Le décès de Mamadou Moustapha Ba, ancien ministre sénégalais de l'Economie, des Finances et du Budget, soulève de nombreuses interrogations qui ont conduit le procureur général du tribunal de grande instance de Dakar à ouvrir une enquête pour en déterminer les causes.
Cette décision du Parquet fait suite à des informations reçues par les autorités sénégalaises contenant des éléments qui nécessitent un examen plus approfondi afin d'éclaircir les circonstances de son décès, survenu récemment en France.
Le décès brutal ainsi que les péripéties autour du rapatriement du corps et l'enquête des autorités ont suscité un intérêt de l'opinion et des questions sur les circonstances de la mort du tout dernier ministre de l'Economie et des Finances de Macky Sall.
Mamadou Moustapha Ba était une personnalité éminente de l'administration sénégalaise.
Son décès inattendu a déclenché une vague de tristesse dans le paysage politique, parmi ses anciens collègues et chez le grand public, en attestent la pluie d'hommages qui ont inondé les réseaux sociaux à l'annonce de sa mort.
La décision de procéder à une autopsie souligne également la volonté des autorités sénégalaises de faire la lumière sur les circonstances de son décès.
Dans le premier communiqué publié samedi 9 novembre, le parquet avait annoncé l’ouverture d’une enquête pour élucider les circonstances du décès de l'ancien ministre survenu la semaine dernière en France.
«Le Procureur de la République près le Tribunal de grand instance hors classe de Dakar a été informé du décès survenu en France de Monsieur Mamadou Moustapha Ba, ancien ministre des Finances et du Budget. Les renseignements reçus sur les circonstances du décès comportent des éléments qui justifient que les diligences soient menées en vue de déterminer les causes de la mort. Conformément aux dispositifs de l’article 66 du Code de procédure pénale, une enquête pour rechercher les causes de la mort a été ouverte et, à cet effet, une autopsie a été ordonnée», peut-on lire dans ce texte signé par le procureur de la République de Dakar, Ousmane Ndoye.
L’ancien ministre a récemment été accusé par le Premier ministre Ousmane Sonko de manipulation présumée des données économiques du Sénégal.
« Le régime de Macky Sall a menti au peuple, a menti aux partenaires, a tripatouillé les chiffres pour donner une image économique, financière, qui n’a rien à voir avec la réalité. Les responsabilités devront être situées », avait-t-il dit notamment lors d'une conférence de presse.
Les anciens ministres des finances Abdoulaye Daouda Diallo et Mamadou Moustapha Ba, l’ancien premier ministre Amadou Ba et l’ancien président Macky Sall, « qui ne pouvait ignorer ces pratiques, devront expliquer aux Sénégalais pourquoi et comment ils ont pu plonger le pays dans cette situation », avait il ajouté.
Dans une longue lettre sous forme de bilan et de programme de campagne publiée dans tous les médias et sur les réseaux sociaux , Macky Sall affirme avoir laissé un pays en bon état de marche, avec « un taux de croissance positif ».
"Le reniement, le populisme, les contre-vérités, la parole stérile et la manipulation tiennent lieu de mode de gouvernance " a-t-il ajouté, s'adressant aux nouvelles autorités.
Le gouvernement actuel a dit avoir trouvé des comptes publics dans un état "catastrophique" en commanditant un audit.
Macky Sall parle d'affirmations "calomnieuses" qui ont poussé deux agences d'évaluation à revoir défavorablement la note souveraine ou la perspective du Sénégal.
Dans une note publique, le Fonds monétaire international (FMI) a reconnu au terme d’une mission qu’une de ses équipes a effectuée au Sénégal du 09 au 16 octobre, que : « Les conclusions préliminaires indiquent des révisions substantielles des données d’exécution budgétaire pour la période 2019-2023. Ces révisions sont principalement attribuables à des investissements financés par des emprunts extérieurs et des prêts contractés auprès des banques locales. En conséquence, le déficit budgétaire et la dette publique pour cette période sont désormais estimés significativement plus élevés que les chiffres précédemment rapportés dans les lois de finances et de règlement» a indiqué le chef de la mission du FMI Edward Gemayel.
