Le football au pays de Roger Milla et Samuel Eto’o Fils n’est pas sorti de la zone de turbulences. La nomination d’un autre comité de normalisation après la mise en place du premier en 2013 n’a pas apaisé les tensions. L’on en veut pour preuve cette autre action d’Abdouraman Hamadou et Cie auprès du Tribunal arbitral du sport (Tas). Le chef de file des partisans d’une meilleure gestion du football camerounais s’oppose à la prorogation du mandat du comité de normalisation que dirige Me Dieudonné Happi. Il accuse la FIFA de manœuvrer ainsi pour continuer à avoir la mainmise sur le foot camerounais à travers des dirigeants qu’elle téléguide. Abdouraman ne désespère pas de remporter cet autre combat. Un peu comme celui qu’il gagna contre l’exécutif illégal qui a trôné à la tête du football camerounais durant presque deux ans. Interview.
Vous venez de déposer une plainte contre la FIFA au Tribunal arbitral du sport dans l’espoir de faire annuler la prorogation du mandat du comité de normalisation de la Fécafoot. Qu’est-ce que vous reprochez à cette décision de l’instance faîtière du football mondial ?
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Au moment de la nomination du comité de normalisation, la FIFA n’a pas fixé la modification de la loi comme préalable à l’organisation des élections au sein de la FECAFOOT. Elle a tout au contraire prescrit au comité de normalisation d’élaborer, en consultation avec toutes les parties prenantes, de nouveaux statuts qui soient en conformité totale avec, je cite, les Statuts et standards de la FIFA ainsi qu’avec la législation nationale en vigueur. En posant comme préalable la modification de cette loi alors même que le mandat du comité de normalisation était arrivé à terme, la FIFA s’est contredite. Elle change les règles à sa guise et fait preuve de chantage et d’abus d’autorité. En réalité, en imposant le préalable de la modification de la loi, la FIFA a prorogé le mandat du Comité Happi pour une durée indéterminée, ce qui est contraire à l’article 8.2 des statuts de la FIFA. Je précise que cette plainte a été déposée par une bonne centaine de clubs membres de la FECAFOOT. Ce n’est donc pas une affaire personnelle et il est question pour le TAS de vérifier la validité juridique d’une telle prorogation au regard de sa propre jurisprudence concernant la même affaire qui revient devant ce tribunal pour une quatrième fois depuis cinq ans.
Pourtant vous sembliez en bons termes avec l’équipe Happi. Vous n’avez montré aucun signe de mécontentement lors du premier semestre qu’elle a passé à Tsinga…
Le comité de normalisation a justement pu travailler sans entrave aucune pendant six mois grâce à un consensus obtenu de l’ensemble des acteurs du football camerounais qui croyaient cette fois à la sincérité des dirigeants de la FIFA. Tous les acteurs voulaient sortir de cette crise interminable, mais hélas, la FIFA elle, n’est pas prête à libérer notre football qu’elle gère par personnes interposées depuis cinq ans. C’est une forme de colonisation et de plus en d’acteurs de notre football refusent cette situation.
Avec votre dernière action on peut penser que la crise refait surface. Que proposez-vous pour qu’on en sorte ?
Les mêmes causes produisent généralement les mêmes effets. Tant que les raisons profondes de cette crise demeurent, la crise perdurera. Me Happi comme le Prof Owona agit pour le compte de la FIFA et fait tout pour rester le plus longtemps possible et pour imposer à la fin un groupe de personnes à la tête de la FECAFOOT, au détriment de la volonté des acteurs et des intérêts du football camerounais. Lors de sa déclaration à la presse le 27 février dernier, M. Véron Mossengo-Omba, Directeur du Département des Associations Membres de la FIFA pour l’Afrique et les Caraïbes a bien confirmé que c’est la FIFA qui a bloqué le processus électoral. En temps normal on se serait attendu à la démission du comité de normalisation, vu l’attitude inacceptable de la FIFA à l’égard de notre pays. Mais aujourd’hui, il est clair que ce comité de normalisation est le bras armé de la FIFA au Cameroun et qu’au lieu de servir le Cameroun, il sert la FIFA. Pour sortir de cette crise, nous avons besoin d’hommes intègres, intelligents, courageux et d’une loyauté sans faille à l’égard du Cameroun.
Comment jugez-vous les 6 premiers mois de cette équipe ?
C’est un échec patent. Sans entrave, il n’ya eu aucune avancée. Comble de tout, ce comité de normalisation n’a même pas pu tirer les conséquences de la situation juridique qui a permis leur arrivée à la tête de la FECAFOOT. A cette allure, il leur faudra dix ans pour y arriver, encore que ce n’est très sûr.
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Quel sort a-t-il été réservé à la plainte déposée au Tribunal fédéral Suisse ?
Cette procédure qui vise à rétablir l’ordre statutaire à la FECAFOOT suit son cours depuis maintenant 13 mois. Son sort sera probablement connu dans les prochaines semaines.
Serez- vous candidat à la présidence de la FECAFOOT si les choses vont dans le sens que vous souhaitez ?
Ce que je souhaite, c’est un processus électoral juste et équitable, susceptible de garantir le strict respect de la volonté des acteurs du football camerounais. Dans ce cas, nous nous réunirons pour désigner le meilleur candidat d’entre-nous. Je répète que je ne pense pas à la présidence de la FECAFOOT tous les matins en me rasant. C’est loin d’être une obsession pour moi et c’est ce qui me permet d’agir aujourd’hui librement.
Quel sens donnez-vous à votre reconduction en décembre dernier à la tête d’Etoile filante de Garoua ?
C’est un honneur d’avoir été reconduit après toutes les tentatives de déstabilisation dont nous avons été l’objet. Pour moi, c’est une marque de confiance et d’encouragement à poursuivre notre contribution pour l’assainissement de l’environnement de notre football.
Est-ce pour vous la confirmation de votre victoire contre ceux qui vous contestaient légalité et légitimité ?
Je n’ai jamais considéré cela comme une victoire personnelle, c’est le triomphe du droit sur le non-droit et sur l’illusion qu’ont certains de pouvoir tout faire à leur guise dans la mesure où ils occupent certains postes de responsabilité.
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Comment voyez-vous l’avenir de ce club mythique ?
Malgré les obstacles, nous sommes en train de poser les jalons d’un club professionnel dans le sens universel du terme. A l’avenir, nous nous voyons dominer la scène nationale et continentale. Il faut relever que tout cela n’est possible que dans un environnement propice pour le développement du football.
Certains vous ont souvent soupçonné d’être soutenu dans vos actions judiciaires par Samuel Eto’o Fils. Que répondez-vous à ceux-là ?
Malheureusement, à ce jour, Samuel Eto’o n’a financé aucune de nos procédures et je le regrette profondément dans la mesure où nous partageons pratiquement les mêmes idées. Dans quelques jours nous allons lancer une campagne de collecte de fonds pour soutenir les différentes procédures engagées en Suisse et au Cameroun. Nous espérons le compter parmi les contributeurs, qui pourront rester anonymes s’ils le souhaitent.
Quels rapports entretenez-vous avec ce footballeur ?
Mes rapports avec Samuel Eto’o sont empreints de beaucoup de respect mutuel. Je l’ai connu à ses débuts à l’équipe nationale et à chaque fois que nous avons eu l’occasion de nous rencontrer, les échanges ont toujours été très cordiaux et très constructifs.