Depuis son coup d’État perpétré contre Mohamed Bazoum en juillet 2023, Abdourahamane Tiani, président nigérien de la transition, a pris soin de donner une couleur panafricaniste et souverainiste à l’exercice de son pouvoir. Autour de lui, les activistes se pressent pour le maintenir sur cette voie, qui est aussi celle d’une rupture avec la France.
Certains le qualifient de sincère, tandis que d'autres le voient comme un opportuniste. Les uns louent son souverainisme et son panafricanisme, tandis que les autres n’y voient qu’une technique de communication et un moyen de se maintenir au pouvoir sans organiser d’élections. Le débat qui agite le Niger est similaire à celui qui se pose au Mali, au Burkina Faso et, dans une moindre mesure, en Guinée.
« Niamey est en passe de devenir la plaque tournante du panafricanisme, » assure un soutien d'Abdourahamane Tiani à Jeune Afrique. « Abdourahamane Tiani est allé plus vite sur ce terrain que les deux autres [Assimi Goïta et Ibrahim Traoré]. Il a été plus audacieux et il est sincère dans sa volonté d’aller vers la souveraineté africaine, » poursuit cette source, citant la mobilisation populaire organisée contre la présence française et le retrait des permis miniers du français Orano (ex-Areva).
Le président nigérien s’est entouré de personnalités issues des milieux souverainistes, volontiers hostiles à la présence française en Afrique, comme Kemi Seba et Nathalie Yamb, qui font figure de têtes d’affiche. Mais le socle est bien plus large.
Parmi les soutiens les plus actifs de la junte figure Abdourahamane Oumarou, président de l’Union des patriotes panafricanistes (UNPP Incin Africa). Ce fils de diplomate a été candidat à la présidentielle de 2020 au nom de son propre parti. Très actif à l’international, il a été observateur des élections en Russie en 2018 et au Venezuela en 2024.
Autour d’Abdourahamane Tiani, plusieurs officiers ayant pris part au coup d’État du 26 juillet 2023 ont multiplié les prises de parole contre la présence française en Afrique. Le plus virulent a sans doute été le colonel Ibro Amadou Bacharou, ex-numéro deux de la Garde présidentielle et chef d’état-major particulier du chef de l’État. À 60 ans, cet ancien étudiant en sociologie de l’université de Niamey s’est encore illustré en prononçant un discours de mobilisation des étudiants en juin lors du lancement de la campagne « seul le Niger compte ».
Face à lui, lors de cet événement, se tenait l’autre grand mobilisateur de la société civile souverainiste, le colonel Amadou Abdramane, ministre de la Jeunesse et des Sports et porte-parole du CNSP. Au sein de la junte, celui-ci est chargé de coordonner – et potentiellement de financer – la mobilisation de la société civile et des mouvements de jeunesse.
Outre le mouvement M62, dont le dirigeant Abdoulaye Seydou a été libéré après une courte période de détention, plusieurs organisations souverainistes se sont donné pour mission de soutenir le CNSP, comme la Synergie des forces pour la souveraineté de Ousseini Tahirou, la Synergie des organisations de la société civile de Mohamed El Kebir ou encore Tous pour la République de Nassirou Bodo.
Ces derniers travaillent en relation avec des entités plus directement liées au CNSP, comme le Réseau des femmes engagées pour la sauvegarde de la patrie, coordonné par Mariatou Abdou, le Comité de soutien au CNSP de Boubacar Kimba Kollo ou encore le Fonds de solidarité pour la sauvegarde de la patrie, que dirige Réki Moussa Hassane Djermakoye. Le fils de cette dernière n’est autre qu’Abdoulaye Anawar, directeur du groupe Wangari, lui aussi habitué des discours souverainistes.
Si Abdourahamane Tiani est parvenu à surfer sur la vague souverainiste alimentée par les militants nigériens, c’est parce que les discours de ces derniers ont été relayés par des têtes d’affiche connues à l’international, au premier rang desquelles Kemi Seba. Alors que le militant d’origine béninoise s’est vu retirer sa nationalité française, le chef de l’État nigérien lui a opportunément tendu la main.
Le président d’Urgences panafricanistes (UP) dispose désormais d’un passeport diplomatique nigérien et d’un poste de conseiller d’Abdourahamane Tiani. S’il ne réside pas au Niger, il reste en contact régulier avec Abdourahamane Oumarou, qui se trouve aussi être le représentant d’UP à Niamey. Le 21 mai, c’est en compagnie de ce dernier qu’Abdourahamane Tiani l’a d’ailleurs reçu en audience.
Outre les stars autoproclamées du mouvement panafricaniste, Abdourahamane Tiani bénéficie également de relais à l’international, tels que l’ancien ministre ivoirien Ahoua Don Mello, fidèle de l’ancien président Laurent Gbagbo. Celui-ci a été reçu par le président du CNPS en août à Niamey, en sa qualité de représentant de l’Afrique centrale et occidentale auprès des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et de vice-président de l’Alliance internationale des Brics.
Proche de la diplomatie russe, il s’est donné pour mission de favoriser les politiques et les alliances en faveur de la souveraineté africaine et luttant contre toute forme de néocolonialisme. Il s’est d’ailleurs entretenu au mois d’août avec un autre putschiste ouest-africain, Ibrahim Traoré, ainsi qu’avec un autre président en délicatesse avec la France, le Tchadien Mahamat Idriss Déby Itno.
Abdourahamane Tiani, entouré de panafricanistes influents, continue de naviguer sur la vague souverainiste. Alors que le Niger fait face à de nombreux défis, la question de la stabilité politique et de la confiance dans les institutions reste cruciale. Les citoyens et les observateurs attendent avec impatience des signes de changement et de réforme pour assurer un avenir plus stable et prospère pour le pays.