Bonne nouvelle pour les entreprises camerounaises

Louis Paul Motaze

Wed, 1 Feb 2023 Source: www.camerounweb.com

Le chiffre d’affaires global des entreprises bondit de 33,5%

Selon le dernier Rapport sur la situation des entreprises publiques et établissements publics, finalisé en octobre dernier et mis à la disposition du public récemment, la performance des entreprises et établissements publics (EEP) du Cameroun est caractérisée par un chiffre d’affaires global qui a augmenté de 33,5% au cours de l’année 2021. C’est une bonne performance par rapport à l’année d’avant, lorsque ce chiffre d’affaires avait drastiquement baissé de -25,54%. Le rapport de la Commission technique de réhabilitation (CTR) souligne cependant que le niveau d’endettement de ces EEP s’est accru entre 2020 et 2021, notamment pour les dettes à court terme. Ce qui constitue un risque élevé pour le budget de l’Etat.

Au cours de l’année 2021, les entreprises et établissements relevant du secteur public et parapublic au Cameroun ont globalement connu un regain de vitalité. C’est ce que révèle le plus récent Rapport sur la situation des EEP, distillé depuis quelques jours par la Commission technique de réhabilitation (CTR) de ces institutions. De ce que l’on peut en retenir, sur le plan financier, la performance en 2021 est caractérisée par un chiffre d’affaires de 1 493,569 milliards de FCFA. Il est en augmentation de 33,5% contrairement à une baisse observée entre 2019 et 2020 de -25,54 %. Cette embellie, apprend-on, est tributaire notamment de plusieurs facteurs. Il y a d’abord la sortie progressive de la crise sanitaire de COVID-19 qui a permis la relance des activités dans les secteurs du transport aérien (CAMAIR-CO, ADC) et maritime, ainsi que du tourisme. On a ensuite une relative accalmie de la crise sécuritaire dans les zones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui a donné lieu à la relance des activités de la CDC et de PAMOL, entre autres. L’on note également cette bonne tendance du fait de la relance des activités de la Société Nationale de Raffinage (SONARA) grâce aux mesures du gouvernement, relatives à l’allocation de 80% des importations des produits pétroliers à cette société. L’on se souvient que son activité ayant été réduite à l’importation des produits pétroliers pour l’approvisionnement du marché camerounais depuis la destruction de ses unités de production. Enfin, la CTR indique que le chiffre d’affaires est en augmentation suite aux mesures de restructuration et d’accompagnement de certaines EEP mises en place par l’Etat, notamment la restructuration ou la reprise des dettes d’ALUCAM, de la SONARA, de CAMAIR-CO, etc.

Embellie portée par le secteur hydrocarbure/électricité

Dans les détails, le rapport de la CTR souligne que l’embellie la plus importante concerne le secteur hydrocarbure/Electricité avec une augmentation de 100,39%. Il est suivi des secteurs agriculture/sylviculture (41,83%) ; transport aérien et maritime (20,45%) ; industrie/commerce (16,6%) ; établissements financiers (10,17%), santé/emploi/sécurité sociale (6,25%) ; génie civil/BTP/habitat (2,72%). Dans chacun de ces secteurs, l’amélioration du chiffre d’affaires est plus importante pour les entreprises CAMAIR-CO (266,9%), SONARA (198,9%), CHC (96,6%), CDC (83,96%), ADC (57,8%), SODECOTON (39,90%), MAETUR (38,15%) PAK (26,99%), CRTV (20,28%). Ainsi, le secteur hydrocarbure/eau/électricité dominé par la situation de la SONARA reste celui qui contribue le plus au chiffre d’affaires global, soit 42% contre 32% en 2020 et 56% en 2019. « Cette contribution est boostée par l’embellie du chiffre d’affaires de la SONARA. La SONATREL dans le sous-secteur électricité maintien son évolution graduelle, nonobstant les préoccupations liées à la mise en œuvre de la réforme du secteur de l’électricité », souligne le rapport. Quant aux autres secteurs, la SODECOTON, le PAD, CAMTEL, LABOGENIE, ALUCAM, le CFC dominent respectivement les secteurs agriculture, transport aérien et maritime. Valeur ajoutée S’agissant de la valeur ajoutée consolidée pour l’année 2021, elle a suivi la même tendance que le chiffre d’affaires consolidé avec un bond de 62,56% par rapport à 2020. Cependant, elle reste faible avec des charges de personnel toujours très élevées. On note néanmoins que par rapport aux exercices précédents, les charges de personnel absorbent de manière globale 39% de la valeur ajoutée, soit une amélioration par rapport à 2020 où la valeur ajoutée était absorbée à plus de 60% par les charges du personnel. « Il reste encore des cas où la valeur ajoutée est totalement absorbée par les charges de personnel. Ceci pourrait expliquer l’accroissement de l’endettement à court terme de ces entités qui a augmenté en 2021, contrairement aux autres indicateurs qui ont connu une amélioration », mentionne une fois de plus le rapport de la CTR. De manière spécifique, les charges du personnel sont mieux couvertes. Leur profil entre 2020 et 2021, a une tendance différente, compte tenu de l’amélioration du chiffre d’affaires. Pour les entreprises publiques (SCP et SEM) ainsi que les établissements publics à caractères spéciaux, plus de 50 % présentent des charges de personnel qui sont couvertes par la valeur ajoutée. C’est le contraire de ce qui avait été observé en 2020 où, excepté quelques cas, 90% des structures présentaient des charges de personnel supérieurs à 30% du chiffre d’affaires, certaines allant au-dessus de 70%. L’existence des marges de manœuvres nécessaires pour un fonctionnement optimal, notamment pour le financement des investissements reste une préoccupation. « Ceci justifie l’importance continue des dettes à court terme sus évoquées, le non renouvellement des équipements qui, restent obsolètes et grèvent la compétitivité des EEP », prévient la CTR.

