Bien qu'il ait promis de rétablir la démocratie dans son pays, le chef de la junte malienne, le général Assimi Goita, s'est vu accorder un mandat présidentiel de cinq ans par le parlement de transition, sans qu'il soit nécessaire d'organiser des élections.
Le projet de loi accordant au général Goita, âgé de 41 ans, son nouveau mandat a été approuvé la semaine dernière. Il pourra être renouvelé "autant de fois que nécessaire" et jusqu'à ce que le Mali soit "pacifié".
Le général est ainsi autorisé à diriger le pays d'Afrique de l'Ouest jusqu'en 2030 au moins.
Le Mali est l'un des six pays de la région du Sahel - le Mali, le Tchad, la Mauritanie, le Burkina Faso, le Niger et le Soudan - qui ont tous connu des coups d'État depuis 2020.
Les analystes estiment que d'autres pays touchés par des coups d'État pourraient suivre l'exemple du Mali en suspendant les élections présidentielles.
Le général Goita a ensuite chassé les forces de l'ONU de son pays et a coupé les liens avec l'ancienne puissance coloniale, la France.
Les pays voisins, le Burkina Faso et le Niger, qui ont également connu des coups d'État militaires en 2022 et 2023 respectivement, ont suivi l'exemple du Mali, en coupant les liens avec la France et en se tournant vers la Russie.
Ces trois pays se sont retirés du bloc régional de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, (Communauté Economique des Etats d'Afrique de l'Ouest) afin d'éviter toute pression visant à rétablir un régime démocratique par cette organisation.
Le général Goita dirige désormais le nouveau bloc formé par le Mali, le Burkina Faso et le Niger, l'Alliance des États du Sahel (AES).
Ayant prouvé son expertise en matière de manœuvres politiques, les analystes estiment qu'il trace la voie pour le chef militaire du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traore, et le général nigérien, Abdourahmane Tchiane.
"Grâce à leur utilisation efficace de la désinformation et de la propagande, en particulier via les médias sociaux, ils se frayent un chemin dans le cœur des jeunes, même en dehors de leur pays", déclare Kabiru Adamu, expert en sécurité et directeur exécutif de Beacon Security and Intelligence, à propos de ces trois dirigeants.
Selon M. Adamu, le Mali est emblématique des problèmes sociaux et politiques complexes qui sont à l'origine de l'insécurité au Sahel, notamment les attaques de groupes islamiques armés, les violences communautaires, les problèmes de droits de l'homme et les défis économiques.
Selon lui, le gouvernement militaire de Bamako, la capitale du Mali, n'a jusqu'à présent atteint aucun des objectifs qu'il s'était fixés en matière de sécurité nationale, de réforme institutionnelle et de retour à un régime démocratique.
Au lieu de cela, il a utilisé le populisme lié à la restauration de l'État et à l'aversion de la "domination française" pour se maintenir au pouvoir.
"Mais cela ne durera pas", prévient M. Adamu.
"La crise qui se prépare au Mali, aura des conséquences importantes pour la région" dit-il.
Dans le cadre d'une répression croissante de la contestation, la junte militaire malienne a également interdit tous les partis politiques du pays.
Depuis l'entrée en vigueur de cette mesure d'interdiction en mai dernier, deux dirigeants de l'opposition ont été placés en détention à la suite d'une rare manifestation en faveur de la démocratie.
Paul Ejime, analyste des affaires internationales et éditeur de PGlobalMedia.com, affirme que les médias sont étouffés au Mali et dans les deux autres pays voisins (Burkina Faso et Niger).
Selon lui, après le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la CEDEAO, il était clair que les trois pays voulaient fonctionner sans pression pour revenir à un régime civil.
"Ce qui se passe au Mali, montre que le gouvernement militaire est un opportuniste qui cherche à s'emparer du pouvoir" dit -il. "Vous pouvez voir la répression massive en cours".
Toutefois, selon M. Ejime, bien que la junte profite actuellement d'une vague de sentiments anti-français, l'opposition à son régime s'accroît de plus en plus.
Ilyasu Gadu, expert en affaires internationales et consultant en médias, décrit ce qui se passe au Mali comme une "évolution préoccupante et inquiétante".
"La crainte est qu'il s'agisse d'une contagion qui s'étende aux autres voisins", déclare-t-il. "Si l'on examine l'évolution politique dans ces trois pays, on constate qu'elle a toujours été la même.
"Ils se présentent sous une forme messianique, prétendent vouloir rétablir l'ordre, profitent du mécontentement de la population à l'égard de leur gouvernement démocratique et promettent ce qu'ils ne peuvent pas tenir, juste pour arriver au pouvoir" a t-il déclaré.