Sous les auspices du Premier ministre, les clans qui s’affrontent pour le contrôle de la Fédération essaient de constituer une liste unique. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde.
Joseph Antoine Bell ne décolère pas depuis quelques jours. L’ire de l’ancien gardien emblématique des Lions Indomptables a été provoquée par des réunions organisées dans les services du Premier ministre et qui ont viré au partage des postes entre les principaux protagonistes des prochaines élections à la Fédération camerounaise de football.
« Vous croyez que le Camerounmériterait un tel Premierministère », s’est indigné « Jojo » hier dans les colonnes du Jour. Tout commence le 4 août 2015 à la veille de l’assemblée générale au cours de laquelle les nouveaux textes de la Fécafoot doivent être adoptés.
Une faction de dissidents, emmenés par Abdouraman Hamadou, Alioum Aladji, Essomba Eyenga, etc. a mobilisé de nombreux membres de l’Ag pour les amener à voter contre ces nouveaux textes et ainsi paralyser le processus. D’autre part, ils exigent que le Comité de normalisation présente le bilan financier de ses deux années à la Fécafoot.Une exigence qui donne des sueurs froides à l’équipe d’Owona.
Quelques jours plus tôt, la Fifa a menacé de suspendre le Cameroun si d’ici à la fin du mois de septembre l’interminable processus électoral mené par le Comité de normalisation depuis deux ans n’arrivait pas à son terme. Dès lors, une hypothèque pèse sur l’organisation des Can 2016 et 2019 au Cameroun. Le gouvernement tremble.
Il décide d’entrer en jeu pour essayer d’aplanir les divergences et sauver ce qui peut encore l’être. Le Premier ministre convoque dans ses services quelques acteurs de la crise à la Fécafoot. Parmi les « opposants », Francis Mveng est présent, tout comme Essomba Eyenga et Abdouraman Hamadou. En face, le président du Comité de normalisation, Joseph Owona.
Au cours de cette réunion, Philemon Yang dit parler au nom du chef de l’Etat, qui a demandé que les textes de la Fécafoot soient adoptés. Il prône également l’apaisement dans le sens de faire avancer les choses à la Fécafoot. Comme conditions à l’adoption des textes, le clan Abdouraman brandit quelques exigences : que certaines dispositions des statuts soient modifiées, que le secrétaire général, Tombi à Roko, au cas où il serait candidat à la présidence de la Fécafoot démissionne immédiatement, que les clubs fictifs soient expurgés du processus, etc.
Devant le Premier ministre ce jour-là, le président du Comité de normalisation s’engage, sans réserve à respecter toutes ces exigences. Le lendemain, lors de l’assemblée générale, les textes passent comme lettre à la poste. 97 délégués sur 99 vote pour. Le gouvernement vient de remporter la première mi-temps.
Abdouraman dit "niet"
Mercredi 12 août 2015. De nouvelles tractations ont lieu dans les services du Premier ministre. Une grande réunion est convoquée par Philemon Yang dans le but de faire le point des résolutions de la dernière rencontre. Ce nouveau conclave est élargi à d’autres personnalités.
En plus du Premier ministre et du Sg de ses services, on note la présence du ministre de la Justice, Laurent Esso, leministre du Travail, Grégoire Owona, le ministre des Sport,Adoum Garoua, leministre de l’Administration territoriale, René Sadi, le président du comité national olympique et sportif, Kalkaba Malboum, le président du Comité de normalisation, Joseph Owona, etc.
Abdouraman est présent, ainsi que Francis Mveng, Alioum Aladji et Essomba Eyenga. Quelques voix s’élèvent dans le camp des opposants pour dénoncer le président du Comité de normalisation coupable de ne pas respecter les engagements solennellement pris devant le Premierministre quelques jours plus tôt.
La rencontre qui a commencé vers 15h se termine vers 20h. « Le Pr Owona n’est pas un homme de parole », dénonceAbdouraman sur sa page facebook. Puis, il enchaîne : « J'insiste et je persiste : TOUS les engagements pris par le Pr Joseph Owona devant le Premier ministre le 4 août 2015 doivent être impérativement respectés ! » Il y a visiblement de l’eau dans le gaz. Au cours de cette réunion dans les services du Pm, l’idée d’un rapprochement entre les clans rivaux germe.
