Sanctionné par la FIFA dans le cadre de l'affaire l'opposant au technicien Belge Johan Buyle, Bamboutos FC de Mbouda fait tout ce qu'il peut désormais pour se blanchir. C'est ainsi que ses dirigeants ont saisi le tribunal arbitral du sport à travers une requête. Depuis lors, on assiste à une recrudescence de fake news ou d'informations fausses et tronquées. Où en est-on effectivement avec ce dossier ? Que peut espérer Bamboutos FC ? Les explications de Christian Mbongo, agent de joueur FIFA dont le parcours est jalonné de nombreux succès dans le domaine des affaires à la FIFA et au TAS.
En tant qu'un habitué des joutes juridiques à la FIFA et au TAS, quelle analyse faites-vous de l'affaire Bamboutos FC - Johan Buyle qui agite les milieux du football camerounais ?
Merci de me donner l’opportunité de me prononcer sur cette affaire qui agite le landernau footballistique camerounais depuis quelques mois. J’ai réellement prêté une écoute attentive à cette affaire, d’autant plus qu’elle rentre en droite ligne de nos compétentes et de nos acquis juridiques à la FIFA et au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) de Lausanne en Suisse. L’analyse que je fais de cette affaire est assez simple, au vu des éléments connus de ce dossier. Bamboutos FC est aujourd’hui victime d’un manque de rigueur administrative et juridique dans la gestion de ce dossier. Ce club a été mal défendu depuis le début de cette affaire, en 2016, lorsque son ancien entraineur Johan Buyle a porté l’affaire à l’arbitrage de la FIFA, et qui a donné lieu à la condamnation de Bamboutos FC en juin 2016 par une décision rendue par la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA. La décision prise par la Commission de Discipline de la FIFA le 12 avril 2018 et notifiée aux partie le 04 mai 2018, qui ordonne la rétrogradation de Bamboutos FC en Ligue 2 n’est que la résultante des balbutiements administratif et juridique que j’ai évoqué tantôt. Nous pouvons affirmer ici de manière péremptoire que si Bamboutos FC nous avait constitués dans cette affaire pour défendre ses intérêts, au vu de notre expertise en la matière, ce club aurait connu un sort beaucoup plus positif.
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Quelle peut être la durée de ce feuilleton si le recours de Bamboutos FC est recevable au TAS ?
Il faut dire qu’à la lecture des éléments connus de ce dossier, il en ressort que Bamboutos FC a saisi le TAS depuis le 25 mai 2018 par une requête en intention de faire appel en annulation de la décision de la Commission de Discipline de la FIFA qui consacre sa rétrogradation en Ligue 2, en même temps qu’il a introduit une demande pour suspendre les effets de la décision de la FIFA, afin de permettre à ce club de rester en Ligue 1, en attendant que le TAS tranche sur le fond. Et le 31 mai 2018, Bamboutos FC a effectivement envoyé son mémoire d’appel au TAS. Au regard de la correspondance du TAS, adressée aux parties, le 08 octobre 2018, qui n’est nullement une décision, mais un simple courrier administratif, il est, comme l’exige la procédure en pareille circonstance, demandé aux parties adverses dans ce dossier, notamment la FIFA et Johan Buyle, de produire leurs mémoires de réponse à la requête de Bamboutos FC, dans un délai maximum de 20 jours, soit jusqu’au 28 octobre 2018. De même, on note que Bamboutos FC ayant requis que ce litige soit soumis à l’arbitrage d’un arbitre unique, qui sera choisi en toute indépendance par la Présidente de la Chambre arbitrale d’appel du TAS, il a été demandé à la partie adverse de se prononcer également sur ce choix, dans un délai de 05 jours maximum, soit jusqu’au 13 octobre 2018. Il faut dire qu’au TAS un litige peut être soumis à l’arbitrage de 03 arbitres ou à celui d’un arbitre unique. On note également que Bamboutos FC ayant déposé une requête d’effet suspensif de la décision de la Commission de Discipline de la FIFA, le TAS a demandé à la FIFA de se prononcer sur cette demande dans un délai de 10 jours maximum, soit jusqu’au 18 octobre 2018.
Au regard de tout ce qui précède, il est évident que nous sommes encore ici au début de cette procédure. Le TAS fait encore ce qu’on appelle la collecte d’informations et des éléments de ce dossier, ainsi que l’écoute des plaidoiries et des arguments des parties.
Quand cette phase sera achevée, d’ici environ un mois ou deux, voire plus, ce litige sera soumis à l’arbitrage soit d’un arbitre unique, soit d’un collège de 03 arbitres. Ce ou ces derniers auront entre 30 jours à 60 jours pour rendre leur décision définitive. Selon le code de procédure du TAS, ce ou ces juges peuvent différer ce délai une seule fois.
En définitive, si la requête de Bamboutos FC était finalement validée par le TAS, la procédure pourrait durer encore au minimum trois mois (après la phase de collecte des éléments), pour connaitre l’issue définitive de ce dossier.
