C'est la diversification de l'économie camerounaise qui crée sa résilience - Louis Paul Motaze

Louis Paul Motaze Le Ministre Camerounais De LEconomi Notre pays trouverait de nombreux avantages à travailler avec l'Italie - Louis Paul Motaze

Thu, 23 Mar 2017 Source: cameroon-info.net

Dans une interview accordée au journal Le Point et publiée ce jeudi, le ministre camerounais de l’Economie évoque l’enjeu du forum économique italo-camerounais qui s’est tenu le 22 mars à Rome, dans le sillage de la visite d’Etat du Président de la République, Paul Biya, en Italie.

Le Cameroun peut-il aller plus loin dans la diversification de son économie avec l'Italie ?

Compte tenu de sa situation économique actuelle, le Cameroun est à la recherche d'une plus grande diversification. Parce qu'il faut comprendre que c'est la diversification de l'économie camerounaise qui crée sa résilience. Ce qui a fait que le Cameroun a pu supporter les chocs qu'il a subis. Les chocs vous les connaissez. Les prix des matières premières ont baissé, notamment pour le pétrole, et par conséquent ses ressources également. Et en même temps, une crise sécuritaire, avec la guerre au nord du pays et une situation d'insécurité à l'est, ce qui a augmenté les dépenses. Donc pour mieux résister à ces chocs, le Cameroun a besoin de diversifier son économie. Alors que nous avons rencontré, le mois dernier, des opérateurs économiques italiens, nous avons pensé qu'il serait bon, dans le cadre de la visite du président Paul Biya à Rome, de les voir à nouveau. Non pas pour reprendre les mêmes échanges, mais pour les approfondir et pourquoi pas nouer de nouveaux partenariats. C'est pourquoi nous avons amené des opérateurs économiques privés.

Quels sont les secteurs pour lesquels vous cherchez à attirer des investisseurs italiens, par exemple ?

Nous avons pré-identifiés les filières qui sont importantes pour nous. Ce sont en général des filières de transformation. Parce que l'objectif aujourd'hui, plutôt que d'exporter exclusivement nos matières premières, il s'agit d'en transformer localement une bonne partie. D'ou le choix des filières agro-industrielles, bois, peau et cuire également. La aussi nous avons des opérateurs économiques qui exportent des peaux, mais nous pouvons faire venir des industriels italiens qui vont transformer localement notre production de cuir, et développer pourquoi pas la production de chaussures et autre maroquinerie au Cameroun.

Concrètement, qu'est-ce qui a découlé de vos échanges ? Des contrats ont été signés ?

Quand nous discutons avec des sociétés privées, nous ne pouvons pas leur imposer les délais. On ne peut pas leur dire que les contacts vont aboutir dans un, deux mois, les échanges répondent à des intérêts privés. Les discussions vont se poursuivre. Nous allons faire le suivi avec la Confindustria [confédération de l'industrie italienne, NDLR] et nous avons pris ensemble la décision d'effectuer une mission de suivi, au Cameroun cette fois. Maintenant, nous aussi, nous avons eu des échanges, avec le ministre délégué aux Finances, entre autres, avec des entreprises sur certains des problèmes qui se posent déjà. Nous avons reçu des entreprises qui nous ont fait des propositions. Nous allons en parler aux ministres compétents. Notamment en matière de production de l'énergie, avec la biomasse, etc. Car nous souhaitons tendre vers un mix énergétique. Et nous venons de parler d'un concept élaboré ici en Italie, Modern Farm. Autrement dit, il s'agit d'implanter sur un même site un projet intégré qui inclut l'élevage, la culture fourragère pour alimenter le bétail, les usines de production de lait et autres ainsi que la production d'énergie à partir des déchets naturels. On discute de la possibilité de mettre en place ce concept au Cameroun. D'autant qu'il peut être modulaire, intégrer l'élevage ou non. En un mot, les objectifs ont été atteints maintenant ce sont surtout les opérateurs économiques qui doivent en tirer profit. Nous, nous sommes là pour jouer le rôle de facilitateur.

En termes d'attractivité, quels sont les arguments que vous avez avancés pour les convaincre ? On souligne souvent les tracasseries administratives qui pénalisent les acteurs privés au Cameroun...

Les lourdeurs administratives ne sont pas propres au Cameroun. C'est un problème mondial. Le chef de l'État, dans son allocution, a parlé de l'amélioration du climat des affaires. Le Cameroun travaille à cela. Comme le disent les Français, un problème bien posé est un problème à moitié résolu. Nous devons nous améliorer. Et c'est ce que le gouvernement fait. Il y a moins de deux semaines, le Premier ministre était à Douala pour présider le Cameroun Business Forum. Le forum pendant lequel nous essayons d'évaluer avec le secteur privé les mesures à prendre pour améliorer le climat des affaires. Mais vous voyez, on nous rappelle souvent qu’on n’est pas toujours bien classés. Mais cela ne signifie pas que l'on travaille mal, mais qu'on ne va pas aussi vite que d'autres. Nos efforts sont soulignés. Nous avons eu quelques points positifs dans le dernier Doing Business, mais nous savons que nous pouvons faire mieux, et nous sommes convaincus que nous serons mieux classés dans le prochain classement.

Le Cameroun a d'autres partenaires, notamment français ou chinois. Que cherchez-vous dans le partenariat avec l'Italie ?

D'abord tous les partenariats nous intéressent, le Cameroun a une diplomatie ouverte. Ce n'est pas un pays qui s'enferme dans un partenariat exclusif. Mais l'Italie a la particularité d'avoir une économie qui repose essentiellement sur un tissu de PME et PMI. Et cela c'est très intéressant pour nous. Car quand vous étudiez la cartographie des entreprises camerounaises, vous allez vous rendre compte que 80 à 90 % sont composées de PME. L'avantage des PME est reconnu. Et nous pensons qu'une économie comme la nôtre, qui est également basée sur les PME, trouverait de nombreux avantages à travailler avec une économie comme celle de l'Italie.

D'autant qu'ils évoluent vers le modèle chinois : en plus d'une expertise, ils apportent des financements donc des solutions complètes...

Il faut savoir que l'Italie a un niveau d'expertise industriel qui est reconnu. Maintenant, l'Italie, et c'est une très bonne chose, nous propose des solutions financières. Et nous avons déjà signé des conventions avec l'Italie que ce soit pour la construction de logements sociaux ou autres. D'ailleurs, au cours de ce forum, les financiers, notamment la Sace (l'agence italienne de crédit à l'export), étaient présents. Comme il y a des propositions financières qui sont faites, il s'agit de les étudier. Même si pour nous, l'objectif maintenant et de favoriser les financements concessionnels. De sorte que les financements ne soient pas trop lourds. Autrement, ils vont écraser le poids de la dette que nous cherchons à maîtriser. Ce sont des discussions très dures, très techniques, qui incluent effectivement les questions du financement.

Source: cameroon-info.net