Le récent bras de fer engagé par les basketteuses Camerounaises s’est encore soldé par l’intervention providentielle du Prince. On commence à s’y habituer.
Une douzaine de filles campent dans un hôtel et inondent les réseaux sociaux pour exiger le paiement de leurs primes évaluées par elles-mêmes à 15 millions de F.Cfa. La presse nationale se saisit de l’affaire et hurle : « Il faut payer ces dames ! ». Le peuple crie à l’injustice et fait chorus avec « ses dignes représentantes ».
La tension monte. 5 millions sont proposés. Refus catégorique des filles . Une rumeur évoque un coup de force pour les déloger de l’hôtel. L’image du Cameroun est dans la boue. On est au bord de l’esclandre. Et puis vint un homme. Comme un justicier sur son cheval blanc, Paul Biya tranche la querelle : Ce sera 15 millions pour chaque fille hic et nunc ; ici et maintenant.
Une fois de plus, le président apparait comme le grand démineur de cette crise de primes qui a une nouvelle fois étalé les dysfonctionnements de l’administration camerounaise en matière de gestion sportive. Après les footballeuses qui ont mené la fronde suite à leur brillant parcours à la Coupe du Monde du Canada, voici venu le tour des basketteuses.
Il est loisible de s’interroger sur cette propension à laisser pourrir des situations conflictuelles pourtant négociables à la base pour ensuite faire intervenir le prince en sauveur. « On a l’impression que tout est fait exprès pour présenter le président comme celui qui résout tous les problèmes », s’indigne Alain Djanfan un jeune athlète rencontré à Yaoundé.
Qui donc peut avoir intérêt au pourrissement ? L’ambassadeur itinérant Albert Roger Milla a avoué avoir convaincu les filles d’accepter 5 millions de F.Cfa. « Mais certaines personnes ont ensuite manoeuvré pour leur demander de continuer à revendiquer », indique-t-on dans l’entourage de Roger Milla. Ces personnes avaient sûrement intérêt à ce que le trésor public se déleste de ces 200 millions. « Beaucoup ont trouvé leur compte dans cette transaction », nous confie un employé au ministère des Sports.
Jusqu’à quand ?
Il reste que en procédant ainsi, les dirigeants du sport réussissent à noyer le poisson. Ils sèment le flou et développent une politique de paiement des primes illisible et à géométrie variable. L’idée ici est de tirer les marrons d’une situation confuse où les détournements de fonds sont pour ainsi dire monnaie courante. Dans ce processus, nos fonctionnaires ripoux cherchent l’onction et la main providentielle du président de la République. Toujours avide de gains politiques, Biya se fait d’abord attendre. Il laisse faire. Sonde, jauge, observe avant de décider en faveur des plaignants.
Ce paternalisme stratégique lui permet d’engranger quelque sympathie de la part de sportifs qui jubilent de voir leurs comptes bancaires faire un bon prodigieux. Mais a-t-on vraiment besoin de tout un président de la République pour payer des primes à des sportifs ? Prisonnier de la lubie de l’homme-orchestre, capable de tout et partout, Paul Biya étale une fois de plus les carences criardes de son propre système.
Apparemment, l’homme n’en a cure et tient surtout à sauver sa tête. Pendant ce temps, les compétitions nationales se jouent dans la boue et sur du ciment. Et on se demande si le pays en aura suffisamment pour payer toutes les médailles d’argent à hauteur de 15 millions de F.Cfa. On se demande ? Qui se demande ? Qui se préoccupe vraiment de cet avenir plus qu’incertain du mouvement sportif du moment même où ces fonctionnaires corrompus s’en mettent plein les poches ? Du moment même où on trinque à la gloire du Prince…