Révélation de la phase de groupes de la Ligue des champions, l’attaquant du FC Bâle Dimitri Oberlin (20 ans) est un ovni, un joueur virevoltant et indéchiffrable. Tout ce dont a besoin l’équipe suisse pour mettre en difficulté Manchester City en huitièmes de finale.
«Un anniversaire comme ça, on n’en a pas deux fois !» Début décembre, au moment de revenir sur la soirée de rêve vécue à l’occasion de ses vingt ans, Dimitri Oberlin n’avait pas encore complètement réalisé. Ce mercredi 27 septembre 2017, l’attaquant du FC Bâle s’était offert une introduction tonitruante en Ligue des champions, signant un doublé et une passe décisive (plus un penalty provoqué) pour permettre à son équipe de terrasser le Benfica (5-0). Avec, en point d’orgue, un sprint insensé (conclu avec brio face à Julio Cesar) devenu viral. Voilà comment le gamin est passé de l’ombre à la lumière en soufflant ses bougies.
«Mes amis étaient tous choqués, surpris, ils ne pensaient pas que j’allais aussi vite», confiait la nouvelle pépite du football suisse au site de l’UEFA il y a quelques semaines. Surprendre son monde, le natif de Yaoundé, au Cameroun, en a pris l’habitude depuis son arrivée en Suisse à l’âge de neuf ans. Quand il débarque à Moudon en compagnie de son frère cadet pour rejoindre leur mère, Dimitri Joseph Mfomo (il ne porte pas encore le patronyme de son beau-père) impressionne d’emblée ses premiers entraîneurs. Car il a un truc en plus, un grain de folie qui fait la différence, même quand on manque de bases technico-tactiques.
Zeidler : «Il faisait des trucs qu’on n’avait jamais vus !»
«C’est un joueur à part, confirme Peter Zeidler, son premier coach chez les pros au Red Bull Salzbourg en 2015. À l’époque, il arrivait de Zurich et était censé intégrer l’équipe réserve. J’avais quelques blessés, des retours tardifs de vacances, donc je l’ai inclus aux séances d’entraînement et il a tout de suite impressionné tout le monde. Pas forcément par sa justesse, mais par sa fougue. Il courait, il se donnait… Il faisait des trucs qu’on n’avait jamais vus ! Avec un style assez spécial, mais toujours en créant des problèmes pour les défenseurs.»
À tel point que l’actuel entraîneur de Sochaux décide de le titulariser pour les barrages de Ligue des champions face à Malmö (2-0, 0-3). S’il a toujours été en avance, effectuant ses débuts avec le FC Zurich à seulement seize ans, la marche est cette fois-ci un peu haute : «Il était trop jeune, dépassé par les événements. Il voyait qu’il pouvait créer des dégâts, faire ce qu’il voulait avec les défenseurs, mais aussi totalement passer à travers, rater une passe à cinq mètres… C’était difficile pour lui de se situer.» Et facile pour certains de pointer du doigt les occasions manquées par un gamin pas encore majeur au cœur d’une élimination rageante.
Meilleur espoir du Championnat suisse en 2017
Tantôt intenable, tantôt invisible, Dimitri Oberlin soigne sa progression au FC Liefering (D2, 15 matches, 7 but) puis à Altach (D1, 21 matches, 9 but) jusqu’à l’été 2017. Salzbourg le renvoie alors en Suisse pour un prêt au FC Bâle, et regrette sans doute d’y avoir inclus une option d’achat qui paraît aujourd’hui dérisoire (4 M€). Car s’il ne montre pas encore une constance folle en Championnat (16 matches, 4 but), ses perfs en Ligue des champions (4 buts et une passe décisive lors de la phase de groupes) et la perspective d’une double confrontation avec Manchester City vont attirer l’œil.
«Je ne suis pas surpris, assure Zeidler. Il a toujours été capable de tout. Ce qu’il montre sur le terrain correspond à son état d’esprit : il est toujours à fond. Même quand son corps n’était pas prêt à encaisser les efforts, il se surpassait. Grâce à son talent, sa volonté, et au travail de ses entraîneurs, il a beaucoup progressé, notamment dans les gestes simples comme les passes ou les contrôles. Il est devenu vraiment très intéressant, tout en gardant son style spectaculaire.»
Élu meilleur espoir de Super League pour l’année 2017, Oberlin attend désormais une première sélection en équipe nationale suisse… «Ce serait un rêve», lâche régulièrement celui qui porte les couleurs helvétiques depuis les U15, mais dont les exploits n’ont évidemment pas échappé à la fédération camerounaise. Pas sûr que le choix hante l’esprit du jeune homme, lui qui est dans la vie comme sur le terrain. «Il faut l’aimer, mais il a un côté mystérieux, résume Peter Zeidler. Il a des feintes, des mouvements… Pfff… Face à lui, on ne peut rien prévoir.» «Quand je prends le ballon, je ne sais pas ce que je vais faire avec, confirme l’intéressé. C’est quelque chose qui me vient, ça me surprend parfois mais les défenseurs aussi.» Au moins, Nicolas Otamendi, John Stones et consorts savent à quoi s’attendre.