Les communautés locales affectées par la plantation à grande échelle de palmiers à huile ont saisi le Tribunal de Première instance de Bangem, dans le sud-ouest du Cameroun. La première audience a été fixée au 9 novembre. Greenpeace, qui a documenté les abus commis par cette entreprise ces sept dernières années, lance un appel au soutien de ces communautés.
Cette nouvelle fait suite au dépôt de deux plaintes collectives déposées par 244 fermiers contre SG Sustainable Oils Cameroon (SGSOC) le 27 septembre pour violation du droit de propriété. Parmi eux, 231 sont originaires du village de Nguti, dont la population avait demandé à ce que SGSOC respecte une zone tampon de 5 km autour de leurs fermes. Pourtant, la zone de concession délimitée par SGSOC comprend de nombreuses fermes dans la forêt autour de Nguti, la preuve que que l’entreprise a ignoré la zone tampon.
« Comment allons-nous vivre si SGSOC prend nos plantations ? Comment allons-nous manger ?, se demande Susan Tah Agbo, une mère de famille qui soutient 24 personnes grâce à ses 20 hectares de terres. Je n’ai rien d’autre. Je ne veux pas qu’on me donne de l’argent, qui sait combien de temps ça durerait ? Ca ne pourra pas aider mes enfants et petits-enfants, mais ma terre si, car j’ai des récoltes chaque année ».
A Babensi II, 13 fermiers sont aussi allés en justice après que SGSOC leur a confisqué leurs terres, sans aucune consultation ni accord préalables. « Un jour, quand je suis arrivé dans mon champ, j'ai découvert que leurs bulldozers avaient tout rasé, s’émeut Adolf Ngbe Ebong, un policier à la retraite de 62 ans. J’avais prévu de développer cette plantation pour assurer la subsistance de mes enfants même après ma mort, mais à présent, je n'ai plus rien. Nous sommes tous désespérés ici, et nous ne savons pas comment nous pourrons être secourus ».
SGSOC, l’entreprise camerounaise qui détient une concession d’environ 20 000 hectares pour développer une plantation de palmier à huile, était détenue jusqu’en 2015 par Herakles Farms, une société américaine. Depuis que l’entreprise s’est installée au Cameroun en 2009, Greenpeace ainsi que plusieurs ONGs nationales et internationales, ont publié de nombreuses enquêtes qui documentent les abus commis par SGSOC.
« Les activités de SGSOC sont entachées d’illégalités, explique Sylvie Djacbou, chargée de campagne forêt chez Greenpeace Afrique. Non seulement leur convention d’établissement avec l’Etat viole le droit camerounais, mais ils ont aussi coupé la forêt sans autorisation, intimidé plusieurs chefs traditionnels, et utilisé des pots-de-vin et fait des promesses encore non tenues pour obtenir les faveurs des autorités locales ».
Le bail foncier provisoire accordé par décret présidentiel en novembre 2013 à SGSOC expire ce mois de novembre. Une coalition de plusieurs ONGs, dont Greenpeace, lance aujourd’hui une pétition au Cameroun et à l’international, pour demander au gouvernement camerounais de ne pas le renouveler ni le prolonger.
« SGSOC n’a fait que multiplier les violations de la loi et n’a pas tenu ses nombreuses promesses envers les communautés, comme la construction de routes et d’écoles, il est donc impensable que son comportement s’améliore, rappelle Sylvie Djacbou. Il faut apporter du développement au Cameroun, mais en protégeant les droits des communautés ainsi que l’incroyable biodiversité qui les entoure. SGSOC est un projet destructeur situé entre quatre zones protégées, il faut donc y mettre fin ».
Cette plantation est installée dans la Forêt guinéenne de l’Ouest africain, un point chaud de la biodiversité qui abrite 1 800 espèces endémiques de plantes vasculaires ainsi qu’une diversité exceptionnelle de primates qui font partie des espèces à protéger de manière prioritaire.