Réservée exclusivement aux nationaux, l’exploitation minière artisanale est restée longtemps une activité économique marginale.
Mais en 2010, avec l’imminence du lancement de la construction du barrage de retenue d’eau de Lom Pangar (impactant les arrondissements de Belabo et Bétaré-Oya), des entrepreneurs étrangers ont reçu des autorisations pour une exploitation minière artisanale mécanisée.
Ceci dans le but de mettre à profit leur expertise et procéder à une extraction de sauvetage de l’or sur les sites voués à l’ennoiement.
Après un an d’arrêt des transactions, plus de 513 millions de FCFA perçus au titre de recettes sur les taxes minières à l’Est au premier semestre 2015.
En quatre ans, Betaré-Oya a été transfigurée.
Non seulement parce que les populations ont reçu des indemnisations conséquentes pour quitter le domaine d’utilité publique du barrage, mais aussi grâce à l’installation des sociétés minières utilisant des engins. « Quand j’arrive ici en 2011, toutes les maisons ont des toitures en paille. En 2015, sur 50 maisons, 40 ont des toitures neuves en tôles ondulées.
Trois stations-service se sont installées dans cette ville où on vendait encore du carburant dans des jerricans », raconte Simon Etsil, sous-préfet de Bétaré-Oya. Pourtant, ce boom masquait des dérives criardes dans l’exploitation minière artisanale : fausses autorisations d’exploitation en circulation, installation anarchique des exploitants miniers, dégradation environnementale, immigration clandestine des ouvriers étrangers, hausse de la criminalité.
Comme pour y voir plus clair dans le secteur, le 14 mai 2014, Emmanuel Bondé, ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt) décide de suspendre « sur toute l’étendue du territoire national pour une durée de six mois, la délivrance, le renouvellement et toute transaction sur les autorisations d’exploitations minières artisanales (AEA)». Il faut dire qu’à la veille de la prise de cette mesure suspensive, le pointage dans la région de l’Est faisait état de 5777 autorisations d’exploitations minières artisanales délivrées.
Avantages
Pendant la suspension, Emmanuel Bondé avait prescrit « un recensement général de tous les opérateurs exerçant les activités d’exploitation minière artisanale et les activités d’exploitation minière artisanale mécanisée ainsi qu’un inventaire exhaustif de leurs équipements et matériels ». Prorogée de trois mois dès le 26 novembre 2014, la décision est finalement levée le 28 avril dernier. Elle aura duré près d’un an, avec des répercussions importantes sur la vie du secteur. Dans la région de l’Est, on dresse déjà un premier bilan.
« L’État maîtrise désormais la production aurifère réelle des sociétés de mécanisation », lit-on sur un rapport d’activités des services du gouverneur de l’Est, sur l’exploitation minière. Par le passé, le régime était déclaratif. Mais avec les aménagements institutionnels intervenus pendant la suspension, notamment le décret du Premier ministre, chef du gouvernement, N°2014/1882/ du 4 juillet 2014, modifié par celui du 1er août 2014 et l’entrée en vigueur de la loi des Finances 2015, des contrôleurs du Cadre d’appui à la promotion de l’artisanat minier (CAPAM) sont dorénavant sur tous les sites.
Ils font partie de la commission qui chaque soir fait le point des quantités d’or extraites et prélèvent directement les 15% revenant à l’État. Mercredi 2 septembre dernier à Betaré-Oya, sur le chantier exploité par la société chinoise Zhang Mining au village Mali, CT a noté la présence d’un agent du CAPAM, encadré par deux gendarmes pendant toutes les opérations.
Le cadre institutionnel aménagé a également induit un meilleur encadrement dans la délivrance des AEA.
Procédures renforcées
Si par le passé, c’est le délégué régional du Minmidt qui délivrait l’autorisation d’exploitation artisanale maintenant, il faut que ce haut responsable obtienne d’abord l’approbation du ministre en charge des Mines. « Avant que je n’octroie une autorisation d’exploitation artisanale, je dois requérir l’approbation du ministre. Ce qui veut dire que cette demande est examinée au niveau de la direction des mines et de géologie, notamment auprès du cadastre minier qui s’assure que l’autorisation projetée n’est pas dans le périmètre d’un permis de recherche ou encore ne chevauche pas avec une autre autorisation d’exploitation artisanale. Ce qui permet donc d’éviter les différents chevauchements qui constituaient un véritable point d’achoppement au quotidien », explique Moïse Mala Noah, délégué régional du Minmidt de l’Est.
Recettes en hausse
L’État perçoit à présent un peu plus d’argent. Les droits, les taxes et redevances ont augmenté. « La redevance de superficie minière, en ce qui concerne l’AEA, est passée de 5 F le mètre carré par an à 50 F. En d’autres termes, s’il fallait dépenser 80 000 F pour exploiter un hectare, maintenant cela revient à près de 450 000F », souligne Simon Etsil. Et l’administration fiscale de l’Est dresse un bilan de plus de 513 millions de F au titre des taxes minières perçues durant les six premiers mois de l’année.
Visibilité
L’assainissement a enfin abouti à un recensement plus fiable des sociétés minières artisanales. Un rapport de synthèse datant de juillet 2015 produit par la délégation régionale du Minmindt de l’Est, répertorie neuf sociétés minières à Batouri (Kadey), 15 à Ngoura, trois à Garoua-Boulaï et 33 à Bétaré-Oya (des localités situées dans le Lom-et-Djerem). Mais sur le terrain, les chiffres évoluent car à Betaré-Oya, « environ 47 unités d’extraction d’or sont en activité contre 68 en août 2014», d’après Philippe Hobi Mbaga, responsable du CAPAM dans la localité.
Il reste donc à finaliser le dénombrement de ces structures et conditionner le renouvellement des AEA à la restauration préalable des sites déjà exploités. Une équipe du ministère de l'Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable arrivait sur le site de Bétaré-Oya au moment où nous bouclions cette enquête.