Alamine Ousmane Mey se débarrasse des retraités

Alamine Ousmane Mey Microphone Le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey

Fri, 4 Mar 2016 Source: fr.allafrica.com

À travers une note, le ministre des Finances demande aux directeurs, sous-directeurs, chefs de division... ayant atteint l'âge de cessation de service, de remettre impérativement les clés de leur bureau.

AlamineOusmaneMey mardi 1er mars en début d'après-midi, dans le bureau d'un sous-directeur au bâtiment A du ministère des Finances (Minfi), c'est le branlebas. Une demi-douzaine de personnes rangent des documents et les entassent dans trois grosses malles. L'on décroche les photos des murs. Les pots de fleurs et les rideaux sont parqués dans un coin de la pièce. Le sous-directeur lui-même, debout derrière un pupitre, déchire certaines correspondances et alignent d'autres dans une mallette. À la vue du reporter de La Météo, il lance une boutade. «Le travail est fini. On rentre au village. Le patron nous chasse. Il demande à tous les retraités de déguerpir» confie-t-il, un brin amusé. Le haut fonctionnaire n'a pas le temps de s'entretenir avec les visiteurs. Il préfère s'occuper de son déménagement et se refuse de tout commentaire.

Mais selon des informations parvenues à votre bihebdomadaire, le sous-directeur cité plus haut n'est pas le seul responsable du Minfi à déménager. Ils sont plusieurs. On parle d'une cinquantaine (voir liste). En effet, suivant une note du ministre Alamine Ousmane Mey dont votre journal a eu connaissance, tous les hauts cadres ayant atteint l'âge limite de travail sont priés de faire valoir leur droit à la retraite. Chacun ayant été notifié individuellement.

D'après cette correspondance adressée à chacun des concernés, le Minfi écrit : «j'ai l'honneur de vous faire connaitre que, conformément à la règlementation en vigueur, vous avez atteint l'âge dans votre cadre pour faire valoir vos droits à la retraite.» Mais l'argentier national exige un peu de célérité dans l'exécution de cette instruction. « (...) Je vous invite, au cas où vous ne l'auriez pas encore fait, à remettre dès réception de la présente note les clés de votre office, ainsi que tous autres matériels et documents de service encore en possession, à votre supérieur hiérarchique direct.», indique-t-il.

Dans les couloirs du ministère des Finances, l'on accueille cette initiative avec beaucoup de joie. «Il était temps que ces gens fassent de la place aux autres. Cela nous permet d'espérer qu'un jour, nous aussi allons accéder à des postes de responsabilités et pouvoir apporter notre modeste contribution à la gestion de ce pays », confie Yannick. N, inspecteur de trésor et cadre d'appui depuis 10 ans.

Dans bien des cercles de la capitale, l'on salue la bravoure et la pugnacité du ministre des Finances. En effet, estime-t-on, très peu de chefs de départements ministériels trainent le pas à suivre les instructions du premier ministre, chef du gouvernement. L'on se souvient que, Philemon Yang, lors du conseil de cabinet du jeudi 29 octobre 2015, avait instruit à tous les ministres de prendre des dispositions pour que les personnels ayant atteigne l'âge de la retraite, quelque soit leur poste de responsabilité, libèrent dans les meilleurs délais et sans autre forme de procédure les bureaux qu'ils occupent. Plusieurs de ces retraités occupant des fonctions nominatives avaient été par la suite, notifiés par un arrêté du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Michel Ange Angouing. Jusqu'à présent, seul le ministre des Enseignements secondaires, Jean Ernest Ngalle Bibehe Masséna, a fait le grand ménage.

«En prenant cet acte courageux et non moins salutaire, Alamine Ousmane Mey qui est à la recherche de la performance ne fait que respecter à la lettre les directives du premier ministre, chef du gouvernement, et par ricochet la politique de la nation telle que définie par le président de la République», commente froidement un préfet à la retraite. Et de conclure : «Non seulement qu'il s'agit d'assainir le fichier personnel et solde de l'État, mais aussi de permettre à une nouvelle génération de décideurs d'éclore.»

