Le président de la Ligue de football professionnel du Cameroun fait le point à l’issue de la phase aller et annonce les dispositions prises pour une phase retour sereine. En même temps qu’il évoque les raisons des relations souvent conflictuelles avec la Fécafoot.
On est rendu à la fin de la phase aller des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2. Est-ce un soulagement pour vous à ce niveau ?
Ce n’est pas seulement un soulagement, mais c’est une satisfaction. Personne ne vendait cher la peau de ce championnat, avec les problèmes que nous avons eu avec la Fécafoot et autres.
Nous avons pu, grâce à la sollicitude du Premier ministre et du ministre des Finances, démarrer les championnats par nos propres moyens.
Je suis fier du niveau où on est arrivé. Il n’y avait pas que ces problèmes financiers, mais il y avait aussi celui des stades.
Il a fallu à la dernière minute, trouver des stades de substitution. On a pu faire quelque chose d’acceptable avec les moyens mis à notre disposition sur les stades disponibles. Ce n’est pas encore la configuration souhaitée, mais, c’est déjà ça.
Quelle appréciation faites-vous sur la manière dont les compétitions se sont déroulées ?
Quand vous regardez le classement, personne ne pouvait vous dire l’équipe qui allait être championne à l’issue de la phase aller.
Même au bas du classement, ce n’est qu’à la 17ème journée qu’on a pu savoir le club qui ferme la queue. Les positions sont tellement rapprochées entre les clubs. Et, faut-il le rappeler, les matchs se jouent effectivement sur le terrain.
Quand vous voyez même les dernières équipes au classement jouer, vous constatez qu’elles produisent un football alléchant. Quand nous aurons des stades, tout le monde sera étonné de voir la qualité du football qui va se jouer.
Il y a le calendrier qui a été respecté et le sera toujours. Nous allons terminer le championnat au mois de septembre et nous souhaitons que la finale de la Coupe du Cameroun se dispute aussi tôt ; que les inters poules se jouent avant le coup d’envoi de la Can de football féminin.
La Coupe de la Ligue sera terminée aussi. Je souhaite relancer la saison prochaine immédiatement après la Can féminine.
C’est avec beaucoup de satisfaction que nous sommes arrivés au terme de cette phase aller. Les équipes auront un repos d’environs deux semaines et nous allons reprendre le 28 mai prochain pour la ligue 2 et le lendemain pour la ligue 1.
Est-ce que les clubs auront la deuxième tranche de la subvention de l’Etat ?
Effectivement, les clubs auront de l’argent pour démarrer cette phase retour.
La subvention était même prête et il était question que j’aille la chercher.
Malheureusement, les 570 millions FCFA qui m’avaient été accordés n’avaient pas été justifiés.
Le Ministère des Finances avait prélevé cet argent dans son compte et n’avait pas encore justifié.
Pour me donner le reliquat, il va falloir que le Premier Ministre et le Ministre des Sports justifient pour l’un, les 350 millions FCFA qui m’ont été accordés et pour le Ministre des Sports les 100 millions FCFA qu’il m’a donnés pour l’aménagement des stades pour le début de la saison.
Il est question que le Ministre des Sports engage les 100 millions FCFA dans son budget et qu’il informe le ministre des Finances.
Quant au Premier ministre, il suffit seulement qu’il écrive la lettre habituelle pour solliciter du ministre des Finances de virer 350 millions FCFA dans le compte de la Ligue de football professionnel pour son fonctionnement.
Concrètement, combien attendez- vous pour donner aux clubs avant le démarrage de la phase retour ?
J’attends les 290 millions FCFA qui restaient sur les 560 alloués aux clubs. Toutefois, je dois dire que sur les maigres moyens de la portion centrale de la Ligue, j’ai aidé les clubs à pouvoir joindre quelque fois les deux bouts.
Ils ont pris des avances sur les 290 millions FCFA et sur la propre dotation de la LFPC. Donc, je vais régulariser cela.
Avec le retour du Premier Ministre, je crois qu’il va signer la lettre dont je vous ai parlé.
Et si le ministre des Sports a déjà engagé les 100 millions FCFA – parce qu’on m’a dit que c’était déjà fait – je pense que cette semaine, je pourrai avoir les 290 millions FCFA pour les clubs.