Pour ce qui est de la demande d’effet suspensif de la décision de la Commission de Discipline de la FIFA, souhaité par Bamboutos FC, l’avis de la FIFA est absolument prépondérant. Si la FIFA dit au TAS son souhait de voir sa décision être maintenue jusqu’au verdict final du TAS, je crains que Bamboutos FC n’ait pas également gain de cause sur ce point, et sera obligé d’évoluer en Ligue 2, en attendant ce verdict final du TAS.
Au vu des éléments versés dans la requête de Bamboutos FC, que peut-on espérer ?
A vrai dire, tout est possible. A l’issue de cette procédure, le TAS peut, soit infirmer, soit confirmer la décision de la Commission de Discipline de la FIFA. Je n’ai réellement pas connaissance des éléments de fond produits par Bamboutos FC au TAS, encore moins les arguments que ce club a soutenu pour faire prospérer sa requête à ce niveau.
Ce que je peux affirmer de manière péremptoire, au vu de mon expérience à ce niveau est que le TAS va se baser uniquement sur son Code de Procédure et sur les dispositions réglementaires de la FIFA en la matière, pour trancher, notamment le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs de la FIFA, qui définit, en son article 22b, la nature du litige entre Bamboutos FC et M. Johan Buyle (c’est un litige à caractère international) ; le Règlement de la Commission du Statut du Joueur et de la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA, qui établit le code de procédure en pareil cas ; et ensuite le Code Disciplinaire de la FIFA, qui définit les sanctions applicables à tout membre de la FIFA qui viole les dispositions réglementaires de la FIFA.
Donc, si le ou les arbitres du TAS estiment que la FIFA a violé ses propres règlements, et qu’elle ne méritait pas de sanctionner Bamboutos FC au vu des éléments produits par ce club, le TAS peut infirmer la décision de la FIFA et réhabiliter Bambutos FC dans son droit de rester en Ligue 1. Dans le cas contraire, le TAS va simplement confirmer la décision de la FIFA, et Bamboutos FC devra simplement l’assumer.
Autre chose que j’aimerais préciser, il faut que les éléments produits par Bamboutos FC soient réellement solides et crédibles et il faut que ce club n’ait pas pu avoir ces éléments avant la décision de la FIFA qu’il attaque au TAS.
En effet, si Bamboutos FC était susceptible d’avoir ces éléments produits au TAS en soutien de sa requête, avant la décision de la FIFA qui le condamne, ces éléments ne seront pas recevables devant le TAS, car il devait les faire prévaloir pendant la procédure à la FIFA, notamment pendant la procédure à la Chambre de Résolution des Litiges de la FIFA. C’est ce que prévoit l’article R57 du Code de l’arbitrage en matière de sport du TAS, qui dispose que : « La Formation (donc le collège d’arbitres) peut exclure des preuves présentées par les parties si ces dernières pouvaient en disposer ou si elles auraient raisonnablement pu les découvrir avant que la décision attaquée ne soit rendue ».
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Si Bamboutos FC obtient gain de cause, quelle serait l'incidence de la décision sur le championnat Camerounais ?
Si finalement Bamboutos FC réussi à avoir gain de cause à l’issue de cette procédure au TAS, la FIFA n’aura d’autre choix que de demander à la Fédération Camerounaise de Football de réintégrer obligatoirement ce club en Ligue 1, même si la saison est en cours. Le calendrier de ce championnat devra obligatoirement être réaménagé en conséquence.
En tant qu'expert en matière de juridictions sportives, quels conseils donnez-vous aux clubs camerounais dont la plupart s'expose à ce genre de situation ?
Je pense que les clubs camerounais gagneraient à respecter leurs engagements vis-à-vis de leurs employés, notamment les joueurs et les entraîneurs, qui ont la possibilité de les astreindre auprès des juridictions compétentes. Ils devraient mieux se professionnaliser et être sûr qu’ils ont les moyens de leurs ambitions. Malheureusement, au Cameroun, la pratique c’est de paupériser, en toute impunité, les joueurs et les entraîneurs, avec la complicité tacite des responsables fédéraux de notre football, car la quasi-totalité des clubs camerounais ne sont pas différents de Bamboutos FC. Tous, par leurs pratiques peu orthodoxes méritent amplement le même sort que Bamboutos FC. J’espère simplement que le cas de Bamboutos FC leur servira de leçon à l’avenir.
C'est le lieu de rappeler que votre agence CHRIM MANAGEMENT qui a déjà gagné plusieurs procès d'envergure à la FIFA et au TAS peut également représenter les clubs en cas de litiges. N'est-ce pas ?
Evidemment que l’Agence CHRIM MANAGEMENT, représente tant les joueurs que les clubs à la FIFA et au TAS. Nous représentons les clubs pour ce qui est de la réclamation de leurs indemnités de transfert, de formation, des indemnités liées au mécanisme de solidarité, de même en cas de litige contre un joueur ou un club, dans le maintien de la stabilité contractuelle. Nous avons d’ailleurs représenté l’Union Sportive de Douala en 2014 à la FIFA, dans un litige contre un club d’Arabie saoudite, en réclamation d’une indemnité de transfert, et nous avons eu gain de cause.