24 va produire les effets contraires à ceux escomptés. La CAF compte 54 membres; jouer une CAN à 24 revient à envoyer près de la moitié des membres en phase finale. Première absurdité. Il y aura, sans doute, un problème de qualité et d'enjeu. C'est un secret de Polichinelle que la qualité n'est pas toujours au rendez - vous dans les phases finales de CAN à 16. Quelle garantie peut-il y avoir à ce sujet dans une CAN à 24? J'attends la preuve du contraire.

Une évidence est que beaucoup de pays africains sont encore à l'étape de balbutiements dans le foot. Faute de moyens et de volonté politique, le foot dans ces pays reste à l'état de faire - valoir: on le fait parce qu'on est membre de la Caf, rien de plus. De ce fait, c'est impertinent de penser que la CAN à 24 va y changer quelque chose.

Le nombre ne rime pas avec l'argent. La CAF ne prendra pas en charge le foot dans ces pays parce que ma CAN passe à 24. De même, les gouvernements ne mettront pas la fortune des pays dans le ' budget du foot parce que la CAN se joue à 24.

J'ai entendu un président de fédération dire que la CAN à 24 va encourager les gouvernements à financer le football puisque les pays vont pouvoir se qualifier à tous les'coups. Si ce n'est que pour cela, il faut être myope et presbyte pour croire que le Tchad ou le Malawi, le Zimbabwe et la RDC cas seront les tirelires au profit du foot. La RDC par exemple est souvent en phase finale; ce n'est pas pour autant que les équipes nationales ont toujours l'argent qu'il faut pour leur fonctionnement. A-t-on besoin d'ajouter l'exemple du Nigeria?

Résultat des courses: la CAN à 24 sera une prime à la paresse et à la médiocrité. Des pays arriveront en phase finale sans que cette présence soit le signe d'une quelconque qualité dans l'organisation et dans le jeu.

Populisme

Le bon monsieur Ahmad a donc fait dans le populisme plutôt que dans le réalisme. Si l'ambition est de donner un'coup de fouet au foot africain, gageons qu'il y a mieux à faire que de faire venir près de la moitié des membres de la CAF aux phases finales de coupe d'Afrique.

Le bon monsieur Ahmad à donc, au finish, fait entériner une promesse de czmpagne. Cest6so' droit. Les pays qui montrent de l'enthousiasme face à cette mutation y ont leurs intérêts, à coup sûr. Je parie d'ailleurs que c'était un élément déterminant dans leur adhésion à la candidature de M. Ahmad. C'est aussi leur droit.

Toutefois, c'est une vérité inaliénable que le populisme produit souvent des résultats en deçà des espérances. Pour ce qu'il est, le populisme se fonde non exclusivement sur la raison et l'objectivité mais sur l'humeur et l'émotion. À ce jour, le foot africain n'a nullement besoin d'humeur ni d'émotion dans sa gestion.

Une parenthèse: qu'est ce qui fait courir le bon monsieur Ahmad au point de faire appliquer la nouvelle donne pour la prochaine CAN? Y a-t-il urgence? Pour moi, c'est aussi ça l'humeur et l'émotion. Cameroun 2019 à déjà ouvert le'chantier de ses éliminatoires. La formule de qualification est déjà connue, on va la changer. Ce n'est point la preuve d'une bonne organisation que de changer les règles au milieu du jeu.

On me dira peut être de regarder l'Uefa qui joue l'euro a 24. J'opose rapidement deux avis. Le premier indiqué que, à l'Uefa, on est conscient que l'euro à 24 propose une qualité de jeu nettement inférieure à celle des Euro à 16. Le second avis se sert de l'exemple de Chypre pour dire que comparaison n'est jamais raison. Ce petit pays d'Europe joue un championnat professionnel qui attire des centaines de joueurs africains. Cela signifie que le niveau du foot dans ce petit pays est tel qu'on ne doit pas oser de comparaison avec l'Afrique. Autrement dit, l'Europe peut se permettre de jouer son Euro à 24, l'Afrique, non. Du moins, pas avant 10 ans.

Défi d'organisation

Dans le contexte actuel, le Cameroun est obligé de se faire violence pour satisfaire aux exigences d'une CAN à 24. Les villes et les stades apprêtés pour la CAN à 16 ne feront plus l'affaire.

Or, tout le monde sait que c'est déjà la croix et la bannière pour le Cameroun de relever le défi de l'organisation dans le schéma de 16 participants. À Rabat, le Maroc et l'Algérie se seraient mis à l'échauffement dans la perspective de remplacer le Cameroun qui éprouvé des difficultés dans l'organisation de l'édition 2019. Voyez-vous ce Cameroun relever le défi d'une CAN à 24?

Très peu de pays ont les moyens d'organiser une CAN à 24. Hormis les pays de Nord et l'Afrique du sud, il faudra chercher, comme le,Graal, les pays capables de supporter le nouveau cahier de charges de la,CAN. La Côte d'ivoire et la Guinée qui organiseront les éditions 2021 et 2023 n'en ont pas les moyens.

Selon toute vraisemblance, la CAF se résoudra à la formule des co - organisations. Dans ce cas d'espèces cependant, on aura des schémas labyrinthiques de co - organisation à 3, à 4, qui sait à 5. Un ' véritable panier à crabes. Les problèmes de vols d'avions, d'hôtels de qualité et de sécurité caractéristiques de plusieurs pays d'Afrique sont tels que l'aventure ne sera pas du tout reposante ni atttayante. Le péril terroriste qui croît jour après jour sera une autre équation à resoudre dans le nouveau contexte.

Tout bien pesé, la CAF s'est engagée dans une aventure périlleuse en courant tête baissée à une CAN à 24. L'opinion attend qu'elle se donne les moyens de sortir de l'aventure sans dommages. L'échec n'est pas permis. Malheureusement, le contexte ne permet pas de croire à la pertinence et à l'opportunité d'une telle décision trop hâtive. À mon goût.

Source: Dr Kodjo Avuletey