En plus de son prix accessible à toutes les bourses, ses vertus alimentaires nutritionnelles renforcent la ruée vers ce breuvage, le vin de palme. Il intervient dans la plupart des cérémonies traditionnelles pour symboliser l’union des familles et des peuples.
Tous les matins avant le premier chant du coq, «Ma’a Chan» se rend à Afaneyoa, une banlieue de Yaoundé pour acheter du vin de palme (Elaeis guineensis africain, de son nom scientifique). Arrivée sur les lieux, l’œil avisé, elle choisit une boisson alcoolisée qui sied au palais de sa clientèle. Ce dernier doit à la fois être sucré et amer. Après une longue négociation, elle finit par obtenir 40 litres à 10.000Fcfa. Sans perdre de temps, la quinquagénaire s’empresse de regagner son point de vente au lieu-dit Nsam-Escale à bord d’un mototaxi.
Au quartier Nsam-Escale, elle est vivement attendue. Lorsqu’elle foule le sol autour de 7 heures, des jeunes pressent le pas pour la débarrasser de sa lourde charge. Des habitués assis dans un petit hangar desserrent la mine. Le regard illuminé, ils lancent : «Chan est enfin là ». «Elle nous a remmené du bon cognac», ironisent certains. Quelques minutes après son arrivée, la commerçante s’installe et commence le service. Les prix vont de 100 à 600 Fcfa.
«Ma’a Chan» et ses clients ont des gestes pour le servir et recevoir du vin de palme. Des consommateurs claquent des doigts et récupèrent le «matango» avec deux mains. «Il faut respecter ce vin traditionnel», confie l’un d’eux. La dégustation débute avec un hommage aux ancêtres. Une petite quantité de vin de palme est versée au sol. Au bout de deux ou trois services, coques de noix de coco et bouteilles vides de mayonnaise pleines, des langues commencent à se délier au «Parlement». Entre deux gorgées, les clients se lâchent sur des sujets d’actualité et les ragots du coin. A travers ces bruits qui frisent parfois la cacophonie, le son de la déglutition est peu audible. La nuque vers l’arrière, la pomme d’Adam de Martial Nanga est un plein mouvement.
La présence des mouches en ce lieu n’a aucun impact sur l’attitude de ce jeune. Les yeux fermés et quelques fois ouverts, il savoure le «matango» et l’instant. Gorgée après gorgée, il passe sa langue autour de ses lèvres en prononçant quelques phrases en langue éwondo. «Comme, il est bon ! L’écorce le rend plus riche !», s’exclame-t-il tout sourire. Ici, l’on a affaire aux puristes.
Amoureux du vin
Aucune mixtion n’est permise. Ils sont tous contre l’embouteillage de cette boisson. «Le vin de palme doit être naturel pour conserver toutes ses vitamines», précise un consommateur. En effet, selon la nutritionniste Nina Doupe, il est riche en vitamines B1, C, K, et en calcium. Il favorise la formation du lait maternel chez les femmes qui viennent d’accoucher. Lorsqu’il est associé aux écorces, il empêche les consommateurs d’avoir des maux de ventre et leur permet aussi de se protéger du poison, apprend-on d’un autre amoureux du vin de palme.