Elle est lancée, selon nos sources, par Alioum Aladji. Un nouveau rendez-vous est donc pris pour le lendemain, jeudi 13 août 2015. Cette fois, le Premier ministre est absent. La réunion est présidée par le Sg/Pmet leministre des Sports. Cette fois aussi, le clan Tombi est bien représenté. En plus de lui-même, le Sg de la Fécafoot, candidat à l’Ag élective dumois prochain est accompagné de Franck Happi, vice-président de la Ligue, Luc Koa, Me Charles Nguini et Charles Eteki.
En face, Abdouraman Hamadou est présent aux côtés d’Alioum Aladji, Essomba Eyenga, David Mayebi, Francis Mveng. Il est question, propose quelqu’un, de constituer une liste consensuelle pour les élections à la Fécafoot et de laisser le soin au gouvernement de décider de qui sera la tête de liste. Cette idée ne passe pas.On propose alors que le clan qui aura le plus de membres dans cette liste de 19 membres du comité exécutif désigne le président.
Il est alors décidé que le clan Tombi proposera 11 personnes alors que le clan des opposants en proposera sept.AlioumAladji négocie la première vice-présidence alors que Mveng, Essomba Eyenga et Mayebi sont cooptés dans cette liste consensuelle avec les 11 personnalités choisies par Tombi.
Abdouraman refuse de signer. Il est le seul à le faire. « Ces arrangements ne vont pas dans le sens du football camerounais », se serait-il justifié le lendemain, vendredi 14 août, au cours d’une nouvelle rencontre en présence du Premierministre.Dans la foulée, il annonce sur sa page facebook qu’il a quitté le groupe dont il était le cerveau.
Il mènera désormais son combat en solitaire. Il semble désormais à la tête d’un autre groupe baptisé « Initiative pour la sauvegarde des intérêts du football », apprend-on sur les réseaux sociaux.
La Famille recomposée Dans le clan Tombi, l’arrangement ou plutôt le partage des postes à la primature a fait des dégâts. Une réunion est annoncée dans les prochains jours à Buea chez le sénateur Charles Mbella Moki. Il est question, confie une source, de demander des comptes à Tombi à Roko. Car, au nom du consensus, il a dû se séparer de quelques fidèles affidés.
Ce qu’ils ont du mal à digérer. Ils menacent d’ailleurs de constituer une liste concurrente à celle de leur champion s’il persiste dans cette idée du consensus. « Ce qui s’est passé chez le Pm est inacceptable, s’énerve une source proche de la Fécafoot. Je ne sais pas pourquoi le Premier ministre a peur des élections et de la démocratie.
Le rôle du gouvernement est de s’assurer que les textes sont bons et acceptés de tous ; de s’assurer que les élections vont se dérouler dans les normes. Pour le reste, on doit nous laisser aller nous battre dans les urnes. On ne peutpas nous obliger à faire des alliances contre-natures. Comment Tombi et Mayebi peuvent-ils se retrouver dans la même liste ? J’ai le sentiment qu’au Premier ministère, c’est le sort des individus qui intéresse les gens, plutôt que l’avenir du football camerounais. »
D’autres lésés se désolent de ce qu’à aucunmoment, il n’a été question dans les services du Pm, de programmes, d’idées, de visions, mais essentiellement de qui sera casé où. Seul le partage des postes semble avoir prévalu lors des discussions. « Il y a quelques temps, se souvient un autre lésé du clan du Sg de la Fécafoot, tout le monde a crié au scandale quand Tombi s’est retrouvé candidat unique.
Tout le monde a dénoncé des élections russes à la Fécafoot. Ceux qui hurlaient acceptent aujourd’hui de faire partie d’une liste unique, prétendument consensuelle aux côtés de ceux qu’ils vilipendaient hier. On ne peut pas se moquer des Camerounais à ce point. » A l’observation, l’attelage constitué dans les services du Premier ministère reconstitue simplement le clan Iya Mohammed à la Fécafoot.
Alioum Aladji y était trésorier, Mayebi, Mveng, Essomba Eyenga, vice-présidents, Tombi à Roko, secrétaire général, etc. Joint au téléphone,Andouraman Hamadou a refusé de s’exprimer sur le sujet, estimant que lemoment n’était pas indiqué. De source digne de foi, il aurait encore la clé de certains dossiers sérieux encore pendant au Tribunal arbitral du Sport... D’autre part, Nkou Mvondo, jamais invité lors des négociations, se réserve lui aussi le droit de tout attaquer auprès de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif et même auprès du Tas. Visiblement, le match est loin d’être terminé.