Remplaçant au début de la Can, il a été déterminant pour les derniers matchs capitaux des Lions Indomptables au Gabon.
Jusqu’à il y a très peu, les Camerounais ne connaissaient pas qui est Djoum…
Non ! Et c’est amusant, car je crois qu’ils ont découvert et que le court des choses a permis que j’entre dans les familles et que je sois dorénavant adopté. Aujourd’hui, on peut coller le nom à mon visage. Au début de la compétition on ne me connaissait pas trop, et je sais que des gens se sont posés des tas de questions quand je suis titularisé en quart de finale, alors que je n’ai joué aucune minute des trois matchs de groupe. Et pendant plus de 90 minutes de ce Cameroun- Sénégal, j’ai répondu présent. Ma prestation en quart m’a permis d’être titularisé en demi face au Ghana et en finale devant l’Egypte, j’en suis très fier. Fier d’avoir montré mes qualités et ma détermination ; fier surtout de l’avoir fait avec les couleurs de mon pays. Montrer sa valeur à un si grand compétition, c’est merveilleux.
Mais qui est Sutchuin Arnaud Djoum ?
Je suis un garçon très calme, presqu’effacé, qui joue au football professionnel depuis dix ans. J’ai beaucoup d’expérience, car j’ai commencé chez les pros à 17 ans. J’ai 27 ans cette année 2017, et je suis un garçon qui réfléchit beaucoup. Quelqu’un de simple qui ne se prend pas trop la tête. J’essaye d’apporter mon calme dans le jeu de l’équipe.
Quel est l’enfant Djoum, ses parents, sa famille, certains disent que tu es un binational…
Je suis né à Yaoundé le 02 mai 1989. Je suis un Camerounais de Bayangam 100%. A l’âge de quatre ans, j’ai voyagé pour la Belgique avec mes parents, j’ai grandi à Bruxelles. J’ai été éduqué làbas, j’ai tout appris en Belgique. Mes parents étaient très proches de moi, m’ont aidé en m’inculquant les valeurs camerounaises, tel que l’amour de la patrie, et c’est grâce à eux que je suis là aujourd’hui. Certains n’ont pas la chance d’avoir cet entourage parental, et c’est très compliqué. J’en profite pour dire merci à mes parents ; c’est à eux que je dédie cette victoire de la Can. C’est grâce à mes parents que je suis aujourd’hui champion d’Afrique.
On peut avoir leurs noms ?
Madame Lucienne Kom Kamneng, et monsieur Djoum Edouard. Je suis très fier d’eux aujourd’hui.
Rares sont ceux des Camerounais de votre âge qui ont eu un accompagnement au foot de leurs parents. Les vôtres étaient particuliers alors?
Ma mère est infirmière à Bruxelles, et papa lui, fait dans l’import-export, installé au Cameroun. Il achète des ordinateurs en Belgique et les revend au pays ici. Je dois d’ailleurs préciser que mon oncle Henri Bopda Kamneng est un ancien footballeur qui a joué dans le Diamant de Yaoundé, à l’époque du président Zoundja. Papa est mon point d’attache au Cameroun, quand je viens ici, je suis avec lui.
Ils ne se sont donc pas trompés, ceux des supporters des Lions qui vous ont surnommé ordinateur ?
Non, je ne le savais pas. Mais, je suis quelqu’un qui réfléchit beaucoup, je calcule beaucoup, je travaille beaucoup avec ma tête. C’est un avantage que j’ai, et c’est une de mes grosses qualités.
Vous avez fait beaucoup de mathématiques à l’école ?
J’ai plutôt fait lettres et humanités. J’ai été le plus loin possible, jusqu’à mes 19 ans quand je mets mes études de côté pour me lancer à 100% dans le football.
Peux-tu nous parler de ton équipe professionnelle ?
Je joue en Ecosse, mon équipe s’appelle Heart of Midlothian Fc. La saison dernière (2015-2016) nous avons fini 3ème derrière le Celtic de Glasgow, on s’est qualifié aussi pour l’Europa League. J’ai fait une très bonne saison, j’ai marqué sept buts et fait six passes décisives. C’est grâce à ces performances que le coach Hugo Broos m’a découvert, et il m’a fait appel. C’est une bonne équipe en Ecosse qui joue un bon football. Je pratique le jeu au sol en équipe nationale, c’est le même jeu que pratique notre équipe en Ecosse. Cette année 2017 on est encore bien placé, nous sommes pour l’instant (Février 2017) 4ème au classement. Nous lorgnons les premières places derrière le Celtic, les Rangers et Glasgow. J’espère faire une très bonne saison et espère d’ici juin, faire un pas vers un meilleur club.
Quand en une saison on est impliqué dans 13 buts de son équipe, en ayant marqué sept, c’est qu’on est proche des attaquants. Et pourtant chez les Lions, on vous voit très proche des défenseurs. C’est quoi votre poste exactement ?
Je suis comme le nouveau style de milieu de terrain qu’on appelle Box to Box comme Paul Pogba et Yaya Touré. C’est le milieu de terrain qui attaque et défend aussi. J’aime bien faire valoir mon apport offensif. C’est pour cela que dans mon club, j’ai vraiment un rôle important.
Et chez les Lions c’est quoi ton job essentiel ? On dirait qu’on t’a gardé pour la partie la plus difficile de cette Can Gabon 2017 ?
J’ai eu un rôle ici un peu plus défensif qu’en club. A chaque fois, le coach Hugo Broos m’a mis sur le terrain, il m’a donné un job à faire, et il m’a dit à chaque fois qu’il était satisfait de mon boulot. Bloquer tous les espaces entre mes coéquipiers par rapport à la possession de l’adversaire, et quand j’ai le ballon, faire des relances propres. C’est d’ailleurs le même rôle attribué à Sébastien (Siani) et cela a très bien marché.
Avec dix sélections seulement, vous voilà champion d’Afrique avec les Lions Indomptables…
C’est une grande expérience en très peu de temps. Une compétition continentale comme celle-ci est importante pour la vie et la carrière d’un joueur. Partout, nous serons des références de nos coéquipiers, on va s’appuyer dorénavant sur nous qui avons déjà passé cette épreuve. Mais j’espère que c’est seulement le début d’une longue carrière internationale.
Tu as grandi en Europe et tu passes de temps en temps au Cameroun. Mais connais-tu vraiment la pression des supporters des Lions ?
Je pense que je ne la connaissais pas encore. Mais quand vous voyez la liesse populaire qu’il y a eue quand nous avons gagné, vous pouvez mesurer avec le désarroi de ces mêmes gens quand ils attendent une victoire et qu’on perde plutôt. Nous nous devons de nous battre vraiment à chaque fois, pour contenter ce public. Sinon qu’on soit convaincu d’avoir tout donné car ce public-là mérite qu’on transpire sous le maillot à chaque match.
Quel a été le secret de la réussite des Lions en Can ?
Nous avions une force mentale incomparable. Nous sommes un groupe de jeunes, qui ne pensaient qu’au foot, et chacun de nous était dans un rêve personnel, et le groupe dans un rêve collectif. Nous avons évacué la pression ; nous avons tout donné, et notre rêve s’est réalisé. Nous sommes champions d’Afrique.