Les deux principaux dirigeants de l'opposition nigériane ont rejoint un nouveau parti politique pour défier le président Bola Tinubu et son parti au pouvoir lors des prochaines élections.
Atiku Abubakar et Peter Obi ont choisi le Congrès démocratique africain (ADC) comme nouveau foyer politique après avoir rompu avec leurs partis respectifs - le Parti démocratique populaire (PDP) et le Parti travailliste (LP).
Il s'agit de l'un des plus grands bouleversements dans la politique nigériane depuis la fin du régime militaire en 1999.
Certains poids lourds politiques du parti All Progressives Congress (APC) de Tinubu ont également apporté leur soutien à la formation.
Pourquoi ont-ils uni leurs forces ?
Cette annonce est l'aboutissement d'une série de discussions entre les dirigeants pour présenter un front uni lors des élections de 2027, plutôt que de diviser leur vote.
Tinubu a remporté les élections de 2023 avec seulement 37 % des voix après que les partisans de l'opposition se soient divisés entre Abubakar, qui a obtenu 29 %, et Obi, qui a obtenu 25 %.
Obi s'est séparé du PDP après que le parti a choisi Abubakar comme candidat à la présidence.
Lors de leur présentation avec l'ADC, le président par intérim David Mark a déclaré qu'il s'agissait d'une tentative de sauver la démocratie du pays et d'empêcher le Nigeria de devenir un État à parti unique.
Le PDP et le LP sont également confrontés à des crises internes qui, selon certains, ont été provoquées par des forces extérieures.
L'analyste Shehu Iliyasu a déclaré qu'Abubakar et Obi tiraient les leçons des dernières élections.
« Atiku [Abubakar] et Obi ont tous deux estimé qu'ils étaient très proches en 2023 et qu'ils auraient peut-être gagné avec un ticket commun, alors ils veulent réparer leur erreur en travaillant ensemble cette fois-ci », a-t-il déclaré à la BBC.
Qui d'autre fait partie de l'ADC ?
Les principaux adversaires de Tinubu lors des dernières élections, Atiku Abubakar et Peter Obi, sont le visage de la coalition.
Bien qu'il reste encore un long chemin à parcourir avant que les candidats ne soient officiellement annoncés, les commentateurs politiques prédisent qu'Abubakar, 78 ans, aura une autre chance de briguer la présidence - ce serait sa cinquième tentative - avec l'ancien gouverneur d'Anambra Obi, 63 ans, comme vice-président.
Parmi les autres poids lourds politiques de la coalition figurent l'ancien président du Sénat David Mark, qui, comme Atiku, quitte le PDP, ainsi que son ancien président Uche Secondus, et l'ancien allié de Tinubu devenu ennemi Nasir El-Rufai et le puissant ministre du dernier régime Rotimi Amaechi.
L'ADC est-il un nouveau parti ?
Non. Les politiciens rejoignent un parti déjà existant dont l'acronyme est plus proche de l'Alliance démocratique (ADA) qu'ils souhaitaient enregistrer.
Le parti s'appelait à l'origine Alliance pour le changement démocratique lors de sa création en 2005, mais il a été rebaptisé Congrès démocratique africain au moment où le parti a été enregistré auprès de la Commission électorale nationale indépendante du Nigéria (Inec).
Jamilu Danladi de l'ADC a déclaré qu'ils étaient sceptiques quant à la préparation de l'ADA à temps et c'est pourquoi ils ont plutôt opté pour l'ADC.
L'enregistrement d'un nouveau parti politique est un processus complexe. Le président de l'INEC a récemment annoncé avoir reçu plus de 100 demandes d'associations et de groupes ayant soumis des lettres d'intention pour devenir partis politiques.
Beaucoup d'entre eux n'y parviendront pas, car, outre d'autres conditions, le groupe doit être présent dans au moins 24 des 36 États du Nigeria et avoir un siège à Abuja.
Dumebi Kachikwu, du parti ADC, est arrivé cinquième lors de la dernière élection présidentielle et compte actuellement deux députés à la chambre basse.
Bien qu'il ne soit pas l'un des grands partis du Nigeria, l'ADC bénéficie d'une bonne diffusion nationale et d'un appareil politique actif dans chaque État, qui sera sans aucun doute renforcé par l'argent et le soutien des poids lourds politiques qui l'ont rejoint.
Son premier candidat à la présidentielle en 2007, le professeur Pat Utomi, a joué un rôle déterminant dans son acceptation nationale car il est un économiste renommé.