Mais moi, en tant que M. Semengue intuitu personae, j’ai demandé au gouvernement de m’aider. Ceci pour aider aussi les clubs à mieux terminer le championnat, parce que, comme vous le savez, il y a beaucoup de problèmes dans les clubs, avec les salaires qui ne sont pas payés ou le sont en retard.
Il faut qu’on éponge cette situation. J’ai donc demandé une aide spéciale au gouvernement et j’ai l’impression que j’aurai cette aide pour que les clubs aient suffisamment d’argent pour assainir leur situation interne et disputer les compétitions jusqu’à la fin.
Vous n’avez pas fait allusion à la subvention de la Fécafoot …
La Fécafoot a commencé à payer. Pour le moment, elle a payé les deux premières tranches, à savoir 100 millions FCFA deux fois.
Elle a payé la premières tranche il y a deux semaines, et la deuxième la semaine dernière.
Cet apport de la Fécafoot aide et va aider.
C’est arrivé certes en retard, mais, ça va. Nous sommes quittes. Maintenant, j’attends la phase retour pour qu’elle paye les 100 millions FCFA, puis, les
110 millions FCFA restants.
Les uns et les autres se posent toujours des questions par rapport à l’utilisation qui est faite de cet argent par les dirigeants de clubs. Allez-vous finalement imposer aux clubs, le compte d’emploi de l’argent que la Ligue donne à chacun ?
Il nous manque de l’argent pour résoudre un certain nombre de problèmes. Pour assainir la gestion des clubs, il va falloir former les dirigeants.
C’est pour cela que j’ai demandé de l’argent à l’Etat. Dès que l’Etat me donne cet argent, la priorité sera de former les dirigeants de clubs, en commençant par le personnel de la Ligue à la gestion.
Cela permettra également d’effectuer des contrôles fréquents et enfin la certification des états financiers. C’est bien beau d’accuser les présidents de clubs. Mais, en réalité, on leur donne combien ?
23 millions FCFA pour chaque club de Ligue 1 ; 8,2 millions FCFA à chaque club de Ligue 2. C’est une goutte d’eau par rapport aux besoins.
Pourtant, un seul déplacement d’une équipe du Nord au Sud coûte deux millions FCFA.
On jette l’anathème sur les présidents de clubs, alors que je pense qu’il faut les plaindre. Je le dis pour avoir géré un club que tout le monde connaît :
Tonnerre de Yaoundé pendant près de 15 ans. Je sais ce que c’est. Donc, je vais améliorer la gouvernance sportive.
Ce sera fait. Mais, dans un premier temps, il va falloir former les responsables de clubs à la gestion. A cet effet, j’envisage de lancer un appel à concurrence, pour avoir cinq cabinets d’audit.
Chaque cabinet aura huit clubs pour former les dirigeants d’abord, ensuite pour faire des contrôles de gestion et enfin certifier en fin d’exercice les états financiers.
Ici à la Ligue, votre auditeur, c’est le cabinet Okala, qui pourra contrôler ce que font les autres cabinets d’audit par rapport à la norme qui doit être respectée.
Nous allons mettre de l’ordre dans la gestion du football camerounais. Et comme l’Etat a consenti une défiscalisation à hauteur de 5% aux entreprises qui financent le sport, nous irons vers ces sociétés.
Pour injecter de l’argent dans les clubs, il faudra une traçabilité. Pour y parvenir, il nous faut environ 200 millions FCFA.
Le championnat s’est disputé jusqu’à présent avec des clubs qui n’arboraient pas tous les maillots Garman.
Ils ont justifié cela par des erreurs faites sur les équipements qui leur avaient été alloués. La phase retour va-t-elle continuer comme cela ?
Il y a avait certains clubs qui ont eu ce problème et Garman a essayé de corriger.
Ce qui est certain est que pour la saison prochaine, chaque équipe aura réellement ses couleurs.
Nous allons exiger cela de Garman d’abord et des équipes ensuite. Il faut qu’elles nous fournissent aussi des documents clairs, leurs couleurs réelles (à domicile et à l’extérieur), les pointures et les tailles pour les maillots.
Garman ne fabrique que ce qu’on lui demande. Si au départ c’est mal fait, la suite sera logique.
Nous allons d’ailleurs demander à l’équipementier Garman de faire un stage d’amélioration des capacités pour l’utilisation des ballons par exemple.
