Mahamat Idriss Deby, élu en mai dernier, après avoir assuré une transition militaire suite au décès de son père, se trouve aux abords du lac Tchad depuis le 28 octobre.
Il a lancé, apprend-on du ministre de la Justice et premier ministre par intérim, Abderahil Birème Hamid, une opération militaire de riposte, dénommée Opération Haskanite. C’est ce que le Premier ministre a annoncé, au cours d’une communication spéciale à la primature, à laquelle plusieurs hauts commis de l’État ont été conviés.
« Cette opération militaire de grande envergure est une réponse juste et légitime à la forfaiture ignoble des forces du mal qui ont eu l’audace d’attaquer les positions de nos soldats en mission sacrée, celle de veiller sur la sécurité des populations et à la préservation de la paix », a déclaré monsieur Hamid dans sa communication.
Le 27 octobre, une attaque du groupe islamiste Boko Haram contre un camp de l’armée tchadienne a coûté la vie à « une quarantaine » de militaires et en a blessé 37 autres.
Dans sa déclaration, le ministre de la Justice a expliqué que le pronostic vital des blessés n’est pas engagé, et présenté des condoléances du gouvernement aux familles des disparus.
Mais la colère de Boma est mise en place en mars 2020, par le président Idriss Deby, père de l’actuel président, au lendemain d’une attaque de Boko Haram dans les îles du Lac Tchad.
Idriss Deby Itno, lui-même général d’armée, a quitté son palais et installé sa base auprès de ses soldats, et dirigé la mission, « en représailles » à cette attaque.
L’opération a permis de « détruire cinq bases du groupe terroriste Boko Haram au Niger et au Nigéria » Selon le bilan établi à l’époque, une semaine après le début des opérations.
Selon le même bilan, un millier de jihadistes ont été neutralisés par l’armée nationale tchadienne », et 58 soldats tchadiens ont perdu la vie.
Mais les autorités se sont dites satisfaites de l’opération, et passé le témoin à la Force Mixte Multinationale.
Et selon le rapport à mi-parcours du commandant des opérations, le général nigérian Ibrahim Sallau Ali, « l’opération a permis de « neutraliser » au moins 140 insurgés, d’arrêter 57 personnes impliquées dans des activités extrémistes violentes et d’obtenir la reddition de 176 combattants de Boko Haram et de leurs complices ».
Dans une récente analyse, Hoinaty Remadji, et Célestin Delanga, deux chercheurs de l’Institut d’Etudes Sécuritaires, un think-tank spécialisé dans la géopolitique en Afrique centrale et de l’ouest ont expliqué que lors des offensives des militaires de l’opération Lake Sanity, les djihadistes se sont éparpillés dans la région, et ont commencé à attaquer des civils.
Pour eux, « les forces combinées des pays du bassin du lac Tchad devraient entreprendre des opérations régulières afin d’empêcher Boko Haram d’y déployer de nouveau ses combattants ».
Ils pensent notamment que cette stratégie permettrait de préserver la stabilité conquise dans certaines localités et d’éviter la pression exercée par de nouvelles vagues de personnes déplacées de force.
Les chercheurs de l’ISS ajoutent qu’il faut renforcer la collaboration avec les communautés locales dans ces zones.
Cela « permettra de recueillir des renseignements et de créer un front uni contre les insurgés », analyse-t-il.
Pendant deux années (2021 et 2022), l’on a observé une accalmie sur les attaques de ce groupe, notamment après le décès du deuxième chef charismatique du groupe, Abubakar Shekau.
Mais en mars dernier, le groupe de recherche International Crisis Group, expliquait que l’accalmie était due au fait que les deux factions nées du décès du leader du groupe se livraient une guerre, à cause d’un désaccord sur le système de gouvernance et de traitement des civils.
International Crisis Group estimait qu’au « cours des deux dernières années, JAS et l’EIAO se sont sans doute infligés plus de dégâts que les États du lac Tchad ne leur en ont infligés ».
Prévenant que malgré cette querelle intestine, les deux factions restaient une menace réelle dans la région et qu’il y avait de fortes possibilités qu’elles trouvent un terrain d’entente.
Pour le moment, il est difficile de savoir si les deux groupes se sont remis ensemble, ce qui expliquerait peut-être cette résurgence des attaques, aussi bien au Nigeria qu’au Tchad.