Lorsque le capitaine Stephen Tataw et ses coéquipiers foulent la pelouse du stade Giuseppe Meazza de Milan, ce 8 juin 1990, ils n’imaginent pas encore le cours que va prendre leur destin.
Le sort a voulu que le Cameroun ouvre les festivités du Mondial italien face à l’Argentine. Le champion en titre, qui compte dans ses rangs le meilleur joueur du monde, un certain Diego Armando Maradona. Ce dernier, pour l’anecdote, s’offre un tour dans les vestiaires avant le match, question de refaire sa coupe avec son coiffeur qui l’attend.
En clair, le décor se plante en vue d’un duel semblable à l’affrontement entre David et Goliath. Personne ne vend d’ailleurs cher la peau des Lions indomptables, minés par quelques dissensions, après une préparation chaotique, ainsi qu’une coupe d’Afrique des nations où ils n’ont pas passé le premier tour.
« Avant le match, le kiné des Lions a entonné un chant pour nous galvaniser et nous avons chanté avec une telle ferveur dans les vestiaires que la confiance a changé de camp. Les joueurs argentins étaient tous intimidés devant nous et à ce moment-là, nous avons su que nous pouvions soulever des montagnes », raconte André Kana-Biyik, l’un des milieux de terrain les plus engagés.
Il suffira d’une vingtaine de minutes pour que ces Lions-là, entraînés par le Russe Valeri Nepomniachi, se mettent à la hauteur de leurs adversaires.
Leur solidité défensive et tactique leur permet de tenir Maradona et ses coéquipiers. Mieux, Louis-Paul Mfédé et François Omam-Biyik se montrent audacieux, s’attitrant les faveurs d’un public (plus de 70 000 spectateurs), ravis de voir le poucet africain tenir tête à l’ogre sud-américain. Entre-temps, André-Kana Biyik est exclu.
Mais, jusqu’alors, personne n’imagine ce but, qui laisse tout le monde muet, pendant quelques secondes. 67e minute : François Omam-Biyik trompe d’une tête piquée Nery Pumpido, le gardien des Celestes. Coup de tonnerre sous le regard du chef de l’Etat, Paul Biya, qui a fait le déplacement.
Le tournant du match a lieu à la 88e mn, quand Claudio Caniggia récupère le ballon dans sa surface de réparation. L’attaquant argentin ne se pose pas de question et entame une chevauchée folle de près de 70 m. Après avoir éliminé plusieurs adversaires, il bute sur Benjamin Massing dont le tacle est si violent que l’Argentin effectue un vol plané. La chaussure du Camerounais, elle, reste à quai.
Ce geste reste à ce jour l’un des plus violents du football alors qu’au Cameroun, on préfère voir en Massing celui qui empêcha certainement l’égalisation. Peu importe ce deuxième carton rouge de l’arbitre Michel Vautrot. Le Cameroun s’impose 0-1 face à l’Argentine. Inédit !
La suite, on la connaît. Les Lions terminent premier de ce groupe devant l’Argentine, après un succès contre la Roumanie (2-1) et une défaite face à la Russie (0-4). Ce qui leur ouvre les portes d’un match des 1/8es de finale tout aussi historique face à la Colombie (2-1).
Et ce n’est pas cette défaite, en quarts de finale face à l’Angleterre, qui changera quoi que ce soit à la belle épopée des Lions indomptables. Epopée qui transformera à jamais le destin du football camerounais, africain et même mondial.