Le 20 mai 2008, l’ancien footballeur au gabarit impressionnant, et doté d’une frappe surpuissante, a été conduit à l’hôpital Central de Yaoundé suite à un accident vasculaire cérébral. « Jean Marie est sous sonde, il ne mange pas et ne parle pas », s’indignait Danielle Yvette Tchuenkam, son épouse en larmes.
Dans un premier temps, des aides lui ont été apportées par Théophile Abéga, ancien capitaine des Lions indomptables, Jean René Atangana Mballa, ci-devant vice-président de la Fédération camerounaise de football, sans oublier certains anciens coéquipiers d’Aigle de Nkongsamba ou de Canon de Yaoundé. Par la suite, pour payer les frais d’hospitalisation, sa famille a déboursé environ une trentaine de millions, vendu ses voitures, ses meubles et plusieurs hectares de terrain.
Le 5 février 2005, Jean Marie Tsébo avait déjà passé 11 jours de coma à l’hôpital de la Caisse nationale de Prévoyance sociale (CNPS) à Yaoundé. « Face à cette récidive d’accident ischémique large sur cardiopathie hypertensive dilaté avec persistance d’un déficit neurologique », explique le rapport médical du Pr Pierre Ndobo, « il est important qu’il soit évacué dans un hôpital mieux équipé pour une meilleure prise en charge ». D’où son transfèrement en France. Mais, il était trop tard. Jean Marie Tsébo n'était plus que l'ombre de lui-même. Une fois arrivé à Villeurbanne, il résidera dans une « maison thérapeutique » pour sans logis.
Il avait pratiquement perdu l'usage de la parole. Et traînait péniblement sa carcasse dans les jardins de la villa d'Hestia. « Avant d'être accueillis là, nous avons dû dormir en gare de Perrache, avec les clochards », expliquait dans les colonnes du journal français Le Dauphiné libéré, Danielle Yvette Tchuenkam, son épouse et unique soutien. En effet, « nous avions déjà vendu ses rares biens pour payer les honoraires médicaux, et mon mari ne touche aucune retraite. Personne ne l'a aidé pour sa reconversion. Il a voulu construire un complexe sportif sans jamais pouvoir terminer les travaux... ».
Elle dit avoir « tiré les sonnettes » partout, de la Fédération camerounaise de football aux instances gouvernementales. « Cela a duré des mois, nul ne daignait me recevoir. Tiens, c'est comme si la France laissait tomber Platini ! » Il faudra une intervention de la belle-mère du président de la République - vague relation de sa famille - pour débloquer enfin la situation. « C'est triste, mais, chez nous, ça se passe toujours comme ça ».
En décembre 2008, enfin, l'État camerounais retrouve la mémoire. Il accepte de régler le voyage pour Paris, et la note de l'hôpital Ambroise Paré. Tsébo y restera quatre mois, subissant une délicate opération au cerveau.
Il en sort diminué, mais vivant. Le couple débarque à Lyon, hébergé par une proche parente. Laquelle, faute de place et de moyens, lui refuse bientôt son toit. Commence une sombre galère, la plongée dans l'univers des SDF : « Touchés par notre histoire, des gens nous ont quand même tendu la main. Tel ce kiné qui, la nuit, nous prêtait sa salle d’attente ».
Ce qu'en pense Jean-Marie Tsébo, on ne le saura jamais. Coupé des réalités du monde, « l’homme de Khartoum » né le 31 décembre 1945 décède le 22 janvier 2017. Il sera inhumé un mois plus tard dans la localité d’Akum, Région du Nord-Ouest. Rien qu'en fermant les yeux, il le revoit, ce but. Un coup franc des quarante mètres, marqué le 6 février 1970 contre la Côte d'Ivoire. « Et le cuir fracasse les ficelles ! » a hurlé le speaker de radio Yaoundé. Un véritable boulet de canon sur coup-franc. Pour une victoire (3-2) sur la Côte d’Ivoire de Laurent Pokou. Voilà comment Jean-Marie Tsébo, devenu « l’homme de Khartoum », accéda au statut de héros populaire.