Comment les gonfler. Il y en a qui les gonflent plus et ils crèvent, d’autres moins.
Même pour le stockage, il faut savoir comment le faire.
Il y a une certaine pression pour ces ballons et les garder dans certaines conditions.
Les stades de Limbé et Bafoussam viennent d’être mis à la disposition de la Ligue pour la phase retour. Comment entendez-vous gérer ça ?
Je tiens d’abord à remercier le Ministre des Sports d’avoir mis ces infrastructures à la disposition de la Ligue.
Dans le Sud-Ouest, il n’y aura pas beaucoup de problèmes puisqu’il y a une équipe à Buea (Dynamic, ndlr) et l’autre à Limbé (Njalla Quan, ndlr).
A l’Ouest, nous allons organiser des Top matchs sur le nouveau stade de Bafoussam.
Nous sommes en train de demander aux clubs de cette région de nous dire s’il y a des matchs particuliers en dehors des Tops matchs que nous organiserons.
Pour un match comme Bamboutos -Coton sport, nous pouvons dire qu’il ne se joue pas à Mbouda. Racing – Canon ; Racing – Aigle ; Bamboutos – Aigle ou Panthère - Union sont par exemple, sans être exhaustif, des Tops matchs que nous pouvons y organiser.
Comment se prépare le processus électoral à la Ligue ?
Vous savez très bien que le Conseil d’administration a fixé la date des élections au 28 juillet prochain.
Nous avons convoqué l’assemblée générale, le 21 mai prochain, qui est souveraine pour entériner cette proposition du Conseil d’administration.
De temps à autres, il y a des différends entre la Ligue et la Fécafoot.
Qu’est-ce qui est souvent à l’origine de cette tension ?
Il y a eu beaucoup d’incompréhensions et plein d’exagération. J’ai aussi l’impression que le président de la Fécafoot a été induit en erreur sur certaines choses.
Je ne sais pas par quel mystère le Comité exécutif de la Fécafoot a sorti les fameuses résolutions 4 et 5 la dernière fois.
Comme la résolution 4 par exemple, qui constatait que les statuts de la Ligue n’étaient pas conformes et qu’il était question de revenir aux textes de 2011.
C’était une grossière erreur.
D’abord ces statuts de 2011 étaient basés sur la loi de 1996, qui a été abrogée par celle du 5 juillet 2011.
D’autre part, les statuts de la Ligue, s’ils avaient été rédigés par nous, ils devraient être validés par la Fécafoot.
C’est le principe. Mais, les statuts de la Ligue ont été élaborés par la Fécafoot elle-même, qui nous a demandés de les voter sans amendements et c’est ce qui a été fait.
Ces statuts votés ont été transmis à la Fécafoot le 2 décembre 2014, soit plus d’un an.
Quand c’est maintenant qu’on constate qu’ils ne sont pas conformes, il y a problème.
Et ce n’est pas tout. Ces statuts ont servi à la Fécafoot, ne serait-ce que pour voter les 20 membres de la Ligue qui devaient la représenter à l’assemblée générale élective du président de la Fécafoot.
Ces statuts ont été utilisés pour différentes choses.
Si nous avons mis sur pied une commission électorale, sur la demande de la Fécafoot, c’est sur la base de ces statuts.
Ces statuts ont été élaborés par la Comité de Normalisation mis en place par la Fifa.
Si vous lisez les prérogatives du Comité de normalisation édictées par la Fifa, il est dit que les décisions du Comité de normalisation sont contraignantes et définitives.
Demander que les statuts de la Ligue élaborés par la Fécafoot doivent encore être validés par la Fécafoot est une escroquerie.
C’est pour cela que lorsque nous avons porté l’affaire auprès de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique, cette escroquerie a été éventrée et on a annulé ces résolutions 4 et 5.
Autre exemple, le président de la Fécafoot veut introduire dans les organes de la Ligue les corps de métier.
Mais la loi sur laquelle nous nous fondons est claire là-dessus. L’article 3 dit que l’Assemblée générale de la Ligue n’est composée que des clubs.
Je voudrais bien changer et mettre certaines choses dans ces statuts. Mais, il faut que la loi soit modifiée.
Je vais proposer au ministre de modifier cette loi permettant d’introduire les corps de métier notamment les Comités territoriales décentralisées, les joueurs, les entraîneurs, les arbitres, les médecins.