Mamadou Moustapha Ba a succombé à une maladie qui l’aurait laissé dans le coma pendant plusieurs jours, selon la presse locale.
Les zones d'ombre liées à sa mort soudaine ont donné lieu à un début de polémiques au sein de sa famille biologique, notamment sur le lieu de son inhumation.
Certains membres de sa famille ont d'ailleurs demandé l’ouverture d’une enquête, qualifiant sa mort de « mystérieuse ».
Les résultats de l’autopsie ordonnée suite au décès de l’ex-ministre des Finances et du Budget ont révélé plusieurs éléments de nature à attester que la mort n’est pas naturelle, selon le procureur de la République près le Tribunal de grande instance hors classe de Dakar.
Pour les besoins des investigations qui nécessitent des actes d'enquête complémentaires, insiste le procureur, les formalités liées à la procédure de levée du corps et d'inhumation sont renvoyées à une date ultérieure.
L’autopsie ordonnée par le procureur de la République vise à apporter des réponses claires sur les facteurs qui ont pu conduire au décès soudain de Mamadou Moustapha Ba, en permettant aux experts médicaux d'identifier, dans la mesure du possible, les causes médicales ou accidentelles liées à cet événement inattendu.
Prévue samedi, la levée du corps de l’ancien ministre n’a pas eu lieu suite à la décision du procureur de la République, de procéder à une autopsie, contre l’aval de la famille.
« Il n’y a pas de plainte de la famille pour que le procureur puisse se saisir du dossier, personne n’a porté plainte. Il n’y a pas de crime. Pourquoi donc, devrait-on aujourd’hui, empêcher, bloquer l’enterrement de Mamadou Moustapha Ba ? Aujourd’hui Toute la famille est inquiète, outrée, choquée, parce qu’on pense que Mamadou Moustapha Ba ne mérite pas ce traitement. C’est la raison pour laquelle, nous demandons aux autorités notamment au Procureur de la République de permettre l’inhumation sans délai de Mamadou Moustapha Ba, ce haut fonctionnaire de l’Etat, cet homme de dimension exceptionnelle ne mérite pas ce traitement », a déclaré Me El Hadji Diouf.
Cette position de la famille découle du fait que d’après plusieurs médias en ligne, le certificat de genre de mort établi en France a conclu à une «mort naturelle», après plusieurs jours de coma.
Contrairement à la version de la famille, le procureur de la République semble plutôt privilégier la piste d’une mort suspecte et a ordonné des investigations supplémentaires,
pour déterminer les causes du décès, conformément à l'article 66 du code de procédure pénale, qui régit les enquêtes sur les morts suspectes ou inexpliquées,.
« Les formalités liées à la procédure de levée du corps et d’inhumation sont renvoyées à une date ultérieure », selon le parquet.
Sa carrière administrative au ministère de l’Économie et des Finances débute en 1992. M. Ba occupe le poste de chargé de programmes à la Direction de la coopération économique et financière (Dcef) jusqu'en 2000.
Entre 2001 et 2006, il était chef du bureau primaire de la Dcef. En 2007, il devient le directeur-adjoint de la coopération économique et financière, avant de prendre la tête de cette direction de mai 2012 à octobre 2014.
Sous la présidence de Macky Sall, il a occupé les fonctions de directeur général du Budget de 2014 à sa nomination en tant que ministre des Finances et du Budget du Sénégal le 17 septembre 2022 dans le gouvernement d’Amadou Ba, en remplacement de Abdoulaye Daouda Diallo, ancien ministre des Finances et du Budget et ancien Président du Conseil économique social et environnemental.
Il occupera ce poste jusqu'au changement de régime survenu après l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la tête du pays en mars 2024.