Menu

Thomas Nkono revient sur l'épopée glorieuse des Lions

Thomas Nkono Lions L'ex-international camerounais, Thomas Nkono

Thu, 7 Apr 2016 Source: journalducameroun.com

Thomas Nkono fait partie des plus grands gardiens africains de l'histoire.

Le Camerounais a défendu avec brio les cages des Lions Indomptables lors des Coupes du Monde de la FIFA 1982 et 1990, puis a assisté depuis le banc des remplaçants à l'élimination des siens au premier tour de l'édition 1994.

Ses performances à Espagne 1982, où il n'a concédé qu'un but en trois rencontres, lui ont ouvert les portes de l'Europe et l'Espanyol Barcelone, où il a fait l'essentiel de sa carrière et où il officie désormais en tant qu'entraîneur des gardiens.

C'est lors d'Italie 1990, où son équipe a réalisé un parcours historique jusqu'en quart de finale, que le double Ballon d'Or Africain est devenu un mythe, inspirant même à Gianluigi Buffon sa vocation.

Voici le second chapitre de l'entretien accordé à Fifa.com, consacré à ses souvenirs de l'épreuve reine.

Thomas, quelles étaient vos ambitions en arrivant en Espagne en 1982, pour la toute première participation du Cameroun à une Coupe du Monde?

Nous voulions montrer un autre visage par rapport aux équipes africaines qui nous avaient précédés, et nous y sommes parvenus. Notre équipe arrivait à une certaine maturité puisque nous jouions ensemble depuis dix ans. Nous arrivions avec une grande expérience.

On comprenait le jeu et nous voulions aller le plus loin possible. Quand Jean Vincent est arrivé au poste de sélectionneur, il a essayé de bien préparer l'équipe sur le plan tactique. Nous étions dominateurs en Afrique, nous allions toujours chercher des résultats mais nous n'étions pas très bien organisés. Il a fallu mettre de l'ordre pour répondre aux exigences de la Coupe du Monde.

Était-ce un regret de quitter la compétition au premier tour après avoir été invaincus en trois matches, dont le dernier face aux Italiens futurs champions du monde?

Nous avons surtout eu des regrets après le match contre la Pologne (0:0), parce que nous aurions pu marquer au moins deux ou trois buts. Si nous avions eu plus d'audace contre le Pérou, nous aurions également pu faire un meilleur résultat (0:0). Il nous a manqué de l’expérience pour oser tenter des choses à ce niveau-là et montrer pleinement nos qualités sur le plan offensif.

Cette expérience a changé votre vie puisqu'elle vous a permis de venir en Europe…

Oui, j'ai même été appelé pour participer au match opposant l'Europe au Reste du Monde à New-York au mois d'août. J'étais initialement en contact avec Santander mais ça n'a pas pu se faire à cause d'un problème de contrat.

J'ai eu ensuite trois autres propositions, une de l'Espanyol, une de Fluminense et une autre de Flamengo. J'ai dit à ma femme "nous partons pour la première offre", et grâce à Dieu, c'est celle de l'Espanyol qui est arrivée en premier. C'est de là que tout est parti pour moi.

Vous étiez un pionnier puisqu'aucun gardien africain n'avait réussi comme vous à l'époque. Avez-vous eu l'impression de faire évoluer les mentalités?

J'étais le premier gardien africain à jouer en Espagne, c'est vrai. Mais j'étais surtout un étranger qui devait faire ses preuve comme n'importe quel joueur, Européen ou autre. Ça n'était pas facile de se faire un place, il fallait être à un très haut niveau pour le faire. Mais grâce à mon rendement, j'ai convaincu tout le monde.

Comment avez-vous abordé la Coupe du Monde en 1990?

Nous arrivions avec à la fois des joueurs professionnels et amateurs. Ces derniers ont eu un temps de préparation beaucoup plus long. Nous autres sommes arrivés après, avec toute notre expérience à l'étranger accumulée depuis sept ou huit ans. Ça a fait un très bon mélange.

