Des tissus estampillés 100% coton, qui ne le sont pas, inondent les marchés africains, dont celui de Garoua.
Le Bazin à l'origine est une étoffe 100% coton. Elle tire son origine de tisserands syriens qui inventèrent une technique de tissage qui réussissaient avec des fibres de coton brut, à faire des draps très robustes agrémentés des figures géométriques rien qu’en jouant des mailles très resserrées.
La technique a connu un franc succès. Elle a porté le nom de la ville où les étoffes d'une singulière beauté étaient vendues à des marchands venus du monde entier. C'était dans les souks de Damas, la ville des mille et une nuits. La technique est devenue pour tous le damassage.
Un marchand allemand a été séduit. Il s’est patiemment de cette technique et l'a exportée chez lui où il l'a industrialisée. Il s'appelait Bazin et c'est sous ce nom que ce drap est
connu en Afrique.
Le continent surtout dans sa partie occidentale a très vite adopté le Bazin. Il a été très vite colorié au goût local, lui donnant ainsi toutes les teintes de l’arc-en-ciel. Tout le monde n’a plus voulu se vêtir que de Bazin. Les hommes musulmans surtout. Selon la Sunna ou habitudes du prophète qu’ils sont tenus de copier, ils sont interdits de porter des vêtements en soie. Ils se sont alors rabattus sur une autre matière noble et aussi riche : le coton pur. Ils se sont rabattus avec volupté sur ce drap. Des noms prestigieux en ont fait presque la promotion. En le portant, les Moussa Traoré, Ahmadou Ahidjo, Ibrahim Boubakar Keita, Macky Sall, Amadou Toumani Touré, Ahmed Sekou Touré... en ont fait un mode d'expression politique.
En même temps que ces dirigeants de pays producteurs de coton lançaient une mode, ils promouvaient la culture du coton chez eux. Ils y ont taillé de majestueux habits d'inspiration africaine. C'était le "abats le costume" occidental sans l’ostentation. Le modèle a séduit. Des milliers d’Africains l'ont adopté. Les industries locales de transformation de la fibre n’ont pas suivi le rythme de production du coton et surtout, la grosse tendance qui est née dans les années 1960.
Bazin chinois
Les filatures allemandes et autrichiennes, places fortes des étoffes damassées plus opportunistes et mieux équipées, se sont multipliées. Pour être enregistré dans le carnet de commandes des Getzner ou Bauer, deux des plus grands fabricants, il faut déposer un million d’euros d'arrhes. Des commerçants ouest africains, tels les membres de la famille malienne Gan Yllah, ont fait des fortunes considérables au point de faire de leur nom une marque. Ils jouissent d'un néologisme sélect. Ils sont des « baziniers ».
Mais, le business du Bazin n'est pas si exclusif que ça. Sentant eux aussi une aubaine, des fabricants indiens et chinois ont fait leur Bazin. Au coton, ils ont mêlé des fibres synthétiques moins chères. Leur tissu, quoique estampillé 100% Bazin, n'en sont pas en réalité.
Pourtant, ils en ont inondé les marchés africains, au point de confondre les puristes. Des commerçants ignorants ou peu scrupuleux, ou les deux à la fois, n'hésitent pas à proposer ces contrefaçons de plus en plus vraisemblables et audacieuses comme d'authentiques tissus damassés.
Il est très difficile désormais de distinguer le vrai du faux. Entre commerçants véreux et populations appauvries, le commerce du Bazin 100% coton s’est étiolé. C’est pourquoi en partie on ne connait pas de riche ‘Bazinier » camerounais, pourtant le secteur ne manque pas de perspectives.