Esquisses de rapprochement, échanges de compliments, désaccords frontaux. Les relations qu’entretiennent le président de la Fecafoot et celui de la Fifa sont très ambivalentes.
LE MATCH DE LA SEMAINE – A priori, le prochain épisode des relations entre Gianni Infantino et Samuel Eto’o devrait être courtois. Pourtant, rien ne le garantit. Depuis que les deux hommes se connaissent, ils ont traversé des moments de tensions – parfois intenses – et connu des périodes plus calmes, marquées de franche cordialité. Mais au moindre souffle, le feu qui couve entre les deux dirigeants du foot menace de resurgir.
Dernier exemple en date, le bras de fer qui s’est joué fin mai, lorsque Samuel Eto’o, élu en décembre 2021 pour un mandat de quatre ans, a fait adopter par l’Assemblée de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) une modification des statuts lui permettant de rester à son poste pendant sept ans. La réaction de la Fédération internationale de football (Fifa) n’a pas tardé.
Tacles et contre-attaques
Celle-ci a purement et simplement refusé d’avaliser le changement de statuts de la fédération camerounaise, et Samuel Eto’o s’est alors fait taper sur les doigts par la Sénégalaise Fatma Samoura, secrétaire générale de l’instance faîtière et fidèle de Gianni Infantino. Dans un courrier adressé au président de la Fecafoot, celle-ci a enjoint au Camerounais de convoquer une nouvelle Assemblée générale afin de reven au principe du mandat de quatre ans. Eto’o, contraint de céder, s’est exécuté sans discussion.
C’est loin d’être le seul épisode qui montre que les relations entre le Camerounais et l’Italo-Suisse sont complexes. Lorsqu’Infantino a ouvertement souhaité que la Coupe d’Afrique des nations (CAN) se déroule tous les quatre ans – contre deux ans actuellement –, l’ancien buteur et capitaine des Lions indomptables, qui n’était pas encore à la tête de la Fecafoot, avait répliqué, au micro de RFI : « C’est aux Africains d’évoquer cette question ». Et Eto’o avait, implicitement, marqué son opposition au projet d’Infantino de changer la formule actuelle. E
n décembre 2021, alors que le Cameroun s’apprêtait à accueillir la CAN, Gianni Infantino avait tenté d’obtenir un report de l’événement, officiellement en raison de la pandémie de Covid-19. Le patron de la Fifa, alors soutenu par soutenu par la puissante Association européenne des clubs (ECE), voulait surtout éviter que la CAN ne concurrence « sa » Coupe du monde des clubs, prévue aux Émirats arabes unis à des dates très proches.
Un moyen aussi, pensait l’Italo-Suisse, de faire plaisir aux clubs européens, dont certains menaçaient de ne pas « libérer » leurs internationaux africains. L’intense lobbying d’Eto’o avait finalement eu raison de cette tentative, et Infantino avait fini par jeter l’éponge. Mais pendant la compétition, les deux hommes avaient pris le plus grand soin à s’éviter au maximum.
Rencontre sous tension
Dans l’entourage de l’ex-attaquant camerounais, une autre date est dans toute les têtes : le 19 novembre 2021. Ce jour-là, Eto’o est à Kinshasa, où il assiste au match RDC-Bénin, qualificatif pour la CAN camerounaise, justement. Le Camerounais est alors en pleine campagne pour décrocher la présidence de la Fecafoot.
Après le match, dans les salons du Stade des Martyrs, une rencontre sous haute tension se tient Samuel Eto’o se retrouve face à Seidou Mbombo Njoya, président sortant de la fédération camerounaise et candidat à sa succession, en présence de Véron Mosengo-Omba, secrétaire général de la Confédération africaine de Football (CAF), très proche d’Infantino, mais aussi Mathias Gratsform, secrétaire général adjoint de la Fifa.
« L’idée était de pousser Samuel Eto’o à retirer sa candidature, au profit de Njoya, qui était alors très bien vu dans les hautes sphères, à la Fifa comme à la CAF. En contrepartie, ils lui ont proposé le poste de vice-président de la Fecafoot. Donc de se ranger derrière le président sortant, rapporte un des membres de l’équipe de campagne d’Eto’o. Il avait pris cela pour une provocation et avait évidemment refusé. Cela avait même un peu plus renforcé sa volonté d’accéder à la tête de la fédération. »
Quelques mois plus tard, Samuel Eto’o n’avait pas manqué, lors de la Coupe du monde 2022, d’égratigner à nouveau la Fifa et son président en se plaignant notamment du trop faible contingent africain ayant accédé à la phase finale (5 sélections). Le passage de 32 à 48 équipes e phase finale dès 2026, lors du Mondial qu’organiseront les États-Unis, le Mexique et le Canada, verra en effet le nombre des représentants d continent passer à neuf à dix. Une évolution qui semble satisfaire le patron du football camerounais.
Concurrent potentiel à la Fifa
Les deux hommes n’ont pas toujours eu des relations aussi dures. Elles étaient même plutôt bonnes pendant les premières années du mandat d’Infantino, élu en 2016. Les deux hommes savaient même, parfois, se retrouver autour d’une bonne table pour échanger sourires e amabilités. Ce fut notamment le cas en 2018, lorsqu’ils s’étaient rencontrés à l’occasion d’un diner de gala à Doha, au Qatar, autour d’Ahma Ahmad, élu un an et demi plus tôt à la tête de la CAF – avant d’en être évincé en 2021 sur fond d’accusations d’« abus de pouvoir ».
Un an plus tard, c’est lors des célébrations du 80e anniversaire du TP Mazembe qu’ils avaient échangé lors d’un autre dîner de gala. « Arrête de me parler de Samuel Eto’o comme d’une légende du football africain. Car c’est une légende mondiale », avait lancé Gianni Infantino à Moïse Katumbi. Attablé à quelques encablures, Eto’o n’avait pas boudé son plaisir.
Et dans la foulée, Infantino, alors candidat à sa propre succession – et seul en lice –, avait obtenu le soutien du Camerounais. « Ne vous fiez pas aux accolades et aux compliments. Il ne faut pas être dupe : ils ne s’aiment pas, assure une source proche des deux hommes. Infantino voit Eto’o comme un potentiel concurrent, car celui-ci des vues sur la CAF et sur la Fifa. »