Ne prononcez pas un nom, encore moins un prénom. A l’entrée du marché de Penja, localité située à quelques kilomètres de Douala, capitale économique du Cameroun, demandez à voir « La fermière ». Au début, on hésitera, dites alors : « celle qui élève les poules et les porcs ». Ça y est. Un sourire et on vous pointera du doigt une petite piste non goudronnée, à suivre.
Et au bout, après quelques minutes de marche, vous verrez Nadine Chrystelle Fiako, éternel sourire aux lèvres. « Je suis une éleveuse de poulets et porcs, énumère-t-elle de sa voix calme. Je ravitaille les familles, boulangeries et ‘’braiseurs’’ de Loum, Penja et d’autres villages en poulets ».
Elle parle avec passion, les yeux brillants, de sa ferme. Pour mieux nous expliquer son travail, elle nous invite à y faire un tour. Les caquètements des poulets se font entendre à distance. Pas la peine d’y entrer sans se désinfecter. Règle inévitable. « J’ai peur pour la vie de mes poussins, s’excuse Chrystelle. Nous venons des zones différentes et nous avons peut-être pris des microbes en route. Il faut se désinfecter.»
Nous nous plions. Et ensuite, de petits poussins apparaissent. « Ils sont 350, lâche Chrystelle, avec fierté. C’est juste que nous sommes encore en saison des pluies. Généralement, j’élève 1 000 poulets ». En effet, la jeune femme née le 9 août 1988 achète les poussins d’un jour à Douala et repart les élever à Penja. Le procédé est simple.
« A l’achat, ils sont contenus dans des cartons. A mon arrivée, je perds au moins une centaine. Par la suite, je les chauffe avec des ampoules à 100 Watts», détaille cette femme mariée et mère de quatre enfants. 1000 poulets dans la ferme Chrystelle les nourrit avec les tourteaux de soja et du concentré. Pour élever ses 1 000 poulets, elle a besoin de quatre tonnes d’aliments, à raison de 350 000 F. Cfa la tonne.
« Pour réduire mes dépenses, je sors mes poulets après 15 jours, 21 jours et 45 jours, confie la jeune fermière. Leur prix varie alors entre 1 300 et 2 200 F. Cfa. A plus de 45 jours, je les vends à partir de 3 000 F. Cfa ».
Les poulets meurent et pour limiter cette perte, Chrystelle se forme à chaque fois auprès des spécialistes du domaine. A ses poulets, elle donne des aliments de croissance au tout début et des médicaments par la suite.
« Du 1er au 13ème jour, les poulets consomment le BM1, aliment de démarrage. Du 14ème au 30ème jour, je leur donne le Bm2 et la finition du 30ème jour jusqu’à la vente », détaille Chrystelle Fiako. Cette passion pour l’élevage date de sa petite enfance. A l’époque, la petite fille élève entre une et deux poules. Elle prend goût à la chose. En 2012, elle se lance de manière « professionnelle ».
Elle construit sa ferme et débute avec plus de 100 poulets. C’est un succès total. « Je me levais à 2 h du matin pour apprêter mes enfants et nourrir mes poulets, se souvient-elle avec nostalgie. J’avais mal aux reins parfois mais, je ne lâchais rien ». Aujourd’hui, trois ans après, Chrystelle ravitaille sa localité. Millionnaire ?
« Pas encore, s’écrie-t-elle. J’ai un chiffre d’affaires qui vaut plus d’un million mais, je ne suis pas millionnaire ». Pour développer ses activités, elle élève aussi des porcs et des escargots. Elle veut devenir une « grande éleveuse ». « Je vis 100 à l’heure pour ça », lâche-t-elle dans un éclat de rire.