Endettement toujours important

Au demeurant, l’endettement global reste important, s’inquiète la CTR. Il s’est même accru entre 2020 et 2021 de 19,26% pour les dettes à court terme bien qu’il est observé une baisse de 19,46% pour les dettes financières qui pourrait s’expliquer par l’absence de certaines structures dans l’analyse, notamment CAMWATER. La dette à court terme globale représente plus de 151% du chiffre d’affaires combiné, contre 160% en 2020. Tandis que la dette à moyen et long terme (DLMT) globale représente 93,36% du chiffre d’affaires contre 152% en 2020. Au total, la dette globale représente 244,74% du chiffre d’affaires en 2021 contre 312,57% en 2020. A quelques exceptions près, les risques pour le budget de l’Etat restent donc très élevés pour la plupart des cas, en ce qui concerne la quasitotalité des indicateurs d’analyse risque que sont la liquidité, la solvabilité, la rentabilité, la profitabilité, et la dépendance vis-à-vis des transferts du gouvernement. La situation reste d’autant plus préoccupante qu’en matière de gouvernance, ce n’est pas encore l’unanimité. La situation n’a pas évolué pour certaines sociétés à capital public comme la SOPECAM, la SODEPA, ou la MAGZI. Bien qu’ayant été mises en conformité, elles ne disposent toujours pas d’assemblées générales conformément à la règlementation. Bien plus la mise en conformité des conseils d’administration et même la nomination par l’assemblée générale des commissaires aux comptes dans certains cas n’a pas encore été initiée ou parachevée. Cette raison est évoquée au niveau de la SODEPA qui, depuis 2020, n’a tenu aucune session de son conseil d’administration.

Entreprises à potentiel et à risque

Dégageant les données fournies par la Commission technique de réhabilitation des entreprises publiques et des établissements publics, l’on peut faire un essai de classement. En effet, certains de ces EEP ont un potentiel certain. Il s’agit de celles ayant dégagé un résultat d’exploitation et un résultat net positif sur la période et notamment au 31 décembre 2021, avec des capitaux propres positifs et le cas échéant des dividendes générés. Pour 2021 contrairement à 2020 où il n’a pas été constaté de dividendes générés, la CHC et la SNI ont générés des dividendes d’un montant total de 1 114, 183 milliards de FCFA. Par ailleurs, 18 entreprises 13 en 2020 et 9 en 2019 sont éligibles à la liste des entreprises à potentiel avec un résultat d’exploitation et un résultat net positifs. Toutes les entreprises éligibles en 2020 ont maintenu la même tendance dans le classement : SCDP, SIC, CNCC, PAK, LABOGENIE, CSPH, CNPS, SONATREL, CFC, MAETUR, CAMTEL, PAD excepté BCPME dont les données n’ont pas été rendues disponibles. On note cependant le retour de ADC et CHC qui avaient été fortement impactés par la COVID avec une dégradation de leurs résultats nets en 2020. Il faut relever l’entrée de six nouvelles entités à savoir SNI, SRC EDC, CPC, CAMTEL et CFC. Pour les entreprises à risque, elles sont issues de l’analyse risque qui présente de manière globale et à quelques exceptions près, une situation critique tant en ce qui concerne l’endettement (liquidité et solvabilité) qu’en ce qui concerne la rentabilité, la profitabilité et le poids des dettes vis-à-vis de l’Etat. S’agissant de l’endettement, le risque reste élevé à très élevé pour ALUCAM, SONARA, CAMPOST, CAMTEL, CICAM, SODECOTON, CNIC, MAETUR, CRTV, MAGZI, SODECOTON, CDC, SRC. Par ailleurs, plusieurs entreprises présentent un risque en ce qui concerne le poids des dettes fiscales et sociales par rapport à leur endettement à court terme. Cette situation prive l’Etat d’une part importante des ressources attendues au titre des impôts et taxes et, d’autre part, constitue un risque de perturbation du climat social au sein des entités concernées du fait du non reversement des cotisations sociales. On peut citer dans ces cas CAMTEL, CRTV, SRC, MATGENIE, SONARA, SCDP, SONATREL, EDC, PAMOL, SEMRY, MIDEPECAM.

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