Depuis l’éclatement de l’affaire Glencore en 2022, impliquant la multinationale dans un vaste scandale de corruption, la Commission nationale anti-corruption (Conac) du Cameroun n’a toujours pas publié de rapport officiel. Malgré l’avancée du dossier sur la scène internationale, la Conac continue de garder le silence, suscitant des interrogations sur sa volonté réelle de faire la lumière sur les responsables camerounais impliqués dans cette affaire de pots-de-vin.
Lors de la présentation du rapport sur l’état de la corruption au Cameroun en octobre 2022, le président de la Conac, Dieudonné Massi Gams, avait déjà esquissé une justification ambiguë : « Lorsque qu’il s’agit d’un gros gibier, on ne fait pas de bruit sinon, on risque de le perdre », avait-il déclaré. Un an plus tard, le discours reste inchangé. Le 27 septembre 2024 à Yaoundé, lors d’une conférence de presse, Massi Gams a réitéré que l’affaire Glencore, en raison de son envergure internationale, demande un travail minutieux et délicat. « Lorsqu’on fait des investigations, il faut le faire avec tout ce que cela comporte comme délicatesse et sérieux. La Conac a déjà orienté certains de ses résultats à des secteurs qui doivent compléter les informations demandées », a-t-il affirmé.
Toutefois, ce discours semble plus justifier l’immobilisme de la Conac qu’assurer une transparence dans la gestion de ce dossier sensible. Aucune échéance claire n’a été donnée pour la publication du rapport final, ni même sur les entités devant fournir les informations manquantes. Cette posture laisse planer un doute sur la détermination de la Conac à dévoiler les noms des responsables camerounais présumés impliqués dans la réception de près de 7 milliards de FCFA de pots-de-vin versés par Glencore pour faciliter ses activités dans le secteur pétrolier du pays.
À deux semaines de la prochaine audience prévue le 8 octobre 2024 au Tribunal de Westminster, au Royaume-Uni, l’absence de communication officielle au Cameroun pourrait anéantir l’espoir de découvrir l’identité des fonctionnaires locaux corrompus. Le Serious Fraud Office (SFO), organisme britannique en charge de l’enquête, a déjà cité cinq personnes impliquées : Alex Beard, Andrew Gibson, Paul Hopkirk, Ramon Labiaga et Martin Wakefield. Ces individus sont accusés d’avoir versé des pots-de-vin à des responsables du gouvernement camerounais et des sociétés d’État telles que la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) et la Société Nationale de Raffinage (Sonara).
Pour l’avocat camerounais et ancien bâtonnier Me Akere Muna, le pessimisme est de rigueur. Selon lui, le manque de transparence de la Conac pourrait être le signe d’une volonté de protéger certaines figures locales. Il souligne par ailleurs qu’un seul acteur clé reste non divulgué dans cette affaire, mais il doute que cet individu soit camerounais : « Je ne crois pas qu’il soit camerounais », a-t-il précisé.