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Prince Alemayehu : Buckingham Palace refuse de restituer le corps du roi éthiopien

Le prince Alemayehu a été emmené au Royaume-Uni à l'âge de sept ans

Mar., 23 Mai 2023 Source: www.bbc.com

Le palais de Buckingham a décliné une nouvelle demande de restitution des restes d'un prince éthiopien enterré au château de Windsor au XIXe siècle.

Le prince Alemayehu a été emmené au Royaume-Uni à l'âge de sept ans et est devenu orphelin après la mort de sa mère pendant le voyage.

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"Nous voulons récupérer sa dépouille en tant que famille et en tant qu'Éthiopiens, car ce n'est pas le pays où il est né", a déclaré l'un de ses descendants, Fasil Minas, à la BBC.

"Il n'était pas normal qu'il soit enterré au Royaume-Uni", a-t-il ajouté.

Après avoir été emmené au Royaume-Uni, le prince, décédé en 1879 à l'âge de 18 ans des suites d'une maladie respiratoire, a été soutenu financièrement par la maison royale à la demande de la reine Victoria.

Dans une déclaration envoyée à la BBC, un porte-parole du palais de Buckingham a déclaré que le retrait de ses restes pourrait affecter d'autres personnes enterrées dans les catacombes de la chapelle Saint-Georges du château de Windsor.

"Il est très peu probable qu'il soit possible d'exhumer la dépouille sans perturber le lieu de repos d'un nombre substantiel d'autres personnes à proximité", a déclaré le palais.

Le communiqué ajoute que les autorités de la chapelle sont sensibles à la nécessité d'honorer la mémoire du prince Alemayehu, mais qu'elles ont aussi "la responsabilité de préserver la dignité du défunt".

Le communiqué précise également que, par le passé, la maison royale a "accédé aux demandes de visites de délégations éthiopiennes" à la chapelle.

La façon dont le prince Alemayehu s'est retrouvé au Royaume-Uni à un si jeune âge est le résultat d'une action impériale et de l'échec de la diplomatie.

En 1862, dans le but de renforcer son empire, le père du prince, l'empereur Tewodros II, a cherché à conclure une alliance avec le Royaume-Uni, mais les lettres qu'il a envoyées n'ont pas reçu de réponse de la reine Victoria.

Furieux de ce silence et prenant les choses en main, l'empereur a pris en otage quelques Européens, dont le consul britannique. Cette situation précipite une vaste expédition militaire, à laquelle participent quelque 13 000 soldats britanniques et indiens, afin de les secourir.

Un fonctionnaire du British Museum fait également partie de l'expédition.

En avril 1868, ils assiègent la forteresse montagneuse de Tewodros à Maqdala, dans le nord de l'Éthiopie, et en écrasent les défenses en quelques heures.

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L'empereur préféra se suicider plutôt que d'être prisonnier des Britanniques, ce qui fit de lui une figure héroïque parmi son peuple.

Après la bataille, les Britanniques ont pillé des milliers d'objets culturels et religieux. Il s'agissait notamment de couronnes en or, de manuscrits, de colliers et de robes.

Les historiens affirment que des dizaines d'éléphants et des centaines de mules ont été nécessaires pour emporter ces trésors, qui sont aujourd'hui dispersés dans des musées et des bibliothèques européens, ainsi que dans des collections privées.

Les Britanniques ont également emmené le prince Alemayehu et sa mère, l'impératrice Tiruwork Wube.

Selon Andrew Heavens, auteur de The Prince and the Plunder, qui raconte ce qui est arrivé à Alemayehu, il s'agissait pour les Britanniques de les mettre en sécurité et d'éviter qu'ils ne soient capturés et éventuellement tués par les ennemis de Tewodros, qui se trouvaient près de Maqdala.

Après son arrivée en Grande-Bretagne en juin 1868, la situation difficile du prince et son statut d'orphelin suscitent la sympathie de la reine Victoria. Les deux hommes se rencontrent dans la résidence de vacances de la reine sur l'île de Wight, au large de la côte sud de l'Angleterre.

Elle accepte de le soutenir financièrement et le place sous la tutelle du capitaine Tristram Charles Sawyer Speedy, l'homme qui avait accompagné le prince depuis l'Éthiopie.

Ils ont d'abord vécu ensemble sur l'île de Wight, puis le capitaine Speedy l'a emmené dans d'autres parties du monde, notamment en Inde.

Mais il fut décidé que le prince devait recevoir une éducation formelle.

Il fut envoyé à l'école publique britannique de Rugby, mais il n'y était pas heureux. Il est ensuite transféré au Collège militaire royal de Sandhurst, où il est victime de brimades.

Selon la correspondance citée par Heavens, le prince avait envie de rentrer chez lui, mais cette idée a été rapidement écartée.

"J'ai de la peine pour lui comme si je le connaissais. Il a été délogé de l'Éthiopie, de l'Afrique, du pays des Noirs et il est resté là comme s'il n'avait pas de maison", a déclaré un descendant, Abebech Kasa, à la BBC.

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Alemayehu a fini par être pris en charge dans une maison privée de Leeds. Mais il tomba malade, peut-être d'une pneumonie, et refusa même d'être soigné, pensant avoir été empoisonné.

Après une décennie d'exil, le prince mourut à l'âge de 18 ans en 1879.

Sa maladie avait fait l'objet d'articles dans la presse nationale et la reine Victoria fut attristée par sa mort.

Lorsqu'elle l'apprit, elle écrivit un message de deuil dans son journal.

"J'ai été très affligée et choquée d'apprendre par télégramme que le bon Alemayehu était décédé ce matin. C'est trop triste ! Tout seul, dans un pays étranger, sans une seule personne ou un seul parent qui lui appartienne", dit-elle.

"Sa vie n'a pas été heureuse, pleine de difficultés de toutes sortes, et il était si sensible, pensant que les gens le dévisageaient à cause de sa couleur... Tout le monde est désolé".

Elle a ensuite organisé son enterrement au château de Windsor.

La demande de restitution du corps n'est pas nouvelle.

En 2007, le président de l'époque, Girma Wolde-Giorgis, avait adressé une demande officielle à la reine Élisabeth II pour que le corps soit renvoyé, mais ces efforts sont restés vains.

"Nous voulons qu'il revienne. Nous ne voulons pas qu'il reste dans un pays étranger", a déclaré Mme Abebech.

"Il a eu une triste vie. Quand je pense à lui, je pleure. S'ils acceptent de nous rendre sa dépouille, je le verrais comme s'il était rentré vivant à la maison".

Elle espérait obtenir une réponse positive de la part du roi Charles III, nouvellement couronné.

"La restitution est utilisée comme un moyen de réconciliation, pour reconnaître ce qui a été mal fait dans le passé", a déclaré le professeur Alula Pankhurst, spécialiste des relations britannico-éthiopiennes.

Il estime que la restitution du corps serait "un moyen pour la Grande-Bretagne de repenser son passé. Il s'agit d'une réflexion et d'une confrontation avec un passé impérial".

Source: www.bbc.com