Vous avez fait une entrée fracassante dans le tournoi en battant l'Argentine 1:0. Votre sélectionneur de l'époque, Valeri Nepomnyashchy, confiait récemment à FIFA.com qu'ils avaient commis l'erreur de vous sous-estimer…

Je me souviens que le jour du match d'ouverture, nous ne pouvions pas nous échauffer sur le terrain mais dans la salle d'échauffement. Nous étions les premiers arrivés et les Argentins sont rentrés et se sont mis à nous bousculer et nous dire de déguerpir.

Ils ont commencé à chanter, mais nous nous sommes mis à chanter beaucoup plus fort qu'eux. Ils ont préféré quitter la salle, et je pense que ça a été la clé et que c'est là que nous avons pris l'ascendant mentalement.

Comment avez-vous vécu cette rencontre?

Le jour du match, je ne savais pas cinq heures avant que j'allais jouer. C'est Joseph-Antoine Bell qui devait être titularisé mais il a été écarté à cause d'une déclaration qu'il avait faite sur l'équipe, disant que nous n'avions pas fait une bonne préparation.

Heureusement, j'étais bien préparé malgré cette surprise. Juste avant la rencontre, je me suis préparé seul dans le vestiaire, comme un boxeur, et j'ai réussi le match presque parfait. Maradona, que j'avais déjà affronté en championnat d'Espagne, est venu me parler à la mi-temps parce qu'il était surpris que je sois aligné…

Lors de votre huitième de finale face à la Colombie, le gardien adverse René Higuita a commis une erreur dont a profité Roger Milla sur le but de la victoire. Qu'avez-vous éprouvé en voyant un confrère se faire punir ainsi?

Nous savions qu'il avait cette philosophie de jouer toujours avancé, qu'il jouait un peu en libéro et qu'il prenait parfois des risques. Il ne connaissait pas trop Roger, qui était très malin et qui a su en profiter.

Roger était très observateur et savait qu'il se retrouverait surement dans cette situation. Personnellement, j'étais dans ma compétition et seul le résultat m'importait, donc je n'ai pas eu le temps de consoler mon adversaire.

Nous étions tellement surpris d'être en quart de finale… Ce n'est qu'après que j'ai pris le temps d'y repenser et de compatir… C'est parfois difficile d'être le dernier rempart de son équipe. Je l'ai recroisé ensuite dans le championnat espagnol mais nous n'en avons pas reparlé parce que c'était un très mauvais souvenir pour lui.

Vous avez ensuite été éliminés par l'Angleterre en quart, 3:2 après prolongation alors que vous meniez 1:2 à sept minutes de la fin. Qu'est-ce qui vous a manqué pour l'emporter?

Nous avons manqué d'expérience. Nous avions quatre remplaçants sur le terrain à la place des titulaires habituels qui étaient suspendus. Qu'on le veuille ou non, ça joue dans une compétition. Nous avons cherché à marquer ce troisième but alors que nous avions la victoire en main.

C'est dans ce genre de moment que l'expérience est importante. Personnellement, je voulais temporiser et garder la balle un maximum pour gagner du temps, mais les Anglais l'ont bien compris et nous pressaient pour m'obliger à dégager.

Vous aviez déjà affronté Gary Lineker quand il était à au FC Barcelone entre 1986 et 1989. Cela a-t-il eu une incidence sur vos deux duels perdus avec lui sur penalty?

Sur le premier, je savais de quel côté Lineker allait tirer, qu'il allait ouvrir son pied et tirer sur ma gauche. Mais au dernier moment, je me suis dit qu'il savait que je savais et qu'il allait changer. Du coup, je suis parti du mauvais côté. Sur le deuxième, je suis parti sur ma gauche et il a tiré au milieu…

Les Lions Indomptables restent sur une débâcle à Brésil 2014. Comment retrouver le niveau qui était celui de votre équipe à l'époque?

Le Cameroun est en reconstruction. Il faut que tout le monde aide à avoir cette tranquillité nécessaire dans ce genre de période. Ce n'est pas facile pour une nation qui avait l'habitude de dominer, parce que tout le monde attend des bons résultats tout de suite.

Ça rend le travail de l'entraîneur très difficile. D'après ce qu'on m'a dit, il y a eu des problèmes disciplinaires au Brésil. Comme on dit : la discipline, c'est la force des armées. Il faut remettre ça en place pour que l'on se respecte les uns les autres.

Source: journalducameroun.com