Même le patronat à qui on va demander de l’argent. On doit intégrer tout cela. Mais, auparavant, on doit modifier la loi. Vous voyez donc des incompréhensions.
Je suis un vieux fonctionnaire et un très grand et vieux d’ailleurs.
Je connais tous les méandres de l’administration.
Ce qu’ils font là ne peut pas passer avec moi, parce que je découvre ça immédiatement.
C’est des incompréhensions dues peut-être à la jeunesse.
Vous voyez que la Fécafoot prend deux décisions, sans annuler les précédentes. Ce qui n’est pas normal.
Vous avez pourtant tenu des réunions tripartites avec le ministère des Sports …
Le ministre des Sports a créé une plate-forme de concertation qu’il préside à travers son secrétaire général, avec la Ligue et la Fécafoot.
Nous y sommes allés et chacun a présenté ses arguments et l’Etat a pris des dispositions.
Mais, nous avons laissé le soin au ministère de rendre publique ces résolutions.
La Fécafoot ne pouvait pas le faire non plus. Tout a été aplani. Un de vos confrères a d’ailleurs titré « que Semengue a mis Tombi à Roko au garde à vous ».
C’est provocateur. On est arrivé à des résolutions qu’il faut respecter de part et d’autre. Moi, je respecte, en ce qui me concerne, ce qui a été décidé.
On a connu ces derniers temps des chutes entraînant des décès de joueurs sur les terrains. Est-ce que cette situation ne vous inquiète pas au regard de la phase retour, en ce qui concerne à la mise en charge médicale des joueurs sur chaque stade où les matchs se jouent ?
J’ai été, dès ma nomination à la tête de la Ligue, la première personne à parler de promouvoir la santé du sportif. Effectivement, ce problème se pose. Nous avons déjà pris des mesures.
Dans toutes nos rencontres, il y a toujours un service médical animé par un médecin. Si ce n’est pas fait, la responsabilité doit se reposer sur les directeurs des stades locaux, parce qu’ils reçoivent un budget pour cela.
Ils ont de l’argent pour faire venir sur les stades, des médecins, des secouristes, l’ambulance et toutes les commodités liées à la prise en charge médicale.
On s’est aussi aperçu que le staff médical de chaque équipe n’est toujours pas à la hauteur.
Nous allons organiser un stage de renforcement des capacités des membres des staffs médicaux des équipes pendant la trêve.
De même, nous allons exiger que la trousse médicale des clubs soit complète. Beaucoup de personnes demandent de mettre dans les stades, des défibrillateurs.
C’est important. Non seulement ils coûtent cher (2 millions FCFA pour un, ndlr), mais est-ce que tout le monde sait l’utiliser ?
La médecine sportive a été un de mes chantiers les plus importants dès ma prise de fonctions à la Ligue.
Néanmoins, nous avons en projet la construction d’un hôpital spécialisé de médecine sportive.
La mise en place de ce projet est très avancée.
La Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) a manifesté le désir de financer la construction de cet hôpital.
Si je suis élu, nous allons accélérer le processus, parce qu’il y a les Sud-africains qui ont marqué leur accord de financement. On s’est même réparti les charges.
Ils supporteront 40% et nous 60%. Ce sera un hôpital spécialisé de 150 lits, parce qu’il sera aussi à la disposition des pays voisins.
En ce moment, pour des blessures sérieuses de joueurs, on est généralement appelé à faire soigner en Afrique du Sud ou en Europe.
Je compte aussi créer dans chaque hôpital de région, un service de médecine sportive.
Il s’agira non seulement de soigner les joueurs, mais aussi de former le personnel médical des clubs.
Ce n’est par exemple pas n’importe quel chirurgien qui est spécialisé pour opérer le sportif.
Opérer un genou ou une cheville, c’est une spécialité. Il y a aussi la question de dopage.
On devrait vérifier que des acteurs qui vont sur le terrain ne prennent pas de produits dopants et autres.
Il y a des produits qui deviennent dopants, quand vous les prenez à forte dose.
C’est pour cela qu’il y a des produits interdits pour les sportifs.
Le dopage est l’une des causes de la déperdition de nos talents. La première étant le manque d’argent.
Généralement, quand un joueur est blessé, il est abandonné à lui-même.
La médecine sportive constitue l’une de mes préoccupations essentielles en ce moment.