Le Tcs fait entrer 3,145 milliards dans les caisses publiques
Pourquoi Atangana Kouna a payé le corps du délit dans les trois affaires pour lesquelles il était poursuivi. Votre quotidien révèle, en exclusivité, les contours des procès (kafkaïens?) en série, dans lesquels le Tribunal criminel spécial a, fort heureusement, appliqué la loi, rien que la loi. Et en sort grandi.
Remis en liberté le 29 juillet 2022 par le Tribunal criminel spécial (Tcs) après la restitution du corps du délit, représentant 1,265 milliard de francs, Basile Atangana Kouna était poursuivi dans trois dossiers. La loi ayant été appliquée, les avocats de l’accusé s’en félicitent. A l’instar de Me Luc Sack, qui a déclaré à votre journal, que « mes sentiments sont ceux d’un homme heureux, mais qui ne jubile pas du tout. Il faut d’abord rendre grâce à sa famille, à son épouse, à ses enfants qui, pendant toutes ces années ont été à nos côtés et qui ont le plus souffert de sa détention. Nous tenons sincèrement à remercier le ministère public qui est incarné par le chef de l’État, qui a fait droit à la mansuétude à nos requêtes. Donc, c’est un sentiment de satisfaction». Arrêté le 22 mars 2018 puis détenu à la prison centrale de Yaoundé, l’exministre de l’Eau et de l’Énergie (Minee) a, pendant plus de 4 ans, fermement, stoïquement et dignement défendu son honneur dans trois affaires, ayant fait couler encre et salive.
Affaire Art. Administrateur de l’Agence de régulation des télécommunications (Art) depuis sa création jusqu’en 2011, il était reproché à Basile Atangana Kouna l’encaissement indu d’indemnités de session d’un total de 80 millions de francs. Pour bien d’observateurs, cette accusation est apparue saugrenue. Nulle part, en effet, il n’a été démontré que l’accusé avait exercé une quelconque pression sur l’Art pour obtenir lesdites indemnités. Curieusement, aucun responsable des affaires financières et comptables de l’Art n’est venu au tribunal déposer contre lui pour de prétendues malversations financières. Bien plus encore, à ce jour aucun autre administrateur de cette structure publique, bénéficiaire comme lui des indemnités de session dite controversées, n’a à ce jour été inquiété par la justice. Le corps du délit a néanmoins été intégralement remboursé à l’étape de l'enquête préliminaire.
Affaire Aspac.Le 30 juin 2020, sur autorisation du garde des Sceaux Laurent Esso, le Tcs annonce l’arrêt des poursuites décidée par sa procureure générale, Justine Aimée Ngounou, contre l’ex-Dg de la Cameroon Water Utilities Corporation et l’homme d’affaires belge Jacques Massart. Il s’agissait alors de la conséquence logique du remboursement du corps du délit par Jacques Massart, estimé par le parquet général à 1,8 milliard de francs. En effet, en 2009, celui qui était alors le patron de la Camwater signe un contrat commercial avec le groupement belge Balteau S.A.- Aspac International (société belge), sur autorisation du conseil d’administration de cette entreprise publique. Cet acte, qui concerne 52 centres d’approvisionnement identifiés, rentre en droite ligne de la politique gouvernementale de développement du secteur de l’hydraulique urbaine. Pour ce faire, 52 centres sont identifiés. D’ailleurs, les conventions de financement y relatives sont signées non pas par Basile Atangana Kouna mais par le ministre de l’Économie, après habilitation du président de la République. Il s’agit ici d’un crédit soft subsidié à 100% par le gouvernement belge, à travers son agence Finexpo. Ledit financement est garanti par la banque Dexia, devenue Belfius Banque S.A[société anonyme]. Le groupement Balteau S.A.-Aspac, est en ce qui le concerne, chargé d’exécuter les travaux. L’entreprise contractante se mettra effectivement au travail, et les décaissements seront régulièrement effectués par Belfius après validation des décomptes par la Caisse autonome d’amortissement (Caa) du Cameroun. Au cours de l’enquête préliminaire, Jacques Massart innocente Basile Atangana Kouna. A noter que le successeur de ce dernier, en l’occurrence Jean William Sollo, a signé d’autres contrats commerciaux avec Aspac International en 2014 et en 2015, sans que les réseaux mafieux tapis dans l’ombre n’aient trouvé à redire.
Autre affaire Camwater. Il a été reproché à Basile Atangana Kouna d’avoir en toute illégalité vendu des véhicules, réformés en 2003, du temps où il officiait comme administrateur provisoire de la Société nationale des eaux du Cameroun (Snec). Tout au long des débats au tribunal, aucun des responsables du service financier et de la comptabilité, des marchés ou du patrimoine, à l’époque des faits, n’a été invité à déposer à charge ou à décharge. Il est pourtant de notoriété publique que c’est dans ce service que ce genre de dossier se gère. Le Tcs, qui a exigé des documents comptables, n’a rien pu obtenir de l’actuel directeur général de la Camwater, Gervais Bolenga. Néanmoins, Atangana Kouna, lui, a accepté de restituer le corps du délit à hauteur de 1,2 milliard de francs. Exactement comme il l’a fait dans les autres affaires en bradant ses biens immobiliers. « Autant conclure, avec les avocats du concerné qu’il s’est agi depuis le départ d’un procès assez particulier, aucun dossier n’ayant été apprêté au moment de son interpellation et aucune coaction n’ayant par ailleurs été établie avec son successeur à la Camwater, Jean William Sollo », indique un expert des questions judiciaires. «Nous avons opté pour un moyen de défense qui est la restitution du corps du délit parce que notre client est un haut commis de l’État », explique Me Luck Sack. Celui-ci de poursuivre, « on s’est dit à quoi ça servirait-il d’aller dans une confrontation effrontée contre tout un appareil judiciaire ? Et, c’est pour cela que nous avons opté pour la restitution du corps du délit qui est un moyen de défense, et ce moyen a prospéré.»