Le Cameroun fait pression pour la convocation d’une session extraordinaire du conseil d’administration qui se prononcerait en toute légitimité sur ce dossier.
Rien ne va plus au sein de l’organisation africaine de la propriété intellectuelle (Oapi). Comme nous l’indiquions dans ces mêmes colonnes le 20 octobre dernier, la présidente du conseil d’administration de cette institution, Alimatou Shadiya Assouman, a signé le 14 octobre une décision portant suspension du directeur général, l’Ivoirien Denis Bohoussou Loukou, de ses fonctions.
La ministre de l’industrie et du Commerce du Bénin, qui a immédiatement chargé le directeur général adjoint, Jean-Baptiste Noël Wago, de liquider les affaires courantes, motive cette mesure par « le refus du directeur général de faire exécuter la décision d’auditer la gestion de l’organisation en vue de clarifier les soupçons de mal gouvernance et de malversations financières mettant directement en péril les intérêts de l’organisation ».
La Pca dit vouloir, entre autres, voir clair sur le placement par le Dg 2 milliards Fcfa à la Banque atlantique Cameroun, contre les avertissements du contrôleur financier de l’Oapi au sujet de sanctions prises à l’encontre de cette institution bancaire par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac).
Dans une réponse à la Pca datée du 18 octobre, Denis Bohoussou Loukou qui regrette de n’avoir pas formellement été notifié de la décision le suspendant alors qu’il se trouvait à Libreville (Gabon) dans le cadre d’une mission relative à la préparation du protocole de propriété intellectuelle de la Zone de libre-échange continentale (Zlecaf), dit sa surprise après avoir constaté que ses accès aux comptes email professionnels avaient été interrompus, ses accès aux postes de travail professionnels désactivés et ses lignes téléphoniques suspendues.
Cette pilule est difficile à avaler pour Denis Bohoussou Loukou qui, bien que sur la touche désormais, appelle la Pca à convoquer diligemment une session extraordinaire du conseil d’administration qui est l’organe décisionnel de l’Oapi.
Visa
Du reste, le Dg dément vigoureusement l’information selon laquelle il se serait opposé à un audit financier de sa gestion. Il indique, par contre, avoir insisté auprès de la Pca pour que l’audit envisagé s’étende à l’année 2017 qui correspondant à sa prise de fonction à Yaoundé.
Le 05 octobre, il avait d’ailleurs adressé une correspondance à la Pca en réponse à la demande faite par cette dernière, le 24 septembre, de recruter un cabinet en vue de cette opération. Objet, lui signifier que certaines corrections de formes étaient nécessaires avant la publication des termes de références (Tdr) qui lui avaient été transmis.
Non sans lui rappeler la règlementation en matière d’audit, afin que cette opération se fasse conformément aux procédures en vigueur. Il lui demandait, en conséquence, d’apposer son visa sur le document corrigé avant transmission pour publication. Mais au lieu de quoi, la ministre béninoise, qui avait manifestement son agenda, est passée à la vitesse supérieure. Sa décision plus que controversée divise le conseil d’administration.
A en juger par la sortie du 15 octobre du ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement urgence technologique (Minmidt) du Cameroun, Gabriel Dodo Ndoke, dénonçant entre les lignes un empressement injustifié de la Pca de régler les tensions qui existaient depuis plusieurs mois entre le Dg, le Dga et le contrôleur financier de l’Oapi. En sa qualité de représentant du Cameroun au conseil d’administration de cette institution dont le pays accueille le siège, le membre du gouvernement avait entrepris une médiation entre ces trois personnalités.
Les deux premières avaient déféré à sa convocation. Le contrôleur financier, pour sa part, a snobé le Minmidt. « Alors que j’étais encore dans l’esprit de cette mission de bons offices, nous apprenons que la question est finalement tranchée par vos soins à travers la suspension du directeur général, à l’initiative concertée du Dga et du contrôleur financier formulée dans une note cosignée », écrit Gabriel Dodo Ndoke.
Conciliation
Tout en prenant acte de cette évolution, ce dernier regrette « l’échec de la conciliation pourtant bien enclenchée » et note qui « il est évident de constater que notre organisation se trouve désormais en péril, laissant craindre une implosion généralisée au sein du personnel pouvant avoir des répercussions sur l’ordre public interne de l’État du siège ». Le Minmidt est d’avis pour la convocation « en extrême urgence dans la huitaine », d’une session du conseil d’administration, afin de permettre aux administrateurs de se prononcer en toute légitimité sur ce dossier.
Une note technique attribuée à la Pca, en circulation sur les réseaux sociaux, indique que non seulement les dispositions susmentionnées, sur lesquelles s’appuie le Dg « sont erronées (tentative d’induire la Pca en erreur et la faire changer d’avis), mais il demande à la Pca d’aménager le budget (tentative de montrer que la Pca demande une activité non inscrite au budget). Se rendant compte de la manœuvre, la Pca lui fait remarquer que les dispositions qu’il a visées dans sa lettre ne sont pas applicables en l’espèce.
De plus, elle lui précise qu’il existe bien une ligne dans le budget 2021 pouvant prendre en charge les honoraires de la mission d’audit, ce qui est confirmé par le contrôleur financier. Dos au mur par cet argument massue, le Dg attend plus d’une semaine pour écrire à nouveau à la Pca afin, dit-il, de lui proposer une réécriture des Tdr avec des orientations par lui faites. Il demande à la Pca de les endosser. Ce qui est curieux pour quelqu’un qui doit être audité […] Ces manœuvres visent le même but : faire du dilatoire et gagner en temps car le mandat de la Pca finit après la prochaine session du Conseil, prévue en début décembre prochain ».