À peine installée, la nouvelle équipe dirigeante de la Fécafoot est allée faire allégeance au gouvernement du Cameroun et au CNOSC. Qui l'eût cru ?
Qu'un président nouvellement élu à la tête d'une fédération sportive nationale rende une visite de courtoisie au président du Comité National Olympique et au ministre en charge du sport, cela est normal dans un milieu civilisé où chacun connait sa place et respecte celle des autres. Mais qu'au Cameroun, en 2015, les héritiers de Iya Mohammed à l'infernale Fécafoot fassent acte de soumission à ces autorités sportives, il y a quelque chose qui cloche.
En 2013, la Fifa avait suspendu le Cameroun pour « ingérence manifeste (de l'Etat !) dans les affaires internes de la Fecafoot » suite à une plainte du SG de la Fécafoot. Depuis, les articles 13 et 17 des statuts de la Fifa qui étaient brandis pour justifier cette suspension n'ont pas changé : les membres de la Fifa ont toujours l'obligation de « diriger leurs affaires en toute indépendance et veiller à ce qu'aucun tiers ne s'immisce dans leurs affaires ».
Des juristes affirmaient à l'époque que la Fécafoot ne peut être soumise qu'à l'autorité de la Fifa parce que, en adhérant à la Fédération Internationale, le Cameroun avait « aliéné une partie de sa souveraineté ». Les statuts de la Fifa seraient ainsi un traité que le Cameroun a ratifié en adhérant à cette organisation privée de droit suisse (!). Le Cameroun étant resté membre de la Fifa, d'où vient-il que le SG-Président (*) de la Fécafoot et son équipe optent désormais de se soumettre à l'Etat, à ses lois, et à ses juridictions ?
Un tel revirement à 180° peut paraître incompréhensible pour qui ne connait pas le Cameroun. On peut être outré de voir que nos autorités reçoivent en grande pompe ceux qui les ont offensées hier, et les soutiennent dans leur passage en force à la tête de la Fédé alors que le processus électoral qui les y a conduits est manifestement annulé.
En effet, l'adoption des statuts de la Fécafoot ayant été annulée par la Chambre de Conciliation et d'Arbitrage (CCA) du CNOSC, le code électoral et tous les autres textes qui émanent de ces statuts sont conséquemment annulés. « Une fois annulé, l'acte est censé n'avoir jamais existé, ce qui conduit, selon les cas, soit à une dispense d'exécution, soit à un effacement des conséquences déjà produites, la rétroactivité étant de l'essence de la nullité » (Henri Roland et Laurent Boyer, professeurs à la faculté de Droit de Lyon).
Celui qui ne sait pas ce que signifie « le Cameroun c'est le Cameroun » serait scandalisé de réaliser que le président du CNOSC désavoue la CCA en déclarant dans les médias qu'une fédération sportive sans statuts peut organiser des élections valides. En plus il décore les « élus » d'un tel processus avec les insignes de l'olympisme ! On serait au bord de l'apoplexie en découvrant que le Premier Ministre (PM) adresse une lettre de félicitations à des mal-élus (comme Blatter en 2013 !), et que les médias d'Etat sont mis à contribution pour imposer la forfaiture au peuple camerounais.
Connaissant bien le pays de Ngono Mani, la buteuse des Lionnes Indomptables, ce qui se passe ne nous étonne pas. Au Cameroun, il suffit d'avoir un bon « parapluie », et on peut tout se permettre. Iya Mohammed et ses héritiers avaient le parapluie de la Fifa, et ils ont pu défier impunément l'Etat pendant des années. Il se trouve que, depuis quelques mois, ce parapluie s'est troué et ne peut plus couvrir le successeur Tombi A Roko et ses lieutenants. Il fallait donc s'offrir une nouvelle protection localement : les sénateurs, députés, magistrats, avocats et militaires de l'équipe Tombi se sont mis à l'ouvrage.
L'Etat est donc désormais le parapluie de la mafia-Fécafoot. Les militants du parti au pouvoir qui peuplent les instances dirigeantes actuelles de notre foot ont eu recours à des méthodes qu'ils ont plusieurs fois expérimentées dans le champ politique et qui se résument en trois mots : comédie, flagornerie et corruption. On fait semblant d'être soumis aux autorités, on les flatte en les couvrant de louanges ; les autorités font semblant de croire en ces salamalecs, l'argent et les promesses d'avantages consolident tout ce cinéma destiné à distraire le grand public pendant que s'installe l'imposture.
Pour le reste, on mobilise des supposés érudits qui n'ont pas de scrupule à saborder leur réputation en torpillant la science dès qu'une odeur de lucre se fait sentir. Ce n'est donc pas un hasard si des grands juristes (enseignants, avocats, etc.) viennent d'inventer « la théorie de la fatigue judiciaire » selon laquelle l'illégalité doit être tolérée lorsqu'un processus de normalisation dure trop longtemps.
Le nouveau MINSEP connait bien la comédie puisqu'il l'enseigne. Il est donc bien placé pour savoir que le développement du football n'est pas du ressort de la comédie. Bien plus, Bidoung Mkpatt, en sa précédente qualité de Ministre de la Jeunesse, a piloté récemment le lancement d'une campagne nationale sur l'éducation civique dont le thème est « ma contribution citoyenne pour l'avènement d'un Cameroun exemplaire ». Le Cameroun exemplaire sera-t-il celui dans lequel des individus transforment une fédération de football en organisation mafieuse en se servant de l'Etat comme « parapluie » ?
Retenons-le, quand se déclenche le cyclone de la vertu, le parapluie devient inutile.
(*) Le Comité d'Urgence n'a constaté ni le retour en « congé administratif », ni la démission du SG : il cumule donc les fonctions de SG et Président de la Fécafoot.