L'État belge a été condamné lundi à verser des réparations à cinq femmes métisses qui ont été éloignées de force de leur famille.
Elles avaient été placées dans un orphelinat il y a 70 ans selon une pratique qui, selon les juges belges, constituait un "crime contre l'humanité".
L’ancien pouvoir colonial au Congo (l'actuelle RDC) a été reconnu coupable d'enlèvement à leurs mères et le placement forcé de cinq fillettes métisses avant l'indépendance de 1960.
La Cour d'Appel a également relevé que les cinq femmes avaient été "enlevées à leur mère respective, sans l'accord de celle-ci, avant l'âge de sept ans, par l'Etat belge. Ceci en exécution d'un plan de recherche et "d'enlèvement systématique" ciblant les enfants métis "uniquement en raison de leurs origines".
"Leur enlèvement est un acte inhumain et de persécution constitutif d'un crime contre l'humanité en vertu des principes de droit international reconnus par le Statut du Tribunal de Nuremberg, intégrés dans le droit international", est-il souligné. L'arrêt cite, en plus, une résolution de l'ONU confirmant ces principes de droit adoptée en décembre 1946.
Elle se souvient encore de ce "traumatisme" qu’elle décrit comme étant "quelque chose qu'on n'oublie pas".
Pour le politologue congolais, Christian Moléka, cette "victoire" n’est pas seulement congolaise.
Elle l’est également pour l'État belge "puisqu'au-delà de la justice, c'est un travail de mémoire et de la reconnaissance de la responsabilité de l'État belge dans sa politique raciale qui a été mise en place durant la période coloniale".
Selon lui, cette décision de la justice belge servira de jurisprudence pour l'avenir et "fermer si possible cette page coloniale avec toutes ses blessures".
Christian Moléka souhaite que ce "travail de mémoire" soit également fait du côté congolais.
A l'âge de deux, trois ou quatre ans, elles ont été retirées de force à leurs familles maternelles pour être placées dans des institutions généralement gérées par l'Eglise catholique. Elles disent y avoir été victimes de mauvais traitements.
Monique Bitu Bingi raconte comment sa vie a changé lorsqu’elle a été placée dans un orphelinat.
"Lorsque j’étais chez ma mère, je mangeais très bien, j'étais gâtée, j'avais toute la famille qui faisait attention à moi. Mais quand je suis arrivée là-bas (l’orphelinat), je n'avais plus tout ça. J'étais abandonnée à moi-même.", précise-t-elle avec beaucoup de mélancolie.
Selon leur défense, la pratique du placement forcé relevait de "la politique de ségrégation raciale et de rapts instaurée par l'Etat colonial" belge. Elle a privé ces enfants de leur identité.
En 2019, le gouvernement belge avait reconnu la "ségrégation ciblée" subie par ces métis des ex-colonies, et déploré des "pertes d'identité" avec la séparation des fratries, y compris au moment des rapatriements en Belgique après l'indépendance du Congo.
Pour les plaignantes ces excuses n'étaient pas suffisantes et devaient être suivies d'indemnisations. Dans leur requête, elles déploraient que "la loi de réparation tant attendue par les victimes n'ait jamais vu le jour".
L'Etat belge a été le pouvoir colonial au Congo pendant un demi-siècle (1908-1960), après une première période d'occupation (1885-1908) durant laquelle le roi Léopold II avait fait de cet immense pays d'Afrique centrale sa propriété personnelle.
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