L’ancien vice-président de la Fécafoot est au centre d’un jeu où se mêlent manipulation, trafic d’influence et pressions politiques.
John Begheni Ndeh est l’objet de toutes les attentions depuis la sentence de la Chambre de conciliation et d’arbitrage (Cca) du Comité national olympique du 12 novembre 2015 annulant l’ensemble du processus électoral à la Fécafoot. C’est que, si cette sentence venait à être appliquée, c’est lui qui devrait prendre la tête de la fédération en tant que premier vice-président de l’exécutif élu en 2009 et dont Iya Mohammed, le président, se trouve incarcéré à la prison centrale de Kondengui. Il lui reviendrait donc à ce titre de gérer la transition en attendant l’organisation de nouvelles élections. Seulement, depuis cette fameuse sentence de la Cca, John Begheni Ndeh a fait plusieurs sorties dans la presse camerounaise qu’il a ensuite démenties, expliquant chaque fois que ses propos ont été soit dénaturés ou mal interprétés. « Une girouette », s’est-on empressé de qualifier l’ancien premier vice-président de la Fécafoot. Dans la réalité, les choses ne sont pas aussi simples dans ce qui est désormais convenu d’appeler « affaire John Begheni Ndeh », qui mêle manipulation, trafic d’influence et pressions politiques.
Déclarations et contre-déclarations
Tout commence au lendemain de la sentence de laCca annulant l’ensemble du processus électoral organisé à la Fécafoot par le Comité de normalisation.Dans un article publié par nos confrères de Mutations, John Begheni Ndeh déclare en substance ne pas être intéressé par la Fécafoot. Ces propos sont accueillis avec un certain triomphe à Tsinga. Car, si celui qui est supposé assurer l’intérim se déclare pas du tout intéressé par l’affaire, on peut donc penser qu’il souhaite que Tombi à Roko et son équipe dont l’élection est contesté restent en poste. La joie de l’exécutif contesté de la Fécafoot est de très courte durée. Le 18 novembre, John Begheni Ndeh accorde une interview - cette fois formelle - au quotidien Le Jour dans laquelle il affirme que ses propos à Mutations ont été mal interprétés. Il se dit plus que jamais intéressé par la Fécafoot.
« En tant que premier vice-président sortant, je me sens concerné au premier plan, dans la mesure où selon les statuts et les textes de la Fécafoot, il me revient la lourde charge d'assurer l'intérim en l'absence de M. Iya Mohammed. Contrairement à ce qui se dit, la situation actuelle de la Fécafoot constitue aujourd'hui ma principale préoccupation », déclare-t-il. Il va plus loin en déroulant même sa feuille de route : « Le Cameroun est un Etat de droit et c'est l'un des acquis majeurs du président de la République, son Excellence Paul Biya. Et de ce fait, nul ne peut être au-dessus de la loi. Personne n'a intérêt à plonger notre fédération dans l'illégalité, car les actes pris par M. Tombi sont nuls et de nul effet et cette situation camer.be, si elle perdure, est de nature à mettre en danger l'ensemble de nos sélections nationales. En attendant, nous allons saisir dès aujourd’hui la Fifa, la Caf, les banques et les partenaires économiques de la Fécafoot pour leur communiquer la sentence de la Cca et leur demander de surseoir à tout paiement jusqu’à nouvel ordre. » Voilà qui semble clair.
L’interview de John Begheni Ndeh au Jour parait le jour où le ministre des Sports rend public un communiqué qui vient en quelque sorte légitimer Tombi à Roko à la tête de la Fécafoot et annuler la sentence de la Cca. Cinq jours plus tard, le 23 novembre, Cameroon tribune publie une interview de John Begheni Ndeh dans laquelle il déclare que le communiqué du ministre des Sports « est conforme à la loi ». Il précise, en totale opposition avec ses propos quelques jours plus tôt, que « les actes posés par le président de la Fécafoot et les membres de son bureau sont des actes légaux ». Trois jours après cette interview, il se fend d’un communiqué dans lequel il affirme que les propos qui lui sont attribués ne « correspondent absolument pas aux réponses » qu’il a apportées aux questions du journaliste de Cameroon tribune. Il en profite pour rappeler la nécessité d’appliquer la sentence rendue par la Cca le 12 novembre 2015. Comment comprendre ces déclarations et contre-déclarations ? John Begheni Ndeh, dans ses propos, a donné des pistes. Dans ses premières déclarations à Cameroon tribune en effet, il dit ceci : « Après concertation avec certaines personnalités, je pense que le communiqué du ministre Bidoung Mkpatt est légal et conforme à la loi. » Cela laisse sous-entendre que ce sont ces mystérieuses « personnalités » qui l’ont amené à changer d’avis. Qui sont-elles et de quelle manière se sont-elles prises ?
Paul Atanga Nji
John Begheni Ndeh fait en réalité allusion à un homme : Paul Atanga Nji. Ministre chargé de missions à la présidence de la République, il fait office de patron politique dans la galaxie Rdpc de la région du Nord-Ouest. Le 20 novembre, après la publication du communiqué du ministre des Sports et l’interviewde JohnNdeh dans Le Jour, il entre en contact avec son « frère » pour lui signifier qu’en tant qu’ancien ministre et actuel directeur général de la Mission de développement du Nord-Ouest (Mideno) il se devait de respecter une certaine solidarité gouvernementale. Il lui fait gentiment savoir que ses propos contrarient très sérieusement le chef de l’Etat et qu’il est important pour lui de revenir sur « le droit chemin ».
Pour ce faire, Atanga Nji se propose de lui envoyer le journaliste Choves Loh de Cameroon tribune pour une nouvelle interview. Begheni Ndeh cède. Il a certes la peur dans le ventre, mais reste procédurier. Il refuse de répondre verbalement à l’interview de Choves Loh. Ce sera par écrit. Le journaliste de Cameroon tribune formule donc quatre questions. Begheni Ndeh y répond avec son écriture empâtée sur deux petits feuillets arrachés dans un calepin. Le document est ensuite paraphé par Choves Loh et Begheni Ndeh. Petite précision : l’interview doit être publiée en français. Cameroon tribune est un quotidien bilingue. Pourquoi l’interview n’a-t-elle pas été publiée en anglais telle qu’elle a été réalisée ? John Begheni Ndeh est en réalité pris entre deux feux : d’un côté, il est Dg de laMideno et ancien ministre des Transports. Un passé et un présent qu’on n’a de cesse de lui rappeler comme une menace, avec pour référence le « triste sort » réservé à Monsieur Iya Mohammed, ancien président de la Fécafoot et ancien Dg de la Sodecoton… De l’autre côté, il est attaché à son poste de premier vice-président de la Fécafoot et ne souhaite pas décevoir ses compagnons de lutte depuis plus de deux ans dans la pénible transition à la fédération.