Vendetta

L'on s'accorde également à dire, au sein du sérail, que ces personnes se prenant pour des inamovibles, pour avoir passé pour la plupart plus de 20 ans sur place, étaient devenues contreproductives pour l'administration publique, n'étant animés que par le seul virus de l'enrichissement personnel. N'ayant plus presque droit aux frais de mission et autres avantages, ces agents étaient obligés de multiplier des subterfuges pour pouvoir vivre aux crochets de l'État, créant par là d'énormes poches de corruption, de détournement et d'arnaque. Membres des conseils d'administration dans plusieurs structures, membres de plusieurs commissions de passation de marchés, ils étaient devenus, murmure-t-on dans les couloirs, un danger pour le pays dont l'émergence à l'horizon 2035 est attendue.

Par contre, l'instruction de l'argentier national fait des gorges chaudes parmi les personnalités conviées à libérer le plancher. Celles-ci estiment, en effet, qu'elles sont poussées à la porte de façon inélégante. «C'est lundi (29 mars, NDLR) dans l'après-midi que nous avons reçu la correspondance du ministre nous exigeant de remettre les clés. Le lendemain, le Gso (groupement spécial d'opération, une unité de la police), était là pour nous traquer comme des malpropres», confie un ancien chef de division ayant requis l'anonymat. Il poursuit : «Même pour de simples cadres, on dit au revoir avec des présents lors de la cérémonie de présentation des vœux au ministre.

Pour les directeurs et autres personnes qui bénéficient d'un décret, il est toujours de bon aloi d'organiser une audience pour une bonne séparation. Il faut quand même permettre aux uns et autres de préparer leurs effets.» Une jérémiade bottée en touche par un fin observateur de la scène politique nationale qui prend en exemple les remaniements ministériels qui soutient à cet effet : «C'est à la radio que les ministres apprennent qu'ils ne font plus partie du gouvernement. Et après, ils n'ont plus le droit de mettre les pieds dans leur bureau.»

L'on apprend que le directeur des Ressources financières, Joseph René Ako'o, le sous-directeur des affaires générales, Sanda Mohamadou et le directeur des Ressources humaines, le Mme Eteki Désirée, seraient restés cloitrés dans leur bureau, refusant de décamper. N'eût été l'intervention des forces de l'ordre, ils n'auraient pas remis les clés, ou du moins, de si tôt.

Pour une autre opinion, Alamine Ousmane Mey, par cette mesure, vient de se tirer une balle dans la cheville. Car, pour un ancien fonctionnaire, tous les chefs services financiers dans les ambassades sont des retraités et sont également visés par la note du Minfi. L'on cite en exemples, Christophe Ketchankeu (70 ans) qui officiait à Paris (France) depuis 20 ans, Mezoe Rosebel (63 ans) qui était à La Haye (Pays-Bas) ou Ngoubene qui était à Washington (Etats-unis) depuis une vingtaine d'années aussi.

Notre informateur soutient que ces derniers sont pourtant les relais d'un vaste réseau de blanchiment d'argent où sont impliqués plusieurs pontes du régime. Ces derniers, avec les derniers mouvements d'Alamine Ousmane Mey, auraient juré d'avoir sa tête. Et même, apprend-on, d’autres, mécontents, auraient décidé d'emporter certains secrets et dossiers pour paralyser le ministère.

Des mauvaises langues prétendent que ces retraités auraient même entrepris de bloquer les nominations que le Minfi aurait longtemps proposées au premier ministre, afin de créer un vide et gripper la machine de la finance publique. Sous le fallacieux prétexte que Alamine Ousmane Mey aurait une forte propension à ne nommer que des originaires du Grand Nord. L'on se remémore à cet effet les récentes promotions des contrôleurs financiers. Info ou intox, toujours est-il que le Minfi vient de frapper un grand coup dans la fourmilière.

Source: fr.allafrica.com