Personne ne s'attendait à cela. C'est un drame, certes, mais c'est un choc.
Lorsque les graphiques ont été diffusés sur toutes les grandes chaînes françaises, ce n'est pas l'extrême droite de Marine Le Pen et son jeune premier ministre en devenir, Jordan Bardella, qui étaient en passe de remporter la victoire.
C'est la gauche qui l'a emporté, et les centristes d'Emmanuel Macron ont fait une remontée inattendue, poussant le Rassemblement national (RN), parti d'extrême droite, à la troisième place.
Jean-Luc Mélenchon, le vétéran de la gauche, considéré par ses détracteurs comme un extrémiste, n'a pas tardé à proclamer la victoire.
Dès qu'il a pris la parole, M. Mélenchon s'est rendu sur une place beaucoup plus grande, la place de la République, pour fêter son succès avec une foule de 8 000 personnes, selon les chiffres de la police.
Pour les partisans du Rassemblement national, le champagne a rapidement tourné court lors de leur célébration ratée dans le bois de Vincennes, au sud-est de Paris.
Il y a une semaine à peine, tout le monde parlait d'une possible majorité absolue, et Marine Le Pen et Jordan Bardella parlaient encore de leurs chances quelques jours avant le vote.
Marine Le Pen a pris son courage à deux mains. "Il y a deux ans, nous n'avions que sept députés. Ce soir, le RN est le premier parti de France en termes de nombre de députés".
Lors de la dernière législature, ils avaient 88 députés et en ont aujourd'hui plus de 140, elle avait donc raison. Et aucun autre parti n'a plus de 100 députés, car les macronistes et le Front populaire sont tous deux des coalitions.
Jordan Bardella s'est plaint que son parti avait été mis en échec par des "alliances du déshonneur" contre nature, forgées par un "parti unique" composé du camp Macron et de la gauche. Il n'avait pas tort sur l'alliance contre nature, mais elle n'est que temporaire et de convenance.
Sa tentative d'entrer au Parlement a échoué à 225 voix près, battue par la candidate de M. Mélenchon, Elise Leboucher, après que la candidate de M. Macron se soit désistée.
Le taux de participation, de 66,63 %, a été le plus élevé pour un second tour parlementaire depuis 1997. Même si le vote du RN se maintenait, il devait cette fois faire face à des votes non RN souvent utilisés tactiquement pour créer un "barrage" ou un bloc contre lui.
Partout en France, le RN a perdu des seconds tours qu'il devait gagner.
Certains de leurs candidats n'étaient pas très séduisants.
Il y a eu la femme qui a promis d'arrêter de faire des blagues racistes si elle était élue dans le Puy-de-Dôme ; et il y a eu le jeune homme mal équipé de Haute-Savoie, dans le sud-est, qui a participé à un débat télévisé avec son rival centriste et qui n'a pratiquement rien dit sur rien.
Ils ont tous deux perdu, mais ils ont reflété la grande avancée du RN dans les zones rurales.
Le RN a obtenu 32 % des voix - 37 % avec ses alliés de droite - et pour plus de 10 millions d'électeurs, un tabou a été brisé.
A Meaux, à l'est de Paris, le RN a gagné, mais de peu.
Après avoir voté, Claudine a déclaré que les gens qu'elle connaissait avaient tendance à ne pas admettre qu'ils avaient voté RN, sauf s'ils étaient avec des amis proches.
Le journal de gauche Libération a résumé toute la nuit en titrant "C'est Ouf".
Pour eux, c'est un soulagement que les électeurs aient mis un terme à la course au pouvoir du RN. Mais cela signifie aussi en français familier : "C'est fou".