Obi et Abubakar pourront-ils à nouveau travailler ensemble ?
C'est la question que beaucoup de gens se posent, car la large base de soutien d'Obi ne veut pas le voir jouer les seconds rôles par rapport à qui que ce soit d'autre - et c'est pourquoi il a quitté le PDP pour rejoindre le Parti travailliste lors des dernières élections.
Bien que les partisans d'Abubakar pensent qu'il est le seul ancien vice-président à briguer la présidence, tous les autres hommes politiques passent naturellement au second plan.
Lorsque les deux hommes politiques ont travaillé ensemble en 2019, Obi étant le colistier d'Abubakar, ils ont perdu contre Muhammadu Buhari de l'APC.
Lorsque Obi a quitté le PDP pour le LP en 2022, ce fut une séparation pacifique et sans rancune.
L'ancien gouverneur a déclaré à l'époque qu'il avait rejoint LP parce que cela correspondait à ses aspirations.
Comme si tous deux savaient que le destin les réunirait, aucun des deux n'a parlé en mal de l'autre, ni avant ni pendant la campagne de 2023.
Il sera intéressant de voir comment les choses évoluent d'ici 2027.
Quelles sont leurs chances en 2027 ?
L'analyste Ben Kenneth estime que la coalition a de meilleures chances de vaincre Tinubu que la dernière fois.
« Si vous regardez ce qu'Atiku et Obi ont obtenu lors des dernières élections, il est clair qu'ils auraient gagné en supposant qu'ils aient travaillé ensemble, c'est donc une bonne chose qu'ils aient réalisé qu'ils avaient besoin l'un de l'autre », a-t-il déclaré à la BBC.
Cependant, un autre analyste, Sani Hamisu, estime que Tinubu, 73 ans, a de meilleures chances maintenant qu'en 2023.
« Au Nigeria et en Afrique, lorsqu'un dirigeant est en poste pour briguer un second mandat, il perd rarement, c'est très rare et c'est pourquoi je pense que Tinubu a de meilleures chances maintenant que lorsqu'il n'était pas en poste en 2019 », a-t-il déclaré.
Tinubu va-t-il se présenter à nouveau ?
Le parti au pouvoir, l'APC, a déjà soutenu le président actuel, dont le mandat expire le 29 mai 2027, pour briguer un second mandat.
Cependant, des questions sur sa santé subsisteront car il aura 75 ans lors des prochaines élections et 79 ans s'il est élu et termine son deuxième mandat.
Certains médias rapportent que ses récents voyages à l'étranger étaient pour des raisons médicales, mais la présidence a nié cette affirmation, affirmant que le président était en bonne santé et en bonne forme.
L'APC affirme ne pas être gêné par l'adhésion de ses rivaux à l'ADC, qu'il ne considère pas comme une menace réelle.
Le président par intérim, Ali Bukar Dalori, a déclaré à BBC Hausa que la coalition n'aurait aucun impact sur l'APC.
« Personne ne parle de coalition, sauf à Abuja. Même à Abuja, ils sont dans un hôtel, et s'ils sont battus aux élections, ils quitteront le pays », a-t-il déclaré.
Qu'est-ce que cela signifie pour le PDP et le Parti travailliste ?
Le plus grand parti d'opposition du pays, le PDP, avait exclu de rejoindre l'ADC, préférant affronter seul l'APC.
Le Parti travailliste a également appelé ses partisans à rester concentrés et résolus derrière le parti, niant tout projet de rejoindre une coalition.
Pour le LP, perdre Peter Obi, qui à lui seul a élevé son image vers de nouveaux sommets, sera un coup dur, et certains disent qu'il est peu probable qu'il se rétablisse dans un avenir proche.
L'autre grand perdant de la coalition est le PDP, qui a perdu plusieurs grands noms.
L'analyste Iliyasu Hadi estime que le PDP est sur le point de perdre son statut de plus grand parti d'opposition du pays au profit de l'ADC.
« Quand on regarde le calibre des politiciens de l'ADC et ceux qui restent au PDP, il est clair que l'ADC deviendra bientôt le principal parti d'opposition du Nigeria, [ce n'est] qu'une question de temps », a-t-il déclaré.
Pour le moment, aucun des deux partis ne semble avoir d'autre candidat du calibre d'Abubakar ou d'Obi.
Cependant, ils contrôlent 11 États, ce qui leur donne une base solide, tant que ces gouverneurs ne font pas défection vers l'APC ou l'ADC.
Atiku Abubakar et Peter Obi ont choisi le Congrès démocratique africain
