Les autorités ivoiriennes ont annoncé la dissolution de toutes les associations syndicales estudiantines, dont la puissante Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci). Cette décision fait suite à une série de violences meurtrières sur les campus, mettant fin à plus de trois décennies d'une histoire mouvementée et souvent brutale.
Le 17 octobre 2024, le Conseil national de sécurité (CNS) de Côte d'Ivoire a pris une décision radicale : la dissolution de toutes les associations syndicales estudiantines du pays. Cette mesure, qui touche particulièrement la Fesci, le plus grand syndicat étudiant ivoirien, intervient deux semaines après leur suspension à titre conservatoire.
À l'origine de cette décision, deux meurtres d'étudiants membres de la Fesci, perpétrés par d'autres membres de l'organisation. Le premier, Mars Aubin Deagoué, surnommé "Général Sorcier", a été tué dans la nuit du 29 au 30 septembre. Le second, Diomandé Khalifa, est décédé le 29 août après un passage à tabac. Ces actes ont été qualifiés d'"inacceptables" par le président Alassane Ouattara.
Suite à ces événements, les autorités ont mené des opérations de grande envergure dans les campus universitaires. Pas moins de 5 000 individus ont été délogés des cités universitaires d'Abidjan, Bouaké et Daloa, où ils occupaient illégalement des logements. Ces interventions ont révélé l'ampleur des dérives au sein des universités : saisie d'armes blanches, destruction de commerces illégaux, de fumoirs, d'une maison close et même d'un "tunnel de torture".
La Fesci, fondée en avril 1990, a longtemps été un acteur majeur de la vie politique ivoirienne. D'abord opposée aux régimes d'Houphouët-Boigny et d'Henri Konan Bédié, elle s'est ensuite rangée derrière Laurent Gbagbo pendant les années de crise. Le syndicat a été un véritable tremplin pour de nombreuses personnalités politiques actuelles, dont Guillaume Soro, ancien président de l'Assemblée nationale, aujourd'hui en exil.
Ce n'est pas la première fois que la Fesci est dissoute. Une mesure similaire avait été prise en juin 1991 par Alassane Ouattara, alors Premier ministre. Le syndicat avait été réhabilité en 1997 par Henri Konan Bédié, après des années de clandestinité. Cette nouvelle dissolution semble cependant plus définitive, avec la démolition des quartiers généraux et des sièges de l'organisation à Abidjan, Daloa et Bouaké.
Face à cette situation, le ministre de l'Enseignement Supérieur, Adama Diawara, a annoncé plusieurs mesures visant à améliorer les conditions de vie et d'étude sur les campus. Parmi elles, la réfection par étapes des anciennes universités, grandes écoles publiques et cités universitaires, ainsi que la réattribution des chambres universitaires.
La dissolution de la Fesci marque la fin d'une ère pour le syndicalisme étudiant en Côte d'Ivoire. Si cette décision vise à ramener le calme sur les campus et à permettre aux étudiants d'étudier dans de meilleures conditions, elle soulève également des questions sur l'avenir de la représentation estudiantine dans le pays. Le défi pour les autorités sera maintenant de trouver un équilibre entre le maintien de l'ordre et la préservation du droit des étudiants à s'organiser et à exprimer leurs revendications de